Opinion

Loi 101
Le temps presse encore

Certains ont parlé de climat thérapeutique pour nommer la période qui se déroule depuis les élections du 1er octobre dernier.

Après la thérapie, pour les collectivités comme pour les individus, reviennent le cours normal des choses et le lot d’adversité qu’elles contiennent. En ignorant la question linguistique, le gouvernement de François Legault fait-il le choix de l’impuissance ?

Dans l’opposition, la Coalition avenir Québec (CAQ) reprochait au gouvernement Couillard d’être indolent en ce qui a trait à la défense de la langue française. Deux documents de travail ont alors été présentés par le parti, à savoir le Nouveau projet pour les nationalistes du Québec et Mieux réussir la francisation des néo-Québécois (rapport Samson).

Ceux-ci prévoient notamment la création d’un poste de commissaire à la langue française, qui serait indépendant des pressions partisanes, et le renforcement de la Charte de la langue française (loi 101) en étendant son application aux entreprises comptant de 26 à 49 employés. À ce titre, l’exclusion de Claire Samson du Conseil des ministres ne fut pas de bon augure.

L’interrogation permanente qui planait au-dessus du gouvernement Couillard surplombe maintenant l’actuel gouvernement. Qui s’occupe des dossiers relatifs à la langue française ? 

En moins d’une année, les changements de personnel au sein du cabinet de la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, ne permettent à quiconque d’être optimiste, et guère davantage l’aspect évasif des propos de la principale intéressée lors de la période de questions.

Tout indique que, s’il veut prendre la question linguistique à bras-le-corps, le gouvernement devra procéder à un léger remaniement ministériel ou, à tout le moins, placer cet épineux dossier sous la houlette d’un ministre qui n’a pas froid aux yeux. Sans la détermination et la pugnacité de Camille Laurin, en 1977, ce qui allait devenir la Charte de la langue française n’aurait sans doute pas fait son chemin au Conseil des ministres.

La carte de la souveraineté

Pas plus qu’un médecin ne doit exclure le recours à une césarienne lors d’un accouchement, aucun exécutif québécois ne doit restreindre l’horizon des possibilités de la communauté politique dont il tire sa légitimité.

En se flattant d’avoir enterré le débat sur la souveraineté, la CAQ oublie sciemment que cette voie pourrait être, si l’on applique intégralement son programme nationaliste, la seule qui soit navigable en eaux troubles.

C’est ce qu’avait compris l’ancien premier ministre et chef de l’Union nationale Daniel Johnson, dans Égalité ou indépendance (1965), lorsqu’il écrivait : « J’estime qu’on ne doit pas, a priori, rejeter la solution séparatiste. Car il peut arriver que l’indépendance totale du Québec, pour des raisons qui ne dépendent pas surtout de lui, devienne la seule issue compatible avec la survie et le progrès de la nation canadienne-française. »

Mode de scrutin : l’illusion de faire l’histoire

Ceux qui pressent le gouvernement de changer de mode de scrutin afin qu’il s’inscrive dans l’histoire semblent en avoir une conception bien minimale. Plutôt que de se repaître de la figure de l’avant-gardiste sur un continent où sa présence est infinitésimale, la société québécoise devrait tenter d’accroître son poids politique par tous les moyens démocratiques qui soient. 

C’est plutôt dans la rénovation de la Charte de la langue française, en fonction des mutations sociales qui sont survenues depuis son adoption, que le gouvernement doit centrer son énergie.

Par ailleurs, l’abandon de cet outil de stabilité que représente le scrutin majoritaire uninominal à un tour aura pour effet de diluer la capacité de gouverner du seul gouvernement contrôlé par une population majoritairement francophone en Amérique du Nord. Pour être bonnes, les idées doivent être mises en contexte.

À raison, l’on peut se demander ce que ferait un gouvernement formé par une coalition, repaire d’intrigues et de négociations constantes, vis-à-vis du gouvernement fédéral. La logique constitutionnelle canadienne favorise la centralisation des pouvoirs. Les circonstances dans lesquelles évolue la société québécoise commandent que son gouvernement parle d’une seule voix, sans équivoque ni atermoiement.

Crise canadienne

Avec la coalition conservatrice qui s’est formée d’un océan à l’autre, une crise canadienne se profile à l’horizon. L’enjeu central en sera le partage constitutionnel des compétences. Le gouvernement du Québec jouera-t-il la carte des espoirs d’arrangement, qui glisse souvent des compromis aux compromissions, ou brandira-t-il alors la carte proprement politique, qui exigerait de consolider et même d’agrandir notre espace de liberté ?

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