Éditorial

Vite, de l’oxygène pour Transat

Mesdames et messieurs, bienvenue à bord de cet appareil. En cas de dépressurisation de la cabine, un masque à oxygène tombera automatiquement du compartiment au-dessus de votre tête. Appliquez-le sur votre visage et… patientez au moins un an.

De l’oxygène, c’est Transat A.T. qui en a besoin de toute urgence à cause de l’échec de son mariage avec Air Canada. Mais malgré les belles déclarations, l’aide d’Ottawa n’en finit pas de se faire attendre.

En novembre dernier, l’ancien ministre des Transports, Marc Garneau, avait annoncé un plan de sauvetage pour épauler l’industrie et permettre aux voyageurs d’être finalement remboursés. Mais rien n’est encore en piste.

Jusqu’ici, l’inaction du fédéral a affaibli l’ensemble du secteur aéronautique – un des grands moteurs économiques de la région de Montréal –, et plus particulièrement Transat qui sera le premier à manquer d’air puisqu’il est l’acteur le plus fragile.

Soyons francs, le transporteur montréalais est dans une position périlleuse. Paralysé par la pandémie, Transat n’enregistre aucun revenu et brûle environ 50 millions de dollars par mois. Ses liquidités s’évaporent de jour en jour. Or, l’entreprise doit rétablir ses ratios financiers d’ici la fin d’avril, sans quoi son créancier pourrait le priver de sa ligne de crédit dès le mois de juin.

Ça vient vite. En attendant que le tourisme redécolle, il faut une bouée de sauvetage pour Transat.

Le transporteur a besoin d’environ 700 millions pour passer à travers la tempête et rembourser ses clients dont le vol a été annulé en raison de la COVID-19. L’entreprise, qui leur doit 519 millions, n’a mis que 44 % de cette somme en fiducie.

Sans aide, ça fait beaucoup de passagers qui risquent de perdre leur dépôt. Mais la compagnie aérienne a bon espoir d’obtenir un crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) doublé d’une aide sectorielle dessinée sur mesure pour le transport aérien.

Jusqu’ici, Ottawa a préféré offrir des mesures ouvertes à toutes les industries, ce qui avait l’avantage de ne pas faire de jaloux. Moins risqué sur le plan politique.

Mais pendant ce temps, l’Europe et les États-Unis ont appuyé leurs transporteurs à grands coups de milliards. Il y a quelques jours à peine, la France a d’ailleurs annoncé une nouvelle recapitalisation de 4 milliards d’euros pour Air France.

Résultat : les transporteurs étrangers seront mieux positionnés lorsque la relance viendra. Certains acteurs européens ont même déjà annoncé leur intention de lancer des liaisons vers le Québec, entrant en concurrence directe avec Transat dont l’avenir reste sombre, à long terme.

Rappelons-le, si Transat avait cédé aux avances d’Air Canada, c’est que la compagnie voyait toute la difficulté de rester concurrentielle sans posséder un réseau de vols intérieurs pour remplir ses appareils et rentabiliser ses opérations.

Rien de cela n’a changé. À moins qu’un autre acquéreur se pointe à l’horizon…

Québec se dit prêt à aider Transat, dans la mesure où l’entreprise reste entre des mains québécoises. Bien sûr, cela préserverait le siège social et ses précieux emplois. Sauf que les acquéreurs potentiels ne courent pas les rues au Québec. Deux de ceux qui s’étaient déjà manifestés – Groupe Mach et FNC Capital – ne sont plus intéressés, selon le Financial Post.

Reste Pierre Karl Péladeau dont la société de gestion maintient son offre, trop basse pour satisfaire le plus important actionnaire de Transat, le gestionnaire de portefeuille Letko Brosseau. Mais, disons-le, M. Péladeau n’a aucune expertise en aviation, une industrie coupe-gorge qui ne se gère pas comme une flotte de taxis.

Un acquéreur qui a déjà un pied dans l’industrie serait mieux placé pour prendre les commandes. Par exemple, une fusion avec WestJet dont les activités sont assez complémentaires permettrait de créer un deuxième acteur national capable de livrer une concurrence sérieuse à Air Canada, ce qui serait bénéfique pour les consommateurs. Le conglomérat Onex qui détient WestJet a les reins solides. Mais il ne semble pas souhaiter faire une offre.

Bref, le brouillard demeure épais. Et au-delà d’une bouée de sauvetage, il faut une solution pour que Transat reste longtemps à flot.

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