La fabrique de l’ignorance

La science attaquée

On a vu avec la COVID-19 que le discours scientifique ne suffit pas à convaincre les gens de la gravité de la situation et des bienfaits de la vaccination. La méfiance ne provient pas que d’une inquiétude quant à la vitesse à laquelle les vaccins ont été développés et homologués, mais correspond à une tendance de fond : le détournement du discours scientifique, parfois par la science elle-même, comme l’expose le documentaire La fabrique de l’ignorance.

La science est censée nous éclairer quant à l’efficacité ou à l’innocuité d’un produit sur notre santé et nos environnements. On lui demande de jouer à « l’arbitre », selon la formule utilisée dans le documentaire qui sera diffusé à Télé-Québec mercredi, à 20 h. Or, ce rôle en fait « une cible à corrompre ou à miner », dénonce La fabrique de l’ignorance.

Le documentaire développe principalement son argumentaire à partir de trois exemples : le tabac, une classe de pesticides appelés les néonicotinoïdes et le bisphénol A, une substance chimique utilisée dans la fabrication de plastique dur et transparent, dont des bouteilles d’eau et des contenants conçus pour la conservation des aliments. Trois cas où la science a été instrumentalisée pour servir des intérêts commerciaux.

Le cas du tabac

Le cas de l’industrie du tabac a fait école, rappelle le documentaire : même si les cigarettiers étaient au courant des risques que leurs produits posaient pour la santé depuis les années 1950, ils ont cherché par divers moyens à les minimiser. Entre autres en produisant eux-mêmes des études scientifiques qui cherchaient des causes de cancer du poumon chez les non-fumeurs en analysant leur environnement, leur milieu de travail, etc.

« La mise en place d’un centre de recherche sur le tabac [par l’industrie du tabac], elle ne vise pas uniquement à produire du savoir, mais surtout à produire du savoir qui va à l’encontre d’autres faits établis », expose Yves Gingras, sociologue de la science.

« On utilise la méthode scientifique contre la science établie. »

— Yves Gingras, sociologue de la science

L’idée est de faire diversion, semer le doute, voire la confusion, bref, « noyer le poisson ».

Ce modus operandi a été repris par beaucoup d’autres industries, souligne le documentaire. L’objectif derrière ce geste ? Gagner du temps, pour continuer à pouvoir vendre leur produit. La fabrique de l’ignorance avance que c’est le même genre de processus qui est utilisé dans le cas des changements climatiques : un certain discours scientifique est instrumentalisé, principalement pour des raisons idéologiques, pour entretenir le statu quo et freiner l’adoption de règles qui auraient un impact sur l’économie et nos modes de vie.

La fabrique de l’ignorance soulève des questions délicates quant au détournement de la démarche scientifique, mais aussi quant au rôle que jouent tant les groupes de réflexion que les simples citoyens dans la diffusion de discours antiscientifiques et les théories du complot.

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