Élections générales

Des garde-fous aux promesses fiscales

Les élections générales approchent à grands pas au Québec, une période généralement fertile où les partis politiques exposent leur vision, dévoilent leurs promesses et courtisent les citoyens pour les convaincre de voter pour eux.

Remarquez qu’il est tout à fait légitime qu’un parti politique prenne des engagements. Selon leurs orientations politiques, certains peuvent, par exemple, préférer réduire les impôts, d’autres, les augmenter. Ce n’est pas une bataille entre le bien et le mal. Cependant, force est de constater qu’il n’y a rien de magique : vouloir réduire les impôts signifie moins de recettes pour financer des services publics. Inversement, percevoir plus d’impôts permet un État plus interventionniste. Au moment d’aller aux urnes, les citoyens décident au gré de leurs préférences.

Dans le contexte actuel où l’on entend beaucoup parler de la hausse du coût de la vie, on sait déjà que les partis promettront de remettre de l’argent dans les poches des ménages.

Les moyens

Avant même d’imaginer des promesses, la première chose que les partis politiques doivent faire, c’est identifier s’ils ont la marge de manœuvre nécessaire. Il leur faut donc s’assurer de connaître la situation budgétaire du Québec qu’ils aspirent à gouverner.

Bonne nouvelle, le temps est révolu où au lendemain des élections, un nouveau gouvernement reniait certaines promesses sous prétexte que la situation budgétaire léguée par le gouvernement précédent était différente de ce qu’on lui avait laissé croire.

Depuis 2018, le ministère des Finances produit, avant le déclenchement de chaque élection générale, un rapport préélectoral sur l’état des finances publiques, et ce rapport est soumis au Vérificateur général afin qu’il se prononce sur la plausibilité des prévisions et hypothèses utilisées. Ce rapport, dont l’objectif consiste à donner aux partis politiques une compréhension commune de la situation budgétaire, sera publié le 15 août prochain. C’est sur cette base qu’ils doivent définir leurs engagements.

Cela dit, si à l’été 2022 les déficits apparaissent moins importants qu’anticipé au lendemain de la crise de la COVID-19, gardons en tête que seul le rapport préélectoral à venir nous dira si le solde budgétaire devrait rester en zone déficitaire pour les quatre prochaines années. Si tel devait être le cas, le respect d’un cadre financier prévoyant un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2027-2028 devrait prévaloir sur les engagements de réductions d’impôt ou de bonification des services publics, à moins de trouver une manière de les financer.

Autre considération, il faut non seulement tenir compte du court terme, mais également évaluer les enjeux de moyen et long termes, comme la transition démographique.

Le bon moment

Dans le contexte actuel où la Banque du Canada vient de hausser son taux directeur pour une 4e fois consécutive afin de combattre l’inflation, il semble y avoir une contradiction lorsque les partis politiques promettent de remettre des milliards de dollars dans les poches des ménages. Cet apport d’argent aura nécessairement pour effet de stimuler la consommation et l’économie au moment où la banque centrale cherche à faire l’inverse.

Même ceux a priori favorables aux réductions fiscales arriveront probablement à la conclusion que le moment actuel n’apparaît pas être le meilleur pour procéder à une injection de sommes dans l’économie.

Si le besoin de faire quelque chose pour combattre les effets de l’inflation sur les ménages devient incontournable, il y aurait lieu de se limiter à des actions ciblées vers les plus démunis. Puis, en ce qui concerne une volonté qui demeurerait de réduire de manière plus générale les impôts, il serait préférable de retarder sa mise en œuvre afin qu’elle prenne effet à l’aube d’un éventuel ralentissement économique.

La manière

La Chaire en fiscalité et en finances publiques a développé un Simulateur fiscal, dont le principal objectif est de permettre aux utilisateurs de calculer l’effet de modifications de principaux paramètres fiscaux (barème, taux, crédits, etc.) à la fois sur les recettes fiscales en 2022 et sur le revenu disponible des ménages.

Consultez Le Simulateur fiscal du Québec

Il est donc possible de tester diverses manières de remettre de l’argent dans les poches des ménages. Indépendamment des réponses aux deux premières questions soulevées, si les partis politiques décident de retourner de l’argent aux ménages, il faut rappeler que toutes les idées ne se valent pas d’un point de vue de politique fiscale.

Commençons par une idée à rejeter : réduire la taxe sur l’essence n’est pas la bonne façon de faire pour remettre de l’argent aux ménages, ça envoie un mauvais signal en allant à l’encontre des objectifs de lutte contre les changements climatiques. À cela s’ajoute le risque que cette réduction ne soit pas entièrement répercutée aux consommateurs à moyenne échéance, sans compter que cette source de recettes est entièrement dédiée au financement de notre réseau de transport terrestre.

Du côté de la TVQ, il faut résister à la tentation de réduire son champ d’application et encore davantage son taux.

Cette source de financement moins dommageable à la croissance économique est fondamentale au maintien des services publics, elle ne devrait pas être diminuée.

S’il faut réduire un impôt, c’est l’impôt sur le revenu qu’on doit privilégier. C’est non seulement l’impôt le plus utilisé au Québec, beaucoup plus qu’ailleurs, mais aussi l'impôt le plus dommageable à la croissance économique.

Pour conclure, si les partis politiques veulent à tout prix remettre de l’argent dans la poche des ménages, il faut privilégier à court terme des actions ciblées. Si, malgré tout, une volonté irrépressible de réduire le poids de la fiscalité demeure, il faut privilégier l’impôt sur le revenu, que la réduction soit faite au bon moment et seulement si nous en avons les moyens !

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