Opinion

IMMIGRATION
Vivre la pandémie sans carte d’assurance maladie

Depuis quelques jours, Jacob fait de la fièvre et pleure une bonne partie de la journée. Ses parents, Ingrid et Claude, sont inquiets et craignent que ce soit la COVID-19. Ils décident donc d’aller consulter un médecin.

La bonne nouvelle : ce n’est pas la COVID-19. La mauvaise : il s’agit d’une otite et par conséquent, on leur demande de payer pour les frais de consultation aux urgences, qui sont de 720 $. Cette dépense imprévue représente presque les trois quarts de leur budget mensuel, qui est de 1000 $ pour couvrir toutes les dépenses de la famille, incluant le loyer.

Malgré notre système public universel de soins de santé, des enfants habitant au Québec n’ont pas accès à des soins couverts par l’assurance maladie en raison de leur statut d’immigration ou de celui de leurs parents. Il peut s’agir, par exemple, de familles en attente d’une réponse à leur demande de résidence permanente. Le traitement de ces demandes peut prendre de quelques mois à quelques années.

Pendant ce temps, si les parents veulent faire soigner leur enfant, ils doivent payer, et ce, même si l’enfant est né ici. Depuis le début de la pandémie, la Régie de l’assurance maladie du Québec a modifié certaines règles. En effet, les personnes dont le statut d’immigration ne donne pas accès à la couverture de la régie d’assurance maladie sont maintenant couvertes pour le test de dépistage de la COVID-19 ainsi que pour les soins médicaux et hospitaliers en lien avec la maladie. Les soins qui ne sont pas liés à la COVID-19 ne sont toutefois toujours pas couverts. Pourtant, les problèmes de santé comme les otites, les bronchites ou les infections urinaires ne prennent pas de pause, même en période de crise.

Perte d’emploi, insécurité alimentaire, confinement dans des logements trop petits : les familles vulnérables sont celles qui sont frappées le plus durement par la crise actuelle. Les familles immigrantes avec un statut précaire en font partie. Selon une étude montréalaise réalisée avant la crise, 66 % d’entre elles déclaraient avoir dû renoncer à des soins de santé parce qu’elles n’avaient pas les moyens de payer.

En plus de priver de jeunes enfants de soins dont ils ont besoin, cette situation peut faire obstacle au contrôle de la pandémie. En effet, des personnes malades pourraient décider de ne pas consulter par crainte de souffrir d’une autre maladie que la COVID-19 et se retrouver avec une facture qu’elles n’auront pas les moyens de payer.

En Ontario, le gouvernement en est venu à la conclusion qu’il valait mieux couvrir tous les soins de santé, qu’ils soient ou non liés à la COVID-19. L’Association médicale canadienne et la Société canadienne de pédiatrie ont, pour leur part, demandé à ce que tous les soins soient pris en charge pendant la crise et de considérer le maintien de ces dispositions au-delà de la pandémie.

La petite enfance est une période clé sur le plan du développement de l’enfant. L’accès à des soins de santé est donc primordial. Un enfant qui n’a pas accès à des soins au moment opportun pourrait vivre avec des handicaps, des troubles du développement ou des maladies chroniques non dépistées. Ces complications sont beaucoup plus complexes et coûteuses à traiter et pourraient hypothéquer sa vie future.

Considérant les impacts de cette situation sur la santé de l’enfant, mais également les conséquences sociales et économiques que cela pourrait représenter pour sa famille et pour le Québec, n’est-il pas temps de trouver une solution ? Et si on commençait par les aider à traverser la crise ?

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