exit les véhicules à essence

La vente de voitures neuves à essence sera interdite au Québec dès 2035, « une première canadienne », se réjouit le ministre Charette

Québec — La vente de véhicules neufs à essence sera interdite au Québec dès 2035, révèle le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, dans une entrevue accordée à La Presse. Un « grand coup » pour forcer le virage vers l’auto électrique et réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Cette mesure fait partie du Plan pour une économie verte que dévoilera le ministre lundi. Elle n’apparaissait pas dans les versions du plan dont La Presse a dévoilé le contenu au cours des derniers mois.

Comme nous le révélions, le gouvernement Legault veut qu’un million et demi de véhicules électriques circulent sur les routes du Québec d’ici 10 ans, soit près de 30 % du parc automobile. Il revoit ainsi à la hausse la cible qui avait été fixée auparavant pour la même période et qui se chiffrait à 1 million.

Le 31 décembre dernier, le Québec comptait environ 66 000 véhicules électriques immatriculés, à peine 1,3 % du parc automobile. Québec signale qu’il y en aurait maintenant près de 20 000 de plus et que l’on s’attend à atteindre 95 000 d’ici la fin de l’année.

Il y a beaucoup de chemin à faire, et Québec prend les grands moyens pour atteindre son objectif.

« À partir de 2035, au Québec, on ne pourra plus acheter de véhicules à essence [dans le  marché du neuf]. Ça devra être des véhicules entièrement électriques ou hybrides rechargeables. »

— Benoit Charette, ministre de l'Environnement

Il ne s’agit pas d’un simple « souhait », insiste-t-il. Le ministre compte modifier la loi « zéro émission » pour y enchâsser l’interdiction de la vente de véhicules neufs à essence à compter de 2035. Il cible tous les véhicules « à usage personnel » : la petite compacte comme le véhicule utilitaire sport (VUS) et la camionnette.

Les plus gros camions qui sont utilisés à des fins commerciales et industrielles sont exclus. Des mesures seront toutefois prévues pour favoriser le passage à l’électrique ou à l’hydrogène selon le cas.

La mesure n’empêchera pas les Québécois de posséder une auto à essence. Le marché de l’occasion pour ces véhicules pourra continuer ses activités, mais, évidemment, il est appelé à disparaître. Il deviendra tout électrique lui aussi par la force des choses.

La loi « zéro émission » prévoit des quotas obligeant les concessionnaires automobiles à vendre un pourcentage minimum de véhicules électriques. Ces quotas seront prolongés et revus à la hausse progressivement.

« Le problème actuellement, ce sont les délais d’attente qui sont souvent assez longs, explique le ministre Charette. La personne qui n’avait pas prévu de changer de véhicule, mais qui, du jour au lendemain, a à le faire, si elle se fait dire qu’elle aura l’auto électrique seulement dans six ou huit mois, malheureusement, on vient vraisemblablement de la perdre parce qu’elle ne peut attendre. »

Québec veut ainsi « forcer les constructeurs à rendre disponibles les véhicules électriques ». « Avec notre loi zéro émission et avec l’obligation [pour 2035], les producteurs n’auront pas le choix d’alimenter le marché », plaide-t-il.

Subvention maintenue

Québec va maintenir son programme d’aide à l’achat d’un véhicule électrique, Roulez vert. La subvention est de 8000 $. Ottawa accorde quant à lui un rabais de 5000 $.

Ce programme est l’une des mesures les plus coûteuses du plan vert du gouvernement Legault : environ 260 millions par année à l’heure actuelle.

Le ministre Charette signale que le montant du rabais ne sera pas maintenu à 8000 $ pendant plusieurs années.

« Je ne suis pas en mesure de dire quelle sera la durée du montant actuel. On peut certainement penser à un montant qui sera décroissant avec les années. »

— Benoit Charette, ministre de l'Environnement

Québec attend notamment de voir ce qu’Ottawa fera avec son propre programme d’aide pour les prochaines années.

Le programme Roulez vert vise à faire du véhicule électrique un choix avantageux, alors que son coût d’achat est plus élevé que celui d’une auto à essence. Ce coût va diminuer au fil du temps avec les avancées technologiques. « Il faut aussi tenir compte de l’entretien et du coût de l’essence », deux facteurs qui rendent le virage électrique attrayant, fait valoir Benoit Charette. La moitié des véhicules électriques vendus au Canada le sont au Québec.

Le gouvernement compte accélérer le déploiement du réseau des bornes de recharge, condition essentielle pour assurer la croissance de l’auto électrique.

L'importance de se « démarquer »

Une seule autre province, la Colombie-Britannique, a un système de quotas comme le Québec et prévoit dans une loi l’interdiction de vendre des véhicules à essence, mais cette mesure doit s’appliquer à compter de 2040. L’échéance de 2035 est ainsi « une première canadienne », relève le ministre Charette.

Selon lui, « plus tôt on se démarque dans ce marché, plus facile sera notre approvisionnement. Les constructeurs et les détaillants vont vouloir d’abord et avant tout alimenter le marché du Québec ».

À Ottawa, le gouvernement Trudeau a déjà dit espérer mettre fin à la vente de véhicules neufs à essence d’ici 2040.

Aux États-Unis, la Californie vient de décider de l’interdire à compter de 2035, une annonce majeure venant de l’État le plus peuplé du pays. « C’est la mesure la plus efficace que notre État puisse prendre pour combattre les changements climatiques », a soutenu le gouverneur démocrate Gavin Newsom en septembre.

Le premier ministre François Legault l’avait rencontré l’an dernier dans le cadre d’une mission en Californie. Cet État est le partenaire du Québec dans la bourse du carbone, le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES.

En Europe, la France et l’Angleterre ont fixé l’interdiction pour 2040 ; ce sera dès 2025 en Norvège.

Québec mise beaucoup sur l’électrification des transports pour atteindre son objectif de réduire de 37,5 % les émissions de GES au Québec d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990.

43 %

Proportion de GES émis au Québec qui sont liés au secteur des transports

Depuis 1990, les émissions produites par le secteur des transports ont augmenté de 23 %. C’est en bonne partie la raison pour laquelle les émissions ne diminuent plus au Québec depuis 2013 – elles ont même légèrement augmenté en 2017, plus récent bilan produit par le gouvernement. Résultat : le Québec a réduit ses émissions de seulement 8,7 % entre 1990 et 2017. Il s’était pourtant donné comme objectif une réduction de 20 % d’ici 2020. Le gouvernement Legault avait renoncé à atteindre cette cible dès le début de son mandat, blâmant l’ancien gouvernement. Il en a épousé une nouvelle (37,5 % d’ici 2030).

Le Plan pour une économie verte du ministre Charette disposera d’une enveloppe de 6,7 milliards de dollars en cinq ans. Le ministre des Finances, Eric Girard, l’a bonifiée dans sa mise à jour économique présentée jeudi.

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