« La violence conjugale, ça ne commence pas par 20 coups de couteau »
« Choc », « tristesse », « colère ». Les témoignages émouvants se sont succédé mardi à Pointe-aux-Trembles, où quelques dizaines de personnes s’étaient réunies pour un hommage devant l’appartement où Narjess Ben Yedder, 32 ans, a été tuée vendredi dernier.
« Je ressens énormément de tristesse aujourd’hui, a confié Nathalie Gionet, intervenante au Centre des femmes de Montréal-Est/Pointe-aux-Trembles. De la violence conjugale, on en voit régulièrement. C’est encore très tabou de dénoncer. Malheureusement, ce sont souvent les victimes qui se sentent coupables, pas les abuseurs. »
Mustapha Mechken, 42 ans, le mari de Mme Ben Yedder, a été arrêté par les policiers sur place vendredi après avoir composé le 911. Il fait face à une accusation de meurtre au deuxième degré, et est incarcéré jusqu’à son retour devant les tribunaux, prévu pour le 19 mars.
Pour Dorette Mekamdjio, directrice générale du Centre des femmes de Montréal-Est/Pointe-aux-Trembles, c’est « une victime de trop » qui a perdu la vie vendredi.
« Est-ce que la maladie mentale est une raison pour tuer ? On ne le saura sans doute jamais. Tout le monde a droit à la vie. Tout le monde », a-t-elle dit.
Mme Ben Yedder était venue au Québec pour s’épanouir, a ajouté Mme Mekamdjio. « Il n’y a pas de raisons pour tuer une femme. Une femme qui se trouvait à l’endroit qui aurait dû être le plus sécuritaire pour elle : sa maison. »
Linda Basque, coordonnatrice au groupe Info-Femmes, a dit être en « colère » depuis le meurtre. « On ne peut pas accepter ça. On ne peut pas accepter qu’une femme soit tuée comme ça. Il faut dénoncer. Il faut mettre les ressources nécessaires. »
Plusieurs policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), dont le commandant du poste de quartier 49, Emmanuel Anglade, étaient aussi sur place pour se recueillir et offrir du réconfort aux personnes endeuillées.
Parmi les comportements à surveiller, les intervenantes qui ont pris la parole ont nommé l’intimidation pour avoir le mot de passe des appareils numériques d’une conjointe, l’interdiction de sortir seule, l’interdiction de lui permettre de fréquenter ses amis, de même que le contrôle financier comme des indicateurs qu’une situation de maltraitance est peut-être en cours.
« La violence conjugale, ça ne commence pas par 20 coups de couteau, a dit Mme Mekamdjio. Ça commence par de petits signes. Si vous voyez ces signaux, c’est important de ne pas laisser les choses aller. Il faut qu’on soit des alliés des gens qui vivent ces situations, et qui peut-être essaient de relativiser. Il faut réaliser que ce ne sont pas des comportements qui sont acceptables ou normaux. »
Durant son allocution, Mme Mekamdjio a invité les femmes à dénoncer les situations de maltraitance qu’elles pourraient vivre.
« Il faut appeler le 911. Il faut appeler SOS Violence conjugale. Il y a des gens qui sont là 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. On ne peut pas laisser une autre femme perdre la vie. »