Page de dénonciations « Dis son nom »

Pas d’anonymat pour les administratrices, confirme la Cour d’appel

La Cour d’appel a rejeté à son tour la demande d’anonymat d’une administratrice de la liste « Dis son nom » (DSN), qui recense en ligne depuis juillet 2020 l’identité de personnes qui ont fait l’objet de dénonciations anonymes pour agression sexuelle.

Le plus haut tribunal de la province a ainsi confirmé mardi le jugement de la Cour supérieure, rendu en février 2021. Il a également rejeté la demande de permission de faire appel d’une ordonnance de communication des dénonciations reçues par les administratrices de DSN.

Le litige oppose ces dernières et Jean-François Marquis, dont le nom – maintenant retiré – se trouvait initialement sur la liste de DSN. Ce dernier leur reproche notamment qu’aucune démarche n’ait été effectuée pour obtenir sa version des faits. Pour cela, il leur réclame 50 000 $ en dommages et exige que leur identité soit révélée dans le cadre du procès.

« Naturellement, on est satisfaits », s’est réjoui l’avocat de M. Marquis, MPierre-Hugues Miller, après avoir pris connaissance du jugement. « Pour nous, c’est une victoire sur toute la ligne. »

L’ancienne illustratrice judiciaire Delphine Bergeron est l’une des deux femmes derrière la liste. Elle a volontairement dévoilé son identité en septembre 2020 dans le cadre d’une entrevue avec le journal Le Devoir. La seconde administratrice ne veut toutefois pas être connue. Elle est identifiée sous les initiales A. A. dans les jugements rendus à ce jour.

Or, pour conserver l’anonymat, une partie doit « faire la démonstration que le dévoilement de son identité […] pose un risque sérieux d’atteinte à sa vie privée et à sa dignité et ne touche pas seulement son intérêt privé, mais constitue également un risque sérieux pour un intérêt public à la confidentialité important », peut-on lire dans la décision de la juge Geneviève Marcotte, à laquelle souscrivent les juges Manon Savard et Suzanne Gagné. « Il s’agit d’une démarche exceptionnelle », souligne la Cour.

« J’estime que les appelantes […] n’ont pas fait en l’espèce la démonstration d’une telle menace », tranche-t-elle.

La Presse de même que CBC/Radio-Canada ont agi comme intervenants dans le dossier en faveur du dévoilement de l’identité d’A. A.

« Obligation de vérification diligente »

« A. A. soutient que sa motivation derrière la mise en place du site web DSN et de la Liste est liée au fait qu’elle a été victime d’agressions sexuelles » et qu’elle souhaite « libérer la parole des victimes », note la juge Marcotte. « Toutefois, ni ce souhait, bien que louable, ni son statut de victime ne la déchargent de l’obligation de vérification diligente ni ne l’exonèrent si […] elle commet une faute génératrice de responsabilité à l’égard des personnes dénoncées. »

Il serait au surplus « inéquitable que l’appelante A. A. puisse se réfugier derrière l’anonymat, ajoute la juge, alors qu’on lui reproche d’avoir mis sur pied un processus de dénonciation publique à l’endroit de présumés agresseurs sans vérification diligente et au mépris de leur réputation ».

« Je pense que ça envoie un message assez clair à l’effet que quand on veut faire ce genre d’activité, on ne peut pas le faire n’importe comment, puis on doit le faire à visage découvert », a dit Me Miller. Ni Delphine Bergeron ni les avocats des administratrices n’avaient donné suite aux demandes de La Presse au moment de publier ce texte.

En ce qui concerne la volonté des administratrices de DSN de faire appel de l’ordonnance de communication des dénonciations, la Cour a rejeté leurs arguments, estimant notamment les victimes protégées par le caviardage de leurs noms.

La question pourrait cependant être caduque. M. Marquis prétend que les appelantes ont détruit la preuve concernée par l’ordonnance, une allégation « impossible à confirmer à la lumière du contenu de la preuve », indique la Cour.

Me Miller ne s’attend pas à une audience sur le fond de la poursuite civile de son client avant la fin de 2023.

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Nombre de noms sur la « Liste officielle des abuseuses et abuseurs présumés du Québec » de « Dis son nom » en date de mardi soir. Ce nombre a beaucoup fluctué depuis sa création en juillet 2020.

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