Services de garde d’urgence

Travail de proximité sans protection

Les éducatrices réclament des primes salariales pour reconnaître les risques auxquels elles sont exposées

Changer des couches. Moucher des nez. Soigner des bobos. Donner à manger. Les éducatrices en poste dans les services de garde d’urgence ne peuvent accomplir ces tâches en restant à deux mètres des enfants.

Plusieurs d’entre elles sont atteintes de la COVID-19. Une éducatrice d’un centre de la petite enfance (CPE) de Montréal a même été hospitalisée mardi.

Alors que les services de garde sont appelés à recevoir de plus en plus d’enfants, avec le redémarrage graduel de l’économie, les syndicats demandent des primes salariales pour les travailleuses des garderies, pour reconnaître les risques auxquels elles sont exposées.

Pendant ce temps, des parents s’inquiètent du grand nombre d’éducatrices qui se succèdent pour prendre soin des enfants.

L’ampleur de l’éclosion dans les services de garde est inconnue, puisque les éducatrices n’ont pas accès aux tests de dépistage, dénoncent les syndicats. Pourtant, elles sont en contact avec les enfants des travailleurs du secteur de la santé, sans aucune protection.

« On a su qu’il y avait au moins 15 cas, mais on n’a pas de chiffre précis, puisqu’il n’y a aucun test. »

— Valérie Grenon, présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec

Les éducatrices réclament aussi des consignes claires et uniformes sur les procédures à suivre en cas d’éclosion. « Beaucoup d’entreprises sont en train de rouvrir, comme les chantiers de construction, où les travailleurs portent des masques et des visières. Mais les éducatrices en CPE ou en milieu familial n’ont pas de masque ni de visière, et elles portent des gants seulement en cas de nécessité », dit Mme Grenon.

En cas d’éclosion dans un CPE, il n’y a aucun protocole précis sur la conduite à tenir, souligne aussi la représentante syndicale. Dans un CPE où un cas s’est déclaré, l’établissement a été fermé. Mais dans un autre, on a simplement demandé aux employées ayant été en contact avec la collègue infectée de se mettre en quarantaine, sans même prévenir les parents. « C’est laissé au bon vouloir de chaque direction, et les recommandations de la Santé publique varient selon les régions », ajoute Valérie Grenon.

Les parents n’ont été prévenus qu’après l’intervention d’un gestionnaire de niveau supérieur, précise-t-elle.

« C’est très inquiétant de travailler dans ces conditions, sans avoir d’information claire sur les consignes à respecter », témoigne une éducatrice d’un CPE où un cas s’est déclaré, qui a requis l’anonymat pour éviter de nuire à ses relations avec sa direction. « Ce n’est pas toujours possible de réduire les contacts avec les enfants, s’ils ont besoin d’être consolés, ou s’il y a des couches à changer. »

Actuellement, il y a très peu d’enfants dans les services de garde restés ouverts pour accueillir la progéniture des employés du réseau de la santé (environ 5000 enfants répartis dans 1000 services de garde). Des éducatrices peuvent donc être libérées pour désinfecter les lieux et les jouets.

Mais avec l’arrivée d’un plus grand nombre de marmots, on se demande s’il sera possible de faire une désinfection aussi efficace, note Louise Labrie, représentante des CPE à la Fédération de la santé et des services sociaux, affiliée à la CSN.

Rotations inquiétantes

Les éducatrices ne sont pas les seules à s’inquiéter de la situation dans les services de garde d’urgence. Sur les réseaux sociaux, des parents critiquent la rotation parfois très fréquente entre employées qui se répartissent les heures de travail nécessaires.

Dans certains CPE montréalais, les éducatrices ne sont ainsi à la garderie qu’une journée ou une demi-journée par semaine. « Chez nous, on travaille une journée par semaine. Les enfants qui sont là les cinq jours verront 10-12 éducatrices », a ainsi témoigné une travailleuse de CPE sur un groupe Facebook.

Le risque est réel, selon le ministère de la Famille. Le porte-parole Bryan St-Louis a indiqué dans un courriel que Québec désapprouvait cette pratique.

« La Direction générale de santé publique considère que la rotation au sein des équipes de travail est une pratique risquée dans le contexte de la pandémie. »

— Bryan St-Louis, porte-parole du ministère de la Famille

Il poursuit : « Plus il y a de personnes différentes auprès des enfants, plus on augmente le risque d’introduction du virus dans le milieu de garde. »

Louise Labrie estime que le portrait est « très variable » selon les établissements. Les syndiquées doivent s’entendre collectivement avec leurs gestionnaires sur la façon de gérer ces changements, a-t-elle dit.

« C’est sûr qu’on dit aux travailleuses d’être le plus équitables possible, parce que les conventions collectives ne prévoient pas ce type de situation », a-t-elle continué. « La possibilité [de se contaminer] est là, mais est-ce que c’est plus équitable qu’une seule travailleuse soit là et que ce soit elle qui soit au front ? […] Si on met tout le temps la même personne, si elle est en contact avec un enfant asymptomatique, c’est elle qui va l’avoir. »

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