Dune

« Une ode à l’esprit humain »

L’adaptation cinématographique de Dune, le roman mythique de Frank Herbert, réalisée par Denis Villeneuve, est sans contredit l’une des œuvres les plus attendues de l’année. Compte rendu d’une rencontre virtuelle avec l’équipe du film, à laquelle La Presse a été conviée, au moment où arrive (enfin !) la bande-annonce.

Dire de Dune qu’il est un film espéré et attendu est un euphémisme. Il suffit d’aller se promener le moindrement sur les réseaux sociaux pour constater à quel point cette superproduction fait saliver les cinéphiles, d’autant qu’aux yeux des amateurs de science-fiction, Denis Villeneuve est carrément devenu un dieu. Alors qu’est enfin dévoilée une bande-annonce – longue de plus de trois minutes –, aussi alléchante que visuellement splendide, quelques détails commencent à se préciser.

Il y a quelques semaines, le cinéaste québécois, flanqué de plusieurs des acteurs faisant partie de l’imposante distribution de Dune – de Timothée Chalamet à Zendaya en passant par Oscar Isaac, Josh Brolin, Jason Momoa et quelques autres –, a en effet participé à une conversation virtuelle, animée par Stephen Colbert. Le réalisateur d’Arrival a pu expliquer comment cette adaptation cinématographique du célèbre roman de Frank Herbert constitue pour lui son plus grand rêve de cinéaste.

« La première fois où j’ai lu le roman, je devais avoir à peu près 15 ans, soit le même âge que Paul Atreides [le protagoniste de l’histoire], a expliqué Denis Villeneuve. Cette lecture a eu sur moi un effet très puissant, au point où j’en ai pratiquement développé une obsession. »

« À mes yeux, cette œuvre développe tellement de thèmes qu’elle en dépasse largement le récit d’aventures. Cette histoire parle des humains, et de leur devoir de changer le monde, particulièrement les jeunes. »

— Denis Villeneuve, réalisateur de Dune

Réputé inadaptable

Ce livre phare de science-fiction, publié en deux volumes en 1965, est depuis très longtemps réputé inadaptable sur grand écran. Alejandro Jodorowsky (La montagne sacrée), qui a tenté de le porter à l’écran dans les années 70 sans y parvenir, a récemment déclaré à Indiewire ne pas être très optimiste, même s’il ira voir la nouvelle adaptation « avec plaisir, parce que ce sera différent ». David Lynch s’est aussi cassé les dents en 1984. Au magazine Empire, le cinéaste québécois s’est exprimé à propos de cette version « maudite », réalisée il y a plus de 35 ans.

« Je suis un grand fan de David Lynch, il est le maître, dit Denis Villeneuve. Quand j’ai vu son Dune, je me souviens d’avoir été excité, mais sa version… Il y a des parties que j’adore et d’autres éléments avec lesquels je suis moins à l’aise. Je me souviens d’avoir été à demi satisfait. C’est pour ça que je me disais qu’un film devait encore être fait à partir de ce livre, juste avec une sensibilité différente. »

Quand il a rencontré les producteurs pour discuter du projet, le réalisateur d’Un 32 août sur terre et d’Incendies, deux films aussi tournés dans le désert, a posé d’emblée deux conditions bien précises.

« Dès le départ, je leur ai dit que pour rendre justice au roman, si riche et si complexe, il faudrait faire deux longs métrages. »

— Denis Villeneuve, réalisateur de Dune

« Et puis, je tenais aussi à tourner dans des décors naturels, dans un vrai désert. Je leur ai rappelé que Jaws n’a quand même pas été tourné dans une piscine. Je suis d’ailleurs très reconnaissant envers le studio [Warner Bros. Pictures] parce qu’on nous a permis de tourner dans ces conditions. Les paysages sont si majestueux que le spectateur, même s’il est dans un autre monde, se sentira quand même chez lui. »

Bien conscient des attentes que suscite Dune auprès des cinéphiles du monde entier, Denis Villeneuve affirme que la pression est cette fois différente de celle ressentie pendant la fabrication de Blade Runner 2049, sorti il y a bientôt trois ans.

« Avec Blade Runner 2049, je devais faire honneur à l’univers qu’avait déjà créé Ridley Scott dans un chef-d’œuvre du cinéma de science-fiction. Cette fois, je dois être fidèle à mon propre rêve d’adolescent. Et mon rêve était très grand parce que j’étais un très grand rêveur. Je me rends compte aujourd’hui que cet adolescent avait une vision plutôt totalitaire et j’ai dû répondre à ses désirs pour lui plaire. C’est une énorme pression ! »

Timothée Chalamet, rock star !

Le cinéaste a par ailleurs vite fixé son choix sur Timothée Chalamet pour le personnage de Paul Atreides, un tout jeune homme – 15 ans dans le roman – appelé à devenir empereur et à mener les destinées de l’humanité. Aujourd’hui âgé de 24 ans, celui qui fut révélé au monde grâce à Call Me by Your Name a été à la hauteur des espérances du cinéaste.

« En plus d’être de loin l’un des acteurs les plus doués de sa génération, Timothée est doté d’une intelligence très profonde, fait valoir Denis Villeneuve. Ça se voit dans son regard, c’est comme s’il avait une vieille âme. Quand je lui parle, j’ai parfois l’impression qu’il a déjà vécu plusieurs vies et ça m’émeut. Pourtant, il a l’air si jeune devant la caméra. Il correspondait parfaitement au profil d’un personnage sur qui repose toute l’histoire, et qui doit éventuellement devenir un leader. Timothée a aussi quelque chose de très romantique, que capte tout de suite la caméra. Il allie le charisme des grandes vedettes du cinéma muet à celui qu’ont les rock stars ! »

De son côté, Timothée Chalamet confie avoir été animé d’un sentiment d’humilité sur le plateau de tournage. « À cause de l’œuvre de Frank Herbert, du budget, de l’ampleur des décors, de la nature incroyable des films de Denis, qui est tellement bon dans ce qu’il fait, et des acteurs immenses qui m’ont entouré, je me suis senti davantage comme un acteur de soutien que comme un leader, bien honnêtement. »

L’acteur a aussi évoqué l’aspect « spirituel » des scènes tournées dans le désert en Jordanie, dans la mesure où cet environnement particulier influe aussi sur l’état d’esprit d’un individu.

Un écho à notre époque

À cet égard, Denis Villeneuve estime que Dune ne pourrait sortir à un meilleur moment, compte tenu de l’écho qu’a le récit dans l’époque troublée que nous traversons. En français, probablement parce qu’aucune formule en anglais ne pouvait lui venir spontanément en tête, il a évoqué une « ode à l’esprit humain ».

« Cette histoire parle surtout des capacités d’adaptation des êtres humains, souligne-t-il. Au cours des prochaines décennies, l’humanité fera face à des changements d’ordre culturel et climatique, qui feront en sorte que notre rapport au monde et à la nature devra forcément s’adapter. Dune est un appel en ce sens, lancé particulièrement aux plus jeunes générations. C’est grâce à elles que le monde pourra changer. »

Le premier volet du diptyque Dune prendra l’affiche le 18 décembre. Aucune date n’est encore fixée pour le second.

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