Notre choix : Le printemps le plus long

La COVID-19 comme vous ne l’avez jamais lue

Le printemps le plus long : au cœur des batailles politiques contre la COVID-19

Alec Castonguay

Québec Amérique

392 p.

Un livre sur la COVID-19 ? Presque 400 pages qui nous replongent dans les six premiers mois de cette maudite pandémie qu’on voudrait tant oublier ? Première réaction : euh, pas sûr…

Heureusement, nous avons surpassé notre premier réflexe. Car le livre d’Alec Castonguay est absolument captivant. On pense tout savoir des débuts de la COVID-19 en Chine, dans la ville de Wuhan. On est peut-être convaincu d’avoir tout lu à propos de sa propagation et des différentes réponses des gouvernements à travers le monde. Mais on apprend tellement de choses en lisant cette enquête qui nous emmène dans les coulisses de la pandémie, dans les laboratoires, les hôpitaux et les couloirs des différents départements de santé publique. Dans les officines du pouvoir aussi.

On refait l’historique des premiers cas, on découvre les premiers textos échangés entre spécialistes d’un bout à l’autre de la planète, on est en mesure d’apprécier les bonnes et les moins bonnes réponses des différents acteurs de ce drame à différents moments de la crise. Alec Castonguay nous dévoile l’envers du décor des conférences de presse du « trio santé », dans les salles de réunion où se décident les vraies affaires, en petit comité.

On rencontre des acteurs inconnus du grand public, en santé publique comme dans l’entourage du premier ministre François Legault.

On se sent parfois comme une mouche sur un mur durant quelques réunions critiques, témoins de réflexions qui ont mené à des décisions historiques et déchirantes.

La publicité n’est pas mensongère, c’est vraiment un récit qui se lit comme une fiction, voire comme un thriller à certains moments.

Aux États-Unis, un journaliste qui publie un livre sur un sujet d’actualité, c’est monnaie courante. Les journalistes-vedettes reçoivent de grosses avances des maisons d’édition, sont libérés pendant des mois et travaillent entourés d’une équipe de recherchistes.

Nous sommes au Québec. Ce genre de livre est rare, car il coûte cher, en temps et en argent. Son auteur est un des meilleurs journalistes politiques de sa génération. Chef du bureau politique du magazine L’actualité et analyste à ICI Radio-Canada, il couvrait déjà la crise. Il a accompli un travail monumental en interviewant une cinquantaine d’intervenants dont les témoignages composent la trame de ce récit haletant.

Entre les éclosions dans les CHSLD qui font partie des jours les plus noirs de la pandémie, jusqu’aux réactions pas toujours claires du DHoracio Arruda, en passant par le peu d’intérêt qu’on accorde à la santé publique en général, ce livre renferme plusieurs leçons qui devraient guider les décideurs pour la suite. Un document précieux à lire absolument.

Le crépuscule des fauves

Un bon suspense

Le crépuscule des fauves

Marc Levy

Robert Laffont Versilio

389 p.

* * * ½

Chose promise, chose due. Marc Levy nous avait assuré qu’on n’attendrait pas trop longtemps pour la suite de son thriller C’est arrivé la nuit, lancé en septembre dernier. Voici donc la suite de cette histoire interrompue brusquement alors que Maya disparaissait. Petit rappel : l’agente de voyage est membre d’un groupe secret de hackers, des justiciers virtuels qui combattent, chacun devant leur écran, un groupe de personnages puissants qui souhaitent prendre le contrôle politique et financier de la planète. On n’est pas loin du récit de superhéros dans cet univers où les bons (qui utilisent des moyens pas toujours légaux) combattent les ultra-méchants.

L’action déboule à un rythme effréné et il reste encore plein de mystères à élucider, dont l’identité du 9membre du groupe de hackers qui se rencontrera « en vrai » à Kiev pour préparer un grand coup. Marc Levy tient vraiment un filon avec cette trilogie. Son histoire, qui se déroule simultanément aux quatre coins du globe, est bien ficelée et tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin. L’auteur en profite pour dire ce qu’il pense de l’époque, de la crise des réfugiés au capitalisme sauvage. Maintenant, il faut attendre le tome 3. En se demandant : à quand le film ou la série ?

— Nathalie Collard, La Presse

Le fantôme de Suzuko

Hantise sentimentale

Le fantôme de Suzuko

Vincent Brault

Héliotrope

200 pages

* * * *

Avant de nous confronter au Fantôme de Suzuko, nous sommes partis déterrer Le cadavre de Kowalski, paru en 2015, (dé)composé par le même auteur – qui avait entre-temps signé La chair de Clémentine.

Changement d’atmosphère : la poésie macabre et décalée cède la scène au spleen et aux tribulations d’un Montréalais au Japon, remontant le fil de son passé. Oh, de la mort, il y en a aussi, ici. Une en particulier : celle de Suzuko, l’ancienne dulcinée du protagoniste. Justement, les raisons de sa disparition (et ses hypothétiques réapparitions) vous taraudent tout au long du roman, entre deux vernissages de galerie d’art.

En attendant de découvrir pourquoi il est question d’« exposer sa tête », on navigue dans celle du narrateur, ballotté entre séismes actuels et révolus. Soutenu par une bonne construction du récit, une poésie savamment dosée (ni trop, ni pas assez), une restitution très honnête de Tokyo et de sa faune sociale, esquivant les clichés, Le fantôme de Suzuko aspire à une intrigante tendresse elle-même très nipponne.

Une histoire à fleur de peau très coulante, même pour ceux ayant la hantise, comme nous, d’être noyés par l’abus de ces mini-phrases nominales mitraillées à tout bout de champ.

— Sylvain Sarrazin, La Presse

Condoléances

Un recueil éclectique sur le deuil

Condoléances : 12 histoires de deuil

Collectif

Québec Amérique

168 pages

* * *

La page couverture laisse présager un recueil classique sur le deuil, du déni à l’acceptation en passant par la colère avec, comme trame de fond, le bout du tunnel. Or, la proposition de Condoléances sort des sentiers battus. Douze auteurs et autrices – la plupart émergents – visitent le deuil à travers 12 histoires aussi électriques que surprenantes.

Parmi les auteurs établis ayant participé au projet, David Goudreault propose les réflexions tordues d’un narrateur cocu assistant aux funérailles de sa femme. Patrick Senécal, pour sa part, présente le récit fantastique du dernier jour de travail d’un vieux thanatologue.

Condoléances propose aussi l’histoire futuriste de cette vieille femme qui se prodigue elle-même l’aide médicale à mourir (Mathieu Villeneuve) et le texte intimiste d’une jeune femme qui trouve la paix dont elle avait besoin en revenant chez elle pour les funérailles de sa grand-mère (Ellie Martineau-Lavoie). La chouette nouvelle de Rosalie Roy-Boucher narre la rencontre d’un vieil homme qui rêve de funérailles grandioses et d’une employée de salon funéraire malheureuse.

Quelqu’un qui fait l’expérience d’un deuil ne trouvera peut-être pas les réponses qu’il cherche en lisant Condoléances, mais le recueil demeure bien ficelé. Mention spéciale à l’auteur Nicholas Giguère, qui, avec son long poème intitulé Madame Lomer Bolduc, réussit à toucher et à mettre en mots de façon juste le deuil de cette grand-mère qu’il adorait.

— Catherine Handfield, La Presse

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