Petit guide pour mieux boire (sans moraliser)

Aucune consommation d’alcool n’est sans risque, nous a récemment appris le Centre canadien sur les dépendances et l’usage des substances. Dur à avaler ? Certains y voient plutôt l’occasion de réfléchir à leur relation avec l’alcool.

Ne pas moraliser

Avertissement : cet article ne vise pas à moraliser. Les derniers repères du Centre canadien sur les dépendances et l’usage des substances ont beaucoup fait réagir. Pour rappel, l’organisme recommande de se limiter à deux verres maximum par semaine. Au-dessus de ce seuil, les risques pour la santé augmentent. Évidemment, ces recommandations sont à prendre ou à laisser. Mais elles peuvent susciter une réflexion sur la place qu’occupe l’alcool dans nos vies. « Il y a toujours un équilibre entre banaliser l’alcool et moraliser ceux qui le consomment. Le message est de favoriser la prise de décision éclairée », soutient Karine Bertrand, psychologue de formation et professeure au département des sciences de la santé communautaire à l’Université de Sherbrooke.

Vous avez dit « sobriété curieuse » ?

Le terme est tiré du livre à succès de Ruby Warrington intitulé Sober Curious, paru en 2018, et c’est justement ce qu’il prône : boire en toute conscience. Au contraire de l’abstinence, la « sobriété curieuse » n’implique pas de tirer un trait sur l’alcool. C’est simplement de remettre en question ses habitudes de consommation et d’adopter un esprit critique sur les attentes sociétales qui nous poussent à boire. Vous ouvrez une bouteille après une mauvaise journée de travail ? Vous aimez boire un verre en bonne compagnie ? Quels sont les bénéfices et les conséquences de votre consommation ? Parfois, l’alcool a simplement une fonction de plaisir. « Mais il y a des motivations qui nous placent plus à risque, par exemple, boire parce que j’ai de la misère à dormir ou parce que je suis déprimé », explique Mme Bertrand, qui est aussi directrice scientifique de l’Institut universitaire sur les dépendances.

Se fixer des objectifs

Vous avez observé vos habitudes de consommation et vous arrivez à la conclusion que vous aimeriez moins boire ? Il existe des stratégies pour y parvenir. « Changer n’est pas facile », prévient Mme Bertrand. En premier lieu, il vous faut un plan clair. Par exemple : pas d’alcool seul à la maison ou pendant la semaine. Les mois sans alcool sont aussi populaires. Cela tombe bien, car le défi 28 jours commence mercredi.

« Un mois d’abstinence nous force à mieux cerner la fonction de l’alcool dans nos vies. »

– Louise Nadeau, professeure émérite du département de psychologie à l’Université de Montréal et spécialiste en toxicomanie

Attention toutefois de ne pas retomber dans vos vieilles habitudes après le défi. « C’est l’effet du bris de la règle. On peut faire un parallèle avec les régimes. C’est tout ou rien », explique Karine Bertrand, qui conseille de se préparer à l’après-défi. Et ajustez vos objectifs si nécessaire.

Mobiliser son entourage

Si possible, entourez-vous de personnes qui soutiennent votre démarche. « Je prône beaucoup la mobilisation de l’entourage. C’est important de partager et de ne pas garder ça en dedans », indique Amnon Jacob Suissa, professeur associé à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal, qui se spécialise notamment en dépendance. À l’inverse, lorsque l’alcool est présent, mieux vaut respecter la décision de ceux qui ne consomment pas. « Chaque fois qu’on sert de l’alcool, il faut s’assurer d’avoir une option non alcoolique », souligne Mme Nadeau. Et de grâce, ne posez pas de questions inquisitrices à ceux qui refusent un verre. « Il faut tenir pour acquis que c’est un comportement tout à fait normal et légitime », souligne-t-elle. Par ailleurs, limiter ou éviter l’alcool ne veut pas dire éliminer le plaisir. Sortez vos beaux verres et laissez-vous tenter par les nouveaux mocktails sur le marché. « Ça a l’air de rien, mais ça fait une différence. Le rituel est important dans la consommation », souligne Louise Nadeau.

Demander de l’aide

Vous vous sentez incapable de diminuer votre consommation ? Peu connu, le programme Alcochoix+ s’adresse à ceux qui sont préoccupés par leurs habitudes de consommation. Offert dans les CSLC, il se décline en trois formules : autonome, guidée et en groupe. « Ce n’est pas nécessairement pour des gens qui sont dépendants, mais pour ceux qui souhaitent changer et qui ont du mal », précise Karine Bertrand. Il existe aussi des services publics en dépendance, qu’on trouve facilement sur le site du gouvernement.

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