OPINION LES ÉTATS-UNIS ET ISRAËL

Un climat de crise

Si Nétanyahou ne trouve pas un compromis acceptable par la diaspora libérale, sa crédibilité de parler au nom du peuple juif en sera durement affectée

Les partis religieux ultraorthodoxes qui sont les plus stricts sur le respect de la loi juive et les moins tolérants vis-à-vis des autres courants du judaïsme contrôlent le Rabbinat d’Israël.

Ils détiennent avec le parti nationaliste religieux orthodoxe la balance du pouvoir au Parlement israélien. Sans leur soutien, le gouvernement de coalition s’effondrerait.

Les leaders des partis ultraorthodoxes ne cachent pas leur mépris pour les juifs reformés et conservateurs nord-américains qu’ils ne considèrent pas vraiment comme des juifs authentiques et qu’ils accusent d’être « la cause de l’assimilation des juifs » dans la diaspora.

Les enquêtes montrent qu’une majorité croissante d’Israéliens se sentent aliénés par le pouvoir coercitif de l’establishment ultraorthodoxe.

Tensions entre la diaspora et Israël

La communauté juive est en crise et vit des tensions uniques dans son histoire dans sa relation entre la diaspora américaine pluraliste – la plus importante diaspora dans le monde et égale en nombre à celle d’Israël – et le gouvernement israélien de droite-extrême droite.

Les leaders du puissant lobby pro-israélien aux États-Unis, AIPAC, dont la majorité des membres est non orthodoxe, a averti Nétanyahou que ses décisions sur le Mur et les conversions ont créé une « crise de confiance » avec la communauté juive américaine.

Pour certains critiques juifs américains, cette décision va à l’encontre des intérêts d’Israël en matière de sécurité, car elle risque de réduire l’appui extraordinaire de la communauté américaine à Israël alors que son soutien commence à s’étioler, surtout parmi la jeune génération, et que les critiques à l’endroit de l’occupation et du non-respect des droits de la personne dans les territoires occupés s’accroissent.

Les leaders de la diaspora américaine demandent à Nétanyahou de trouver au plus vite un compromis sur le Mur qui soit acceptable à la diaspora américaine dont les dons représentent 6,5 % du PIB israélien.

La persistance de la crise pourrait avoir des conséquences économiques négatives à long terme (mais pas déstabilisantes) sur Israël bien qu’aucune organisation juive américaine crédible ne s’y soit engagée à ce jour. De plus, la question du soutien à l’État d’Israël n’a jamais été mise en doute par les leaders juifs libéraux nord-américains.

La droite-extrême droite israélienne se tire dans le pied

Nétanyahou se targue de parler au nom du peuple juif, en particulier dans la dénonciation des actes antisémites dans le monde ou la promotion de l’immigration des juifs de la diaspora en Israël.

Selon un dirigeant du mouvement religieux conservateur en Israël, « un gouvernement qui ne respecte pas sa signature dans son accord avec le peuple juif est un gouvernement qui a perdu son autorité morale de déclarer qu’il représente le peuple juif ».

Si Nétanyahou ne trouve pas un compromis acceptable par la diaspora libérale, sa crédibilité de parler au nom du peuple juif en sera durement affectée.

Au sein de la diaspora et en Israël, les sionistes de droite-extrême droite critiquent souvent les sionistes de gauche ou du centre lorsque ceux-ci critiquent la politique du gouvernement israélien, par exemple sur l’occupation de la Cisjordanie ou la violence perpétrée contre les civils palestiniens dans les territoires occupés. La crise actuelle rendra ce type d’amalgame « anti-gouvernement israélien égal anti-Israël » encore moins crédible dans l’avenir.

Mais pourquoi donc Nétanyahou a-t-il accepté de renier sa parole face aux pressions des partis religieux ultraorthodoxes ?

Craignait-il que ces partis quittent la coalition et fassent tomber le gouvernement s’il n’accédait pas à leur demande ? Très probablement. Nétanyahou est-il sur la défensive en raison du climat de corruption constant qui entoure sa personne, sa femme et ses proches collaborateurs dont plusieurs font l’objet d’enquêtes ? Possiblement.

Même si Nétanyahou demeure fort dans les sondages, il a peu de marge de manœuvre pour remplacer les partis ultraorthodoxes par des partis du centre ou de gauche qui ne voient pas d’avantage à joindre sa coalition en ce moment.

Entre se maintenir au pouvoir ou faire la paix avec la diaspora libérale, Nétanyahou choisira le moindre risque et optera pour le pouvoir (comme il l’a fait dans le passé), au risque de créer un schisme avec la diaspora libérale américaine.

Nétanyahou n’a pas trop besoin de cette diaspora pour influencer le gouvernement américain étant donné le peu d’affinités et d’influence de la diaspora libérale sur le président Trump et qu’elle se reconnaît de moins en moins dans les valeurs de droite-extrême droite du gouvernement Nétanyahou.

Si la crise n’était pas résolue, la diaspora libérale américaine pourrait décider de punir Nétanyahou en redirigeant certains dons en Israël vers des causes compatibles avec des valeurs pluralistes ou en redoublant d’efforts pour promouvoir les courants libéraux tant religieux que politique israéliens. Cette éventuelle opposition à l’idéologie antipluraliste en Israël pourrait contribuer à créer des alliances entre la diaspora libérale et les partis de gauche et du centre israéliens propluralistes.

Cette crise pourrait être résolue en partie par une décision de la Cour suprême sur le Mur favorable à la diaspora et forcer la main du gouvernement Nétanyahou en faveur des juifs libéraux. Si la crise n’est pas résolue, les tensions entre la diaspora libérale et le gouvernement de droite israélien ne sont pas près de disparaître.

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