28 jours, prise 2

Le premier ministre François Legault a demandé lundi aux Québécois de fournir un nouvel effort pour combattre le virus, reconduisant les mesures sanitaires pour 28 jours dans les zones rouges. « On a réussi à stabiliser le nombre de nouveaux cas. Par contre, on n’a pas réussi à les diminuer », a-t-il reconnu. Le gouvernement ajoute également les élèves de troisième secondaire à la liste de ceux qui iront en classe un jour sur deux.

COVID-19

« On n’a pas atteint tout l’objectif », dit Legault

Le gouvernement Legault a ajouté 28 jours aux 28 jours de sacrifices demandés aux Québécois il y a un mois, étant donné que les nouveaux cas de COVID-19, les hospitalisations et les éclosions n’ont pas diminué comme il le souhaitait.

Le premier ministre a ainsi annoncé la reconduction des mesures restrictives en zone rouge pour 28 jours supplémentaires, soit jusqu’au 23 novembre. Il a également resserré la vis dans les écoles. Dès lundi, les élèves de 3e secondaire qui fréquentent des écoles en zone rouge iront en classe une journée sur deux, comme c’est déjà le cas pour la 4e et la 5e secondaire.

« On a réussi à stabiliser le nombre de nouveaux cas, a-t-il affirmé lors d’un point de presse lundi à Montréal. Par contre, on n’a pas réussi à les diminuer. On n’a donc pas atteint tout l’objectif que nous nous étions fixé. »

M. Legault a tout de même laissé entrevoir une lueur d’espoir à ceux qui ont hâte que certaines des mesures sanitaires soient levées. « Dans deux semaines, on va réévaluer la situation. Si les indicateurs montrent une baisse soutenue du nombre de cas, d’éclosions et d’hospitalisations, on pourra relâcher plus tôt certaines de nos consignes. »

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a réitéré qu’une des raisons de la reconduction des mesures était la grande fragilité du réseau de la santé. Et ce, a-t-il ajouté, même si « on roule à 550 hospitalisations et entre 800 et 1000 nouveaux cas par jour ». « Imaginez si nous étions à 2000 ? Ou 3000 ? On n’a pas les moyens de se rendre là. »

Il a aussi évoqué l’un des effets pervers du nombre élevé d’hospitalisations liées au virus, soit la liste d’attente des interventions chirurgicales, chiffrée à 140 000.

« En ce moment, on a de la misère à revenir à notre activité normale de 40 000 chirurgies par mois. Et tant qu’on n’atteindra pas 40 000, on ne réussira pas à baisser notre liste d’attente. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé

Roxanne Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, considère elle aussi que la situation n’est pas « satisfaisante pour se permettre de rouvrir » le Québec. Le réseau de la santé, avec ses « ressources humaines, comme les infirmières, au bout du rouleau » et une capacité hospitalière « très limitée », ne peut se permettre un relâchement.

Et « 140 000 chirurgies en attente ! Comment va-t-on passer au travers ? C’est catastrophique ! Ce n’est pas acceptable dans une province développée ! »

Mieux contrôler les milieux de travail

François Legault a par ailleurs donné plus de détails sur le « blitz d’inspections » que le ministre du Travail, Jean Boulet, a lancé la semaine dernière. De nouveaux agents vont aider les inspecteurs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour mieux contrôler les éclosions dans les milieux de travail. « On ne va pas se gêner pour donner des amendes et, si les entreprises récidivent, pour les fermer. Parce qu’il y a trop d’éclosions dans les entreprises, presque la moitié des éclosions sont là. »

Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, a précisé que c’était « beaucoup dans les abattoirs » que les mesures de distanciation n’étaient pas respectées.

Même si elle comprend la décision du gouvernement, la Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine, est d’avis que certains secteurs auraient pu rouvrir. « Potentiellement, là où on a un port du masque tout le temps. »

D’après elle, il faut surtout que les gens redoublent de prudence dans les milieux de travail, notamment pendant les pauses et l’heure du repas. Les employeurs devraient aussi s’assurer qu’il soit impossible pour les employés de s’asseoir à moins de deux mètres des autres dans des espaces comme la cafétéria. « C’est ce qu’on a fait à Sainte-Justine. »

Benoît Mâsse, professeur de santé publique à l’Université de Montréal, est plus inquiet de l’adhésion des Québécois aux demandes des autorités qu’à la première vague. « Il ne faut pas tenir pour acquise l’adhésion des Québécois aux restrictions et mesures recommandées. Combien de Québécois ont déjà décroché ? Et combien décrocheront dans les prochaines semaines ? On ne le sait pas, mais on sent qu’il y en a de plus en plus. L’élastique n’est pas infini, il ne faut pas trop l’étirer. »

D’après lui, dans le « meilleur des mondes », un vaccin sera offert à la population en mai prochain. Puisque bien des mois séparent les Québécois du printemps, il est d’avis qu’il faut permettre des « activités très encadrées pour éviter l’effritement qu’on va vivre ». Il propose par exemple l’ouverture des patinoires extérieures, même si la Santé publique prendrait un certain risque d’y voir des éclosions. « Il faut donner assez d’air pour pouvoir tenir jusqu’au mois de mai. »

Plus de restrictions dans les écoles secondaires

Depuis le début du mois d’octobre, les élèves de 4e et 5e secondaire vont à l’école à mi-temps et font le reste du temps l’école à distance. Dès lundi prochain, les élèves de 3e secondaire auront le même traitement. Québec estime que cette mesure a permis de réduire de 20 % le nombre d’élèves dans les autobus, dans les corridors et à la cafétéria.

« Les experts nous disent qu’il y a plus de nouveaux cas chez les élèves du secondaire qui sont plus âgés. On remarque selon la science que les enfants qui sont plus vieux sont plus transmetteurs que les enfants les plus jeunes. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Il a précisé que 881 classes sont actuellement fermées au Québec. D’ailleurs, le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement, Nicolas Prévost, estime que jusqu’ici, ça se passe bien pour ces élèves. Il voit d’un bon œil le fait que Québec permette maintenant aux écoles de garder en classe les élèves vulnérables.

La présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), Hélène Bourdages, estime qu’il s’agit d’une « marge de manœuvre intéressante », mais rappelle que le mieux, c’est encore que tous les jeunes soient en classe.

Bilan hebdomadaire

Lundi, le Québec a rapporté 808 nouveaux cas confirmés de COVID-19. Ce bilan est venu mettre en lumière qu’après un plateau d’un peu plus de trois semaines, une légère tendance à la baisse commence à se faire sentir dans la province. Le Québec a enregistré la semaine dernière tout près de 6600 cas. Cela représente une légère baisse par rapport aux trois semaines précédentes.

Le bilan des cas par tranche d’âge montre que pratiquement tous les groupes ont connu une baisse de cas. Seuls les moins de 10 ans ont enregistré davantage de cas. On a recensé 522 cas chez les plus jeunes la semaine dernière, soit un quart de plus que la précédente.

Après une hausse soutenue depuis le début du mois de septembre, le nombre de cas chez les 70 ans et plus a aussi commencé à décliner.

Malgré le plateau dans les nouveaux cas observés depuis le début du mois d’octobre, le nombre de décès a légèrement augmenté la semaine dernière. On en a recensé pour le moment 85, contre 81 la semaine précédente. À noter, d’autres décès risquent de s’ajouter dans les prochains jours, le ministère de la Santé mettant en moyenne six jours à rapporter la majorité des décès.

Le nombre d’hospitalisations est relativement stable depuis quatre semaines. Un peu plus de 300 personnes ont été admises à l’hôpital la semaine dernière, dont 43 aux soins intensifs.

Après avoir diminué, le nombre de tests de dépistage de COVID-19 s’est stabilisé : 163 000 ont été réalisés. On reste loin du sommet de près de 200 000 atteint au début du mois d’octobre.

Des amendes pour 83 étudiants étrangers après une fête

Une centaine d’étudiants étrangers qui festoyaient dans une maison louée en Outaouais, en zone rouge, ont reçu la visite de la police, samedi soir. La tournée a coûté cher : 83 d’entre eux ont reçu une amende de 1000 $ pour non-respect des mesures sanitaires, et l’intervention policière « longue et ardue » s’est complexifiée lorsqu’est venu le temps de disperser les fêtards. Durant la fin de semaine, une centaine d’étudiants étrangers qui habitent au Québec et en Ontario se sont réunis à Chelsea, à une vingtaine de kilomètres de Gatineau, en Outaouais. Une maison pouvant normalement accueillir un maximum de 12 personnes avait été louée sur la plateforme Airbnb pour l’anniversaire de l’un d’eux, et le rassemblement a pris des proportions complètement démesurées en contexte de pandémie. Dans une publication partagée sur Twitter, lundi soir, la Sécurité publique de la MRC des Collines-de-l’Outaouais a annoncé qu’elle était intervenue. Les 83 personnes identifiées, toutes majeures, recevront une amende de 1000 $ par la poste une fois que le Directeur des poursuites criminelles et pénales aura autorisé les constats d’infraction longs délivrés par les policiers.

— Audrey Ruel-Manseau, La Presse

Réouverture prévue jeudi

Les proprios de gyms défient Québec

Les salles de sport indépendantes ont décidé de rouvrir ce jeudi coûte que coûte, même si le gouvernement les a prévenues qu’il y aurait des amendes. Lundi soir, le regroupement de quelque 200 propriétaires de centre d’entraînement, dont l’un des porte-parole est membre des Hells Angels, était déçu que le premier ministre ne change pas ses plans à la suite de son cri du cœur lancé lundi matin.

« On s’est rencontrés lundi soir et on en est venus à la conclusion que de faire faillite avec des contraventions ou sans contraventions, ça ne faisait aucune différence », a dit en entrevue l’un des porte-parole de la coalition, Dan Marino, propriétaire du Mega Fitness à Québec.

La coalition formée de 200 gyms, centres de yoga, de danse, d’arts martiaux et de CrossFit a réclamé lundi matin le déconfinement des salles de sport, fermées depuis le 8 octobre pour freiner la propagation de la COVID-19. Selon les propriétaires de ces établissements, les gyms ne sont pas d’importants lieux d’éclosion, et ils réclament des preuves du contraire au gouvernement. Ils suggèrent à l’État de rouvrir leurs centres et, si les cas augmentent après une semaine, ils accepteraient l’évidence et refermeraient.

Cependant, en fin de journée, le gouvernement n’avait pas changé d’avis. « On va s’assurer avec les policiers que la loi soit respectée », a répondu le premier ministre François Legault lors de son point de presse de 17 h.

Dan Marino affirme que son mouvement n’en est pourtant pas un de désobéissance, mais de propriétaires qui veulent seulement exploiter leurs commerces. Il promet d’accueillir gentiment les policiers le 29 octobre.

« On va dire aux policiers de faire leur travail. Je vais même appeler au poste de police de mon quartier la veille pour leur dire que je vais ouvrir, de venir donner les contraventions, et on va s’arranger avec ça. »

— Dan Marino, propriétaire du Mega Fitness à Québec

« S’il y a des amendes, nous sommes préparés à cette éventualité », a expliqué un autre membre de la coalition, Christian Ménard, vice-président de Pro Gym à Montréal, où s’est tenu un des points de presse lundi matin pour interpeller le gouvernement. Un autre avait lieu simultanément à Québec.

Christian Ménard est membre de la section des Hells Angels de Sherbrooke depuis 2005. Il nous l’a confirmé lui-même au téléphone. Il a été arrêté lors de l’opération SharQc en 2009, accusé de complot pour meurtre, mais au troisième jour du procès, la Couronne a déposé un nolle prosequi (un arrêt des procédures) contre lui. ll a été libéré de toutes ses accusations et poursuit actuellement le gouvernement pour 3 millions de dollars.

« Je suis déçu qu’on mette la lumière sur moi, parce que je suis un Hells Angel, plutôt que de se concentrer sur le message, a-t-il confié au téléphone lundi soir. Au Pro Gym, on veut juste continuer à faire notre travail. Depuis le début de la pandémie, on a suivi les règles à la lettre et même plus qu’on nous le demande. »

Coup dur pour les sportifs

Les signataires du communiqué sont des propriétaires de salles de sport indépendantes. Les grandes chaînes ne font pas partie de cet appel à la réouverture.

Le réseau Énergie Cardio ne prend pas part au mouvement, confirme sa vice-présidente Éveline Canape.

« Nous sommes d’accord avec toutes leurs revendications. Notre place est essentielle pour maintenir la santé mentale des gens et on veut rouvrir. Mais nous voulons respecter la loi et les efforts que tous les Québécois font depuis le mois de mars. On va continuer de collaborer avec le gouvernement. »

— Éveline Canape, vice-présidente d’Énergie Cardio

Mme Canape parle de la fermeture de début d’octobre comme d’un « coup dur » pour l’industrie, mais aussi pour les usagers des salles de conditionnement physique. « On a des listes de membres à la santé mentale fragile qu’on appelle régulièrement pour avoir de leurs nouvelles. Ça nous dépasse. »

Selon Tanya de Montigny, propriétaire du studio de yoga IDOLEM à Brossard, la déception et l’anxiété de la clientèle sont palpables en raison du manque d’activité physique. Plusieurs salles de sport ne survivront pas à ce deuxième confinement.

« Beaucoup se dirigent vers la faillite, les programmes sont insuffisants et les directives, contradictoires », a-t-elle dit en marge du point de presse de lundi matin.

Des restaurateurs déçus

Une grande déception. Voilà ce qu’ont ressenti de nombreux restaurateurs en apprenant lundi qu’ils devraient rester fermés pour quatre autres semaines. Ayant perdu espoir, certains ne s’attendent pas à pouvoir accueillir des clients avant Noël. « [Dans ces conditions], d’ici Noël, je ne m’attends pas à quoi que ce soit », a lancé d’emblée Pierre-Luc Chevalier, copropriétaire des restaurants Régine Café et Janine Café, quelques minutes après l’annonce, lundi, du premier ministre Legault concernant le prolongement de la fermeture des restaurants en zone rouge.

« On ne peut pas dire qu’on est surpris, mais on est déçus et découragés, a pour sa part indiqué Richard Scofield, président et chef de la direction du Groupe St-Hubert. Le temps des Fêtes arrive, ça commence à être long. » Il maintient par ailleurs que les restaurants sont des endroits sécuritaires et non des lieux de propagation de la COVID-19. Il compte d’ailleurs parmi les 40 signataires d’une lettre qui demandait la semaine dernière la réouverture des salles à manger.

« On espère que ça va ouvrir pour Noël, mais si le nombre de cas ne descend pas, ça ne rouvrira pas », lance Claudine Roy, présidente du conseil d’administration de l’Association Restauration Québec (ARQ).

Reprochant au gouvernement de donner peu d’informations sur la suite des choses, Benjamin Chevrefils, vice-président du Groupe ZIBO !, entreprise québécoise qui possède huit établissements, reste tout de même optimiste. « J’ai encore bon espoir qu’on pourra ouvrir avant Noël. »

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