L’homme derrière le joueur de hockey

Quand je suis née, tu as récolté 125 points et remporté ta deuxième Coupe Stanley avec le Canadien. Évidemment, je n’ai pas vu ça, mais j’en ai beaucoup entendu parler. Plus tard, j’ai eu le privilège de te voir filer et briller sur la patinoire. J’étais, comme tous les petits culs de mon âge, ébahie par ton coup de patin et tes mains agiles.

À la patinoire du village de Saint-Dominique-du-Rosaire, où j’ai grandi, on voulait tous porter le numéro 10. C’était même le numéro que mon père portait parfois dans sa ligue de garage. Il t’admirait comme un fou. Mais toi, Guy, tu n’étais pas que l’idole de nos pères, de nos grands-pères et de tous les petits gars qui jouaient au hockey. Tu étais aussi l’idole de nos grands-mères, de nos tantes et des petites filles comme moi. Tu étais l’idole de tout le monde. Tu étais vrai et authentique. Tu étais unique, mais on pouvait tous s’identifier à toi.

En 1989, je me souviens que j’ai pleuré en te voyant dans l’uniforme des Nordiques de Québec. Dans mon cœur, ce n’était pas possible que tu acceptes de jouer pour le clan adverse, pour les méchants. J’ai pleuré encore plus quand tu as pris ta retraite.

Je savais que, cette fois, c’était terminé et que tu ne reviendrais pas. Je n’étais pas la seule à être triste. On avait encore et toujours envie de voir ta chevelure se soulever quand tu donnais l’impression de voler sur la glace.

À ce moment-là, la petite Nancy ne savait pas qu’un jour elle aurait la chance de te rencontrer et souvent en plus. J’étais journaliste sportive depuis peu lorsque mon patron de l’époque m’a annoncé que j’allais faire une entrevue avec toi.

Je ne lui ai pas dit que c’était une des plus belles journées de ma carrière. J’allais interviewer le Démon blond. Moi, la petite fille de Saint-Dominique-du-Rosaire. Je n’en revenais pas.

J’étais nerveuse, mais tu m’as vite rendue à l’aise. Tu me parlais comme si l’on se connaissait depuis toujours. Comme tu le faisais avec tous ceux que tu croisais.

Tu disais toujours oui quand on t’appelait pour des entrevues. On savait qu’avec toi on aurait toujours l’heure juste quant à ce qui se passait chez le Canadien. Tu n’avais pas la langue dans ta poche. Tu voulais qu’ils jouent avec plus de cœur et de passion. Tu voulais qu’ils soient fiers de porter cet uniforme comme tu avais été si fier de le porter.

Je t’ai admiré encore plus en découvrant l’homme derrière le joueur de hockey. J’ai compris pourquoi les gens t’aimaient tant. Tu avais ce don de nous faire sentir importants. Tu regardais les gens droit dans les yeux quand tu leur parlais.

Tu as vécu ta part d’épreuves, mais tu n’as jamais cessé de t’impliquer pour aider les jeunes. Même quand tu étais malade, tu as décidé de faire équipe avec la Fondation du CHUM pour amasser des fonds pour la recherche sur le cancer.

Ce matin, j’avais la larme à l’œil en pensant à toi. Je me rendais dans un centre de réadaptation pour rencontrer des enfants de la DPJ avec les médaillés olympiques Mikael Kingsbury et Kim Boutin. Les temps sont difficiles pour ces enfants et on avait envie de les voir sourire. J’ai reçu un message : « Tu savais que Guy rendait parfois visite aux enfants de la DPJ ? » Non, je ne le savais pas. Tu y allais en cachette pour leur offrir des chandails du Canadien. J’étais émue, mais pas surprise du tout.

Tu étais le héros de tout le monde. Tu n’as jamais oublié d’où tu venais. Tu étais un homme bon. Tu vas nous manquer, Guy.

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