Royalmount

Il n’y aura pas de condos

Les élections à Mont-Royal changent la donne pour le Royalmount, projet géant du promoteur Carbonleo, dont la première phase est en construction à l’intersection des autoroutes 15 et 40.

Le nouveau maire, Peter Malouf, néophyte en politique, a fait de son opposition au volet résidentiel de ce projet l’un des éléments centraux de sa campagne. Après une solide victoire, il est catégorique : le changement de zonage demandé pour construire 3250 logements ne sera pas accordé.

« C’est définitif », a déclaré l’élu de 69 ans, en entrevue avec La Presse.

« On ne va pas changer le zonage pour permettre du résidentiel. No way. Je n’ai pas besoin de référendum. L’élection, c’était un référendum. »

— Peter Malouf, nouveau maire de Mont-Royal

Cette position ne signe pas la mort de Royalmount. Une grosse partie de ce gigantesque complexe repose sur la construction de bureaux et d’un centre commercial et de divertissement qui respecte le zonage actuel. Mais le retrait du volet résidentiel nuit à son équilibre, estiment ses défenseurs.

« C’est un peu plate »

Andrew Lutfy, président et chef de la direction de Carbonleo, a réagi avec philosophie à ce nouveau contexte politique.

« C’est un peu plate, a-t-il dit à La Presse. Évidemment, ce n’est pas ce qu’on aurait désiré. Je comprends, le maire est nouveau en politique. C’est un projet d’envergure incroyable. C’est normal qu’il veuille le comprendre comme il faut. On ne sait jamais, peut-être qu’ils ont de bons points, des idées auxquelles on n’aurait pas pensé. »

M. Lutfy, qui refuse de jeter l’éponge, rappelle que ce projet entièrement financé par le privé représente un investissement de 7 milliards sur 15 ans, dont 4 milliards d’ici 10 ans.

« Aujourd’hui, on tourne la page, on est en mode solution, affirme-t-il. Je suis sûr et certain qu’on va réussir à les rencontrer, son équipe et lui. »

« On va leur présenter le projet comme il faut. Ça ne se fait pas en 30 minutes sur un coin de table. Ils ont des questions assez précises. C’est quand même complexe. Mais on va les rencontrer en bonne et due forme. »

— Andrew Lutfy, président et chef de la direction de Carbonleo

« On va leur présenter le projet, on va les écouter et on va travailler ensemble. Il y a toujours des échecs dans la vie, il y a toujours des conflits. Mais, finalement, on est tous raisonnables. On s’assoit ensemble et on trouve des solutions. On écoute, on écoute, on écoute, on écoute. C’est ce qu’on a fait jusqu’à présent. »

« Point final »

Le nouveau maire, entrepreneur travaillant notamment dans le domaine de la technologie, avait jusqu’ici refusé de rencontrer le promoteur, qui est aussi à l’origine du DIX30, à Brossard.

« J’ai refusé de les rencontrer parce que j’ai étudié toutes les présentations qui ont été faites, toutes les consultations publiques, explique-t-il. Qu’est-ce qu’ils peuvent me montrer de plus ? Je suis même allé visiter leur kiosque de présentation pour vendre des condos, ici, à Mont-Royal. »

Maintenant qu’il est élu, Peter Malouf se dit toutefois prêt à s’asseoir avec les dirigeants de Carbonleo. « On va les rencontrer, mais je ne change pas ma décision. Point final. J’ai été élu en partie sur ça. »

« Le projet Royalmount est vraiment beau. Mais ça devrait se faire dans une place où il y a plus d’espace et de meilleurs accès pour rentrer et sortir, comme à Vaudreuil, par exemple. »

— Peter Malouf

Selon lui, les Monterois ne veulent pas de la partie résidentielle de ce mégaprojet, en raison de la pression que ces nouveaux résidants exerceraient sur les services et les infrastructures municipales, notamment sur la circulation automobile déjà extrêmement pénible aux heures de pointe. Et derrière, le fait que les citoyens sont très satisfaits du statu quo qui repose sur la configuration inusitée de la ville de 22 000 habitants, qui comprend un quartier résidentiel de type cité-jardin et une vaste zone industrielle complètement coupée de la zone résidentielle par deux autoroutes.

« Le secteur industriel, rappelle le maire, nous rapporte beaucoup de sous. Les industries fonctionnent 24 heures sur 24. Elles payent leurs taxes, créent beaucoup d’emplois, sont autonomes et subventionnent le côté résidentiel. Ça veut dire que ces gens n’utilisent pas nos rues, pas nos parcs, pas nos bibliothèques, pas nos services sportifs ni de loisir. »

Pour un quartier « à échelle humaine »

Paradoxalement, l’ajout d’un volet résidentiel au Royalmount est justement un élément qui avait réussi à atténuer la forte opposition à ce projet de mastodonte, présenté pour la première fois en mai 2015. Dans un rapport très sévère, déposé au début de 2019, la Commission sur le développement économique et urbain et l’habitation avait recommandé sa suspension afin de revoir sa planification, pour en faire un « quartier complet à échelle humaine ».

La Ville de Montréal avait insisté, de son côté, sur l’importance de le doter d’un volet résidentiel.

Le PDG de Carbonleo souligne que c’est précisément pour répondre aux exigences des groupes de résidants et de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qu’il a ajouté une vocation résidentielle à son projet commercial. Mais rien n’a été prévu en matière de logement abordable et social.

3250 logements prévus

La nouvelle mouture, dévoilée en février 2020, prévoit 3250 logements, une salle de spectacle de 2800 places, des hôtels, des bureaux et des commerces, dont plusieurs restaurants, des places publiques et un parc linéaire suspendu, inspiré du High Line, à New York, sur un site 100 % piétonnier. Le promoteur compte aussi construire une passerelle au-dessus du boulevard Décarie pour relier la station de métro De la Savane à Royalmount.

« On a la capacité de construire jusqu’à 12 ou 14 millions de pieds carrés de commercial, ajoute M. Lutfy. La question est : est-ce qu’on fait un projet entièrement commercial des années 1970 et 1980, ou est-ce qu’on fait un projet de classe mondiale à usage mixte ? »

La phase commerciale, dont la construction a repris après un arrêt d’un an, doit être livrée à la fin de 2023 avec une année de retard, à cause de la pandémie. Elle représente moins de 20 % de l’ensemble.

La clôture restera

Le maire de Mont-Royal, Peter Malouf, n’entend pas retirer la clôture entre la ville et Parc-Extension, le long du boulevard de l’Acadie. « Quelle clôture ? lance-t-il. Moi, je vois une haie et des arbres. Après ça, je vois six voies pour les voitures. Il y a des ouvertures dans la clôture, et on va les réaménager pour assurer la sécurité des cyclistes. »

accès contrôlé

Pour remédier aux problèmes de circulation, qui augmentent avec les années, le nouveau maire, élu avec 55,47 % des voix, étudie la possibilité de contrôler l’accès à Mont-Royal aux heures de grande affluence. « Avec des feux de circulation intelligents, on peut changer la direction du trafic pendant les heures de pointe », explique-t-il.

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