Voyage Terre-Neuve

Pour la morue, les icebergs… et la sainte paix !

ST. JOHN’S, Terre-Neuve-et-Labrador — « Les pétoncles sont en pleine saison », lance Clarah Germain, directrice du service à la clientèle du nouvel hôtel Alt de St. John’s, avant de commander une assiette du délicieux mollusque, servi cru avec de très fines lamelles de radis noirs et une sauce au chili, quelques algues.

« Tu vas voir, c’est fou, la fraîcheur. »

Le plat est bien piquant, mais les fruits de mer sont effectivement tellement à peine sortis de la mer, tellement doux, que je n’hésite pas à en recommander le surlendemain. Tout comme la tartine aux crevettes et au maïs, d’ailleurs. Avec un accès garanti à des produits de la mer aussi frais, Matthew Swift, un ancien chef de chez Joe Beef qui vient de se poser dans l’île et qui a pris les commandes de la table de l’Alt, Terre, a tout pour aller loin.

Terre-Neuve n’a jamais eu la réputation d’être une des grandes destinations touristiques canadiennes, comme les Rocheuses ou la côte Ouest ou même Québec. Il n’y a pas de Château Frontenac ici, ni de Ritz, ni de train au plafond de verre pour longer la côte et admirer les icebergs en saison, pourtant une grande attraction pour les visiteurs.

Mais le côté très sauvage de cette île encore peu connue est précisément ce qui la rend aujourd’hui si intrigante pour les touristes en quête de destinations inédites. Et pour les touristes gourmands.

En effet, de plus en plus de chefs, comme Matthew Swift, ont choisi de s’installer ou de retourner à Terre-Neuve pour y cuisiner avec les produits spectaculaires de l’île. Résultat : Terre-Neuve est une destination qui prend son envol, aimée par les friands de produits frais, que ce soit de la vraie morue pêchée à la ligne – oui, on peut en trouver –, des chanterelles ou du gibier, parce que contrairement au Québec, ici on permet aux restaurants de servir les prises des chasseurs.

Certains voudront aller prendre un café ou une bière maison chez Bannerman ou un repas gastronomique chez Raymond’s, à St. John’s, une table chic et haut de gamme, spécialiste des produits locaux et écolos, qui a coiffé la liste des meilleurs nouveaux restaurants canadiens en 2011. D’autres iront chez Mallard Cottage, aussi un habitué des palmarès pancanadiens – qui compte en outre quelques chambres –, plus convivial et installé dans le pittoresque secteur de Quidi Vidi, une communauté de pêcheurs à deux pas du centre de la capitale. La Merchant’s Tavern des propriétaires de Raymond’s, une grande brasserie en plein centre de la ville, attire aussi ceux qui recherchent des poissons frais, locaux, sauvages et issus d’une pêche durable.

À l’extérieur de St. John’s, on arrêtera aussi pour le lunch au Grounds Café de Portugal Cove, où les légumes qui poussent dans les serres biologiques du pépiniériste attenant sont servis sous forme de soupes, salades, sandwichs…

Et à travers tout cela, il y a bien sûr bien des restaurants spécialistes du fish & chips très traditionnel – le plus connu est Duke of Duckworth, à St. John’s –, le plat le plus classique de Terre-Neuve, où l’on a vénéré la morue pendant des siècles avant que le moratoire sur la pêche vienne bouleverser tout l’équilibre de la province en 1992.

« C’est fou, tout ce qu’on trouve ici », explique Jonathan Gushue, ancien chef de Langdon Hall qui s’est retrouvé sur la liste des 100 meilleurs restaurants du monde avant de retourner dans son île natale pour cuisiner au Fogo Island Inn, à environ cinq heures en voiture de St. John’s. À sa table très haut de gamme, où l’on mange littéralement suspendu au-dessus des vagues de l’Atlantique, il peut servir autant de l’orignal que du caribou, tout comme la fameuse morue locale et la vingtaine de variétés de baies trouvées dans les environs. Le restaurant n’utilise que des ingrédients locaux.

L’ouverture il y a maintenant six ans de cette fameuse auberge de l’île Fogo, un lieu spectaculaire de la petite municipalité de Joe Batt’s Arm, construit par la femme d’affaires Zita Cobb, originaire de cette communauté éloignée, et conçu par l’architecte Todd Saunders, de Gander, mais aujourd’hui installé en Norvège, a beaucoup participé à mettre Terre-Neuve sur les circuits des curieux.

Parce que même si l’auberge est peu accessible pour les clients moyens – le prix d’une chambre pour deux, trois repas compris avec amplement de collations, après service, mais avant vin, est de presque 2000 $ par nuit –, les images d’une grande beauté ont fait le tour du monde et donné envie d’aller voir ces terres sauvages accidentées frappées par la mer avec tant de force poétique.

De plus, l’auberge fait partie d’un projet de création d’emplois et de développement de l’île qui a amené la naissance de plusieurs gîtes touristiques, cafés, petits commerces – comme la fabrique de meubles de l’hôtel – et autres comptoirs à crème glacée comme Growlers, qui font discrètement de Fogo, une île de 2500 habitants encore très rustique, une destination de marche, de repos, de balades, pour un moment.

On peut aussi demander de visiter l’auberge et de manger sur place, bien que l’accès aux tables soit donné en priorité aux résidants.

Des anciens de l’auberge ont aussi ouvert deux tables non loin : Scoff (ouvert en été) et Bangbelly, un café qui reprend l’esthétique doucement lumineuse et colorée de l’aménagement intérieur du Fogo Island Inn principal. Dans cet endroit un peu plus accessible, on goûte à la fameuse morue de l’île, celle qui lui a donné sa raison d’être et qui peut maintenant, grâce aux soins que tout le monde lui apporte, revenir tranquillement vers ces côtes aussi rudes que magiques.

Carnet d’adresses

Où dormir

Alt à St. John’s, l’un des derniers-nés de la famille Germain.

Le Fogo Island Inn. Si vous avez un bon budget.

Mallard Cottage. Un restaurant dans un ancien secteur de pêcheurs avec quelques chambres.

Où manger

Terre. Le restaurant de l’Alt où cuisine un des anciens chefs du Joe Beef.

Raymond’s. Le grand restaurant chic de St. John’s.

Merchant’s Tavern. La brasserie des gens du Raymond’s.

Duke. La brasserie classique pour le fish & chips.

Grounds Café. Un petit café attenant à une pépinière à Portugal Cove. À une quinzaine de minutes du centre-ville de St. John’s, on s’y trouve dans un village de pêcheurs et on a le sentiment d’être loin de tout.

Scoff à Fogo Island. L’une des tables des anciens de l’Inn. Saisonnier.

Bangbelly à Fogo Island. Une autre table conviviale ouverte par des anciens du Fogo Island Inn.

Bannerman Brewing. Pour prendre une bière ou un café à St. John’s.

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