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Un possible meurtre conjugal serait survenu à Montréal, hier, ce qui en ferait le sixième féminicide au Québec en quelques semaines. Par ailleurs, Benjamin Soudin a été formellement accusé des meurtres de Sylvie Bisson et de Myriam Dallaire, survenus au début du mois à Sainte-Sophie.

Saint-Léonard

Un chauffeur de taxi aurait tué sa conjointe

L’homme se serait suicidé par la suite

Il s’agirait du sixième féminicide en quelques semaines au Québec

Le nord-est de Montréal a été le théâtre d’un tragique évènement vendredi. Un chauffeur de taxi aurait tué sa conjointe à l’arme blanche avant de se donner la mort, à Saint-Léonard. Tout semble pointer vers un autre meurtre conjugal, faisant craindre une « série noire » de féminicides aux maisons d’hébergement pour femmes.

C’est un citoyen qui, au petit matin, alors qu’il se rendait au travail, a fait la macabre découverte dans le véhicule du chauffeur. Un appel a été fait au 911 vers 5 h 25. La mort des deux occupants de la voiture a été constatée sur place par les secouristes, au coin des rues de Nevers et Dujarié. L’homme était affalé sur le siège du conducteur, alors que la femme était assise sur le siège avant, côté passager.

La Presse a pu confirmer que l’homme, âgé de 52 ans, est Enock Fenelon, un chauffeur de taxi qui se présentait comme « travailleur autonome » sur les réseaux sociaux. Il aurait poignardé sa conjointe Nadège Jolicœur, 40 ans, et causé sa mort avant de se faire subir le même sort.

Dès le départ, même si les circonstances et le mobile n’avaient pas encore été établis avec certitude, la police avait laissé entendre qu’il pourrait s’agir d’un meurtre suivi d’un suicide. Il s’agirait donc du sixième féminicide en quelques semaines dans la province.

Malgré tout, la police n’exclut pas que le couple ait été victime d’un double homicide. « L’enquête se poursuit et l’autopsie aidera aussi à diriger les enquêteurs », a indiqué le porte-parole du SPVM, Jean-Pierre Brabant. Un périmètre a été érigé et un poste de commandement a été installé dans la rue Dujarié.

Du porte-à-porte devra être fait dans le secteur. Les autorités vérifieront aussi les bandes vidéo des caméras de surveillance. Des techniciens de l’identité judiciaire ont été appelés en renfort, mais l’enquête est menée par la Division des crimes majeurs.

« Sous le choc »

À quelques kilomètres de là, des proches se sont réunis vendredi au domicile du couple. Au passage de La Presse, l’émotion était palpable. Plusieurs s’enlaçaient et d’autres fondaient en larmes devant la résidence. La famille n’a pas souhaité s’exprimer pour le moment.

Chez Taxi Champlain, l’entreprise pour laquelle travaillait Enock Fenelon, on se dit consternés par les évènements. « On est sous le choc. C’est triste, on ne comprend pas que des choses pareilles puissent se produire », a commenté le directeur général de l’entreprise, George Boussios, en entrevue.

Il était un chauffeur d’expérience « qui était avec nous depuis des années », a confié M. Boussios. « Dernièrement, avec la nouvelle loi en vigueur, en octobre, il était devenu propriétaire de son taxi. Avant ça, il le louait », a soulevé l’homme d’affaires.

« Ça n’a pas de sens. La plupart des gars dans sa situation étaient vraiment excités d’acheter leur auto. Ils étaient contents d’enfin devenir propriétaires, ça leur donnait une assurance pour l’avenir. »

— George Boussios, directeur de Taxi Champlain

« On a des chauffeurs qui appellent pour poser des questions, autant ceux de notre entreprise que d’autres. De notre côté, on va offrir du soutien à nos employés », promet George Boussios, qui fera tout ce qu’il peut pour aider les forces policières dans leur enquête.

Maria Tsarouhas, propriétaire de la garderie Les Minis Einstein, qui se trouve en face de la scène, s’est aussi dite « choquée » par les évènements. « Heureusement, les policiers ont fait un excellent travail. Ils nous ont aidés à emmener les jeunes derrière la garderie pour qu’ils ne soient pas exposés à ça. La plupart n’ont même pas eu conscience de ce qui s’est passé, et c’est tant mieux », a expliqué la responsable.

Un déconfinement redouté

L’organisme communautaire SOS violence conjugale a suivi de loin la tragédie survenue à Saint-Léonard. « Chaque fois qu’il y a un meurtre conjugal, on se demande : “Est-ce qu’on lui a parlé, à cette femme-là ?” », confie la travailleuse sociale et responsable du soutien clinique Claudine Thibaudeau.

Elle affirme que son organisme n’a jamais reçu autant d’appels qu’au cours de la dernière année, et que cela pourrait s’aggraver, après la pandémie. « [Les mesures sanitaires] amplifient le pouvoir du partenaire violent. Son contrôle est beaucoup plus grand. Nous avons de grandes préoccupations par rapport à des escalades de violence conjugale à mesure que les consignes sanitaires seront levées et que le partenaire perdra le contrôle sur sa victime. »

À la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, la directrice Manon Monastesse s’est dite terrassée par les évènements, appelant de nouveau le gouvernement à « envisager des solutions à court terme » en matière de sensibilisation.

« Il va falloir que les gens prennent conscience que s’ils soupçonnent quoi que ce soit, c’est essentiel d’appeler la police. »

— Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

« Affronter le conjoint violent, ce n’est pas une bonne chose, puisque ça se retourne toujours contre la victime. Mais il faut intervenir d’une façon ou d’une autre. Appelez-nous : c’est notre travail au quotidien d’évaluer la situation », implore la directrice.

Depuis plusieurs semaines, Mme Monastesse s’inquiète de l’impact qu’aura le déconfinement sur les femmes victimes de violence. « On s’en va malheureusement vers ce qu’on avait prévu : une série noire de féminicides », prévient-elle, en réitérant que ces féminicides ne sont que la « pointe de l’iceberg » du problème de la violence contre les femmes, qui est souvent psychologique ou verbale.

« Il y a de l’éducation à faire auprès des jeunes sur ce qu’est une relation saine. C’est ahurissant de voir à quel point les dynamiques de contrôle et de violence sont encore existantes, même chez les jeunes, dès les premières relations », conclut-elle.

— Avec Léa Carrier, La Presse

Double féminicide à Sainte-Sophie

Benjamin Soudin formellement accusé

Benjamin Soudin est accusé des meurtres de Sylvie Bisson, 60 ans, et de sa fille Myriam Dallaire, 28 ans, qui ont été tuées à coups de hache au début du mois de mars.

Soudin a comparu vendredi matin au palais de justice de Saint-Jérôme par visioconférence. Il est toujours hospitalisé à l’hôpital du Sacré-Cœur.

D’une voix faible, le suspect de 33 ans a dit à son avocat qu’il se souvenait de lui avoir parlé un peu plus tôt dans la journée et qu’il acceptait qu’il le représente. Il n’a pas été appelé à plaider coupable ou non coupable pour le moment.

« On va remettre le dossier au 1er avril pour voir votre évolution et votre santé physique », a expliqué l’avocat à son client.

Les deux victimes habitaient dans une maison bigénérationnelle de la municipalité de Sainte-Sophie, dans les Laurentides.

Benjamin Soudin a déjà été le conjoint de Mme Dallaire.

Après le double meurtre, le suspect de 33 ans a quitté la résidence en voiture. Peu de temps après, il a été gravement blessé dans une collision avec un autre véhicule à Saint-Jérôme. Il est depuis hospitalisé à l’hôpital du Sacré-Cœur.

Soudin a des antécédents criminels. Il a notamment été détenu pour avoir battu un homme avec une barre de métal.

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