Partir… pour longtemps

Il y en a qui aiment s’envoler pour une semaine dans le Sud. D’autres qui optent pour des excursions d’un week-end. Certains préfèrent toutefois s’échapper longtemps. Ces voyageurs s’envolent pour quelques semaines – ou mois – pour savourer pleinement leurs destinations.

L’entrepreneure et aventurière Lydiane St-Onge, qui est derrière l’émission et le blogue Lydiane autour du monde, fait partie des adeptes de voyages à long terme. Elle en a fait beaucoup, s’aventurant aux quatre coins du monde, souvent avec seulement un aller simple en poche.

En septembre dernier, elle s’est rendue en Europe avec son amoureux et sa fille pour un voyage de deux mois et demi. « Avec un bébé, tu ne veux assurément pas partir une semaine, à moins que ça soit sur le même fuseau horaire », assure la nouvelle maman. Voyager avec sa fille rime donc avec slow travel, dit-elle.

Il était aussi important pour elle de se « déposer dans le pays ». Le moment était bon pour partir puisqu’elle était en congé de maternité et que son amoureux pouvait faire du télétravail.

« On était environ deux semaines au même endroit – à faire notre épicerie, à découvrir les petits coins, à aller chercher un café, raconte Lydiane St-Onge. On a fini par rencontrer des gens. Je me suis liée d’amitié avec des mamans, car on fréquentait le même parc. »

C’est aussi l’idée de se poser plus longtemps qui a attiré le chroniqueur et animateur Jean-Michel Dufaux à faire un long voyage.

« Ça m’avait toujours tenté de prendre la fameuse année sabbatique, mais je remettais tout le temps. »

— Jean-Michel Dufaux

C’est finalement en 2018 qu’il a fait le saut. L’animateur a par la suite écrit son livre Mon année à l’étranger – Récit de slow travel qui raconte et « démystifie » son voyage, où il s’est posé en Thaïlande, au Mexique, au Viêtnam et ensuite en Europe.

Plusieurs questions existentielles – personnelles et professionnelles – le taraudaient. « C’était le temps de prendre une pause et de partir pour mieux revenir », raconte-t-il. Il a fait quelques piges lors de cette année-là, mais s’est aussi donné du temps pour explorer les villes où il habitait.

La conseillère en emploi Camille Richer préfère aussi les voyages plus longs. « Ça me permet de mieux visiter le pays, de prendre le temps et d’être moins à la course », indique-t-elle. Elle a profité de ses temps libres durant ses études pour en faire l’expérience. Elle est notamment partie trois mois en Europe et deux mois en Indonésie.

Casser le rythme du quotidien est une raison souvent évoquée pour partir en voyage, affirme Isabelle Falardeau, professeure au département d’études en loisirs, culture et tourisme de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Et ceux qui choisissent de faire un long voyage souhaitent « sortir du temps pendant longtemps », dit-elle.

Ces voyageurs ont aussi d’autres raisons pour choisir un voyage de longue durée, comme se rapprocher des résidants, avoir un meilleur impact social ou vouloir sortir des sentiers battus, énumère-t-elle.

Mais difficile de brosser un profil type pour ce genre de voyage. « Ça peut être des personnes avec plus de temps à leur disposition, et davantage de revenus discrétionnaires, comme les jeunes adultes ou les personnes retraitées », évoque Isabelle Falardeau.

De la planification, ou très peu

Lydiane St-Onge et son amoureux n’avaient pas prévu leur itinéraire avant de partir en septembre. Ils voulaient prolonger leur été et savaient qu’ils voulaient découvrir l’Europe, donc ils ont mis le cap sur Nice pour leur première destination. Ils ont ainsi découvert plusieurs villes de la France et de la Suisse en louant des appartements au gré de leurs envies.

« Le fait de faire du longue durée, ça te laisse porter par ton mood, par la température aussi. On peut se permettre de changer le planning, donc on est moins stressés.  »

— Lydiane St-Onge

Lors de ses longs voyages, Camille Richer a peu planifié. Elle réservait quelques journées à une auberge de jeunesse, mais aimait aussi laisser de la place aux surprises. « Je ne regardais même pas ce qu’il y avait à visiter là-bas, dit-elle. Ça permet aussi d’essayer des recommandations de gens de l’endroit, comme une petite chute cachée ou des restaurants. »

Des changements de plans sont aussi survenus au cours du voyage de Jean-Michel Dufaux, mais il gardait le cap sur son but de vivre dans la même ville pour quelques mois à la fois.

« Je n’aurais pas pu faire ce voyage si j’avais choisi des villes comme Londres ou Paris, mais en choisissant des villes pas trop chères, c’était possible », explique l’animateur, qui croit que ce type de voyage est plus accessible qu’on le pense.

Justement, Lydiane St-Onge a la conviction qu’il est tout à fait possible de voyager à long terme sans casser sa tirelire. « On pense à tort qu’un voyage à long terme coûte cher, mais pas du tout si on trouve des solutions. » Sa solution à elle : louer sa maison et sa voiture. Cela leur a permis de payer leurs billets d’avion et même leur voiture de location.

Une tendance inverse

« La grande majorité des voyages effectués sont de courts séjours, affirme tout de même la professeure Isabelle Falardeau. C’est une tendance qui s’alourdit, même. »

Néanmoins, avec la pandémie, certains se sont questionnés sur leur rapport au voyage, dit-elle. Il y a les nomades numériques, par exemple, qui peuvent travailler de n’importe où. Des voyageurs soucieux de l’environnement considèrent l’idée de voyager moins, mais plus longtemps à la fois. Il y a l’idée de voyager mieux, « mais c’est à voir », concède Isabelle Falardeau.

Et durant des périodes de crise – comme une possible prochaine récession –, la tendance est de « voyager moins loin et moins longtemps », dit la professeure.

Les voyageurs questionnés recommandent toutefois le voyage de longue durée. « Ça m’a fait du bien à l’âme et à la tête, affirme Jean-Michel Dufaux. Ç’a été comme une pause introspective. »

Lydiane St-Onge le suggère fortement et elle espère pouvoir refaire l’expérience au printemps. Elle rêve même d’adopter un mode de vie où sa famille voyagerait deux fois par année pour quelques mois. « Ça permettrait d’ajouter de l’exploration dans la vie et de faire découvrir les voyages à ma fille. »

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