Une exposition sur… les excréments

Voir les sept types d’étrons humains possibles, participer à un « vox poop » ou encore s’amuser dans la Cacarcade, voilà seulement quelques exemples de ce qui est proposé dans Ô merde !. Avec son exposition « audacieuse » qu’elle a entièrement produite, conçue et réalisée, l’équipe du Musée de la civilisation (MCQ) lève le voile sur « l’or brun ».

« Une exposition excrémement riche », des activités « pas chiantes du tout », qui ne « tournent pas autour du pot »… Les jeux de mots sont infinis en ce qui concerne ce sujet rigolo, quoique sérieux. Bien que l’humour soit bien présent dans Ô merde !, le Musée souhaitait surtout démystifier les selles et leurs tabous, en plus d’aborder les enjeux environnementaux et sociaux qui leur sont associés.

« L’idée de concevoir une exposition sur les excréments humains m’est venue il y a trois ans. Parce que je trouvais qu’on parlait peu de cette matière mal aimée et méconnue », raconte Coline Niess, chargée de projet pour les expositions du MCQ et idéatrice d’Ô merde !.

Évidemment, les visiteurs sont invités à entamer le parcours… dans une salle de bains – où les curieux auront déjà remarqué le premier « petit cadeau » doré. Afin de débuter sur de bonnes bases, l’organisation propose une toute première section plus « didactique » où règnent des espaces interactifs et une multitude d’objets antiques. Pot de chambre, « siège d’aisance », spéculum rectal, mais aussi œuvres d’art et anus en chocolat replacent dans le temps notre relation avec l’acte de déféquer.

Sept cuvettes illustrent également l’échelle de Bristol, cet outil médical qui classe les crottes selon sept catégories, de la plus ferme se divisant en petites boules à la plus liquide.

S’ensuit une zone immersive, soit de cabinets de toilette géants. De chaque côté du long corridor, derrière chacune des huit portes, se cache ainsi un « environnement de défécation intime ou collectif ». Alors que « Cacabulum » replonge les visiteurs au temps des latrines publiques romaines, la « Bécosse » présente divers endroits inusités où se soulager dans le monde. Si la « Nomade » rappelle l’impact d’un caca qui voyage, l’« Adaptée » sensibilise les gens aux handicaps et aux maux tels que la maladie de Crohn ou la parcoprésie, cette peur de déféquer ailleurs que chez soi.

« L’objectif, c’était de parler des matières fécales sans tourner autour du pot et à travers différents prismes : la science, l’anthropologie, l’histoire sociale, l’écologie et l’ingénierie », rappelle Mme Niess, en entrevue au Soleil.

Avec sa zone « gestion des matières fécales », le MCQ souhaite ainsi sensibiliser le public aux enjeux sociétaux et environnementaux auxquels font face tant les pays en développement que ceux plus riches comme le Canada, où de nombreuses municipalités et communautés autochtones n’ont toujours pas accès à un système d’égout.

De façon plus générale, l’organisation propose donc aux visiteurs un « état des lieux » quant aux défis des installations sanitaires et de la gestion de l’eau usée, mais elle met aussi en lumière les solutions qui sont en développement.

Ludique et instructif

Le Musée de la civilisation ne déroge pas à son habitude : Ô merde ! a été conçue pour toute la famille.

Après le dernier segment plus théorique, petits et grands pourront appliquer leurs nouvelles connaissances dans la « Cacarcade », un espace immersif et interactif qui s’inspire des jeux d’arcade classiques.

Avec la roue de l’infortune, CacA’Man, Tire dans le tas ou le Super microbiote, les curieux pourront découvrir « les inégalités d’accès à des toilettes salubres », se sensibiliser face à la contamination de l’eau potable, retirer lingettes, tampons et autres déchets de la canalisation, mais aussi revitaliser en bonnes bactéries un intestin et combattre la bactérie C. difficile.

Ces activités colorées ont notamment été créées en partenariat avec divers spécialistes, précise Mme Niess.

Avant de se diriger vers la toute dernière section du parcours, qui conçoit les selles comme de « l’or brun » et une « ressource inépuisable », les visiteurs les plus courageux auront l’occasion de faire un arrêt à la « salle de pets ».

En plus de réfléchir sur la « bienséance » de relâcher ses gaz intestinaux à tout vent, le public pourra prendre place sur un banc « intelligent » et… se laisser aller. L’ordinateur calculera, entre autres, la teneur en sulfure d’hydrogène de la flatulence et invitera son créateur à « décortiquer et comprendre le mécanisme physiologique de [sa] production », tout en l’informant sur la fermentation des aliments et le rôle des bactéries. Attention : les nez sensibles auront été avertis.

« L’exposition est audacieuse parce qu’on confronte le visiteur par rapport à sa notion de tabou, de dégoût, d’intimité. On lui apprend des choses qui ne sont pas nécessairement reluisantes, auxquelles il ne pensait pas », conclut Coline Niess. En conférence de presse, le président-directeur général du MCQ, Stéphan La Roche, s’est quant à lui dit fier que son équipe ait conçu et produit cette exposition hors du commun : « Si nous, nous ne le faisons pas, qui d’autre pourrait le faire ? »

Ô merde ! est présentée du 17 juin 2021 au 26 mars 2023 au Musée de la civilisation de Québec.

Consultez le site du Musée de la civilisation de Québec

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