Une décision favorable au climat

La Caisse de dépôt et placement du Québec subissait de fortes pressions pour se retirer de ses investissements en pétrole

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a annoncé le 28 septembre son retrait d’ici la fin de l’année 2022 de ses investissements dans la production de pétrole. Cette nouvelle envoie un signal important à la communauté financière, ici et dans le monde. Mais elle était devenue quasi inévitable pour la CDPQ à l’aube de la prochaine Conférence de Glasgow sur les changements climatiques (COP 26), qui se tiendra début novembre.

Cette décision n’a pas dû être trop difficile à prendre. Les investissements en pétrole de la CDPQ, substantiels en montants étant donné la taille de la Caisse, ne constituent néanmoins qu’une faible proportion de 1 % de son portefeuille d’investissements. Et le Québec n’est pas un acteur dans ce domaine, donc cette décision ne nuira guère à notre développement économique.

La CDPQ, comme d’autres caisses de retraite, subit depuis quelques années de fortes pressions pour se retirer du secteur pétrolier.

Le mouvement en faveur du combat climatique semble avoir atteint un point de bascule ces derniers temps, et a dû lui forcer la main.

Cet élan a culminé en juin, lorsque l’Agence internationale de l’énergie, pourtant une institution née dans les années 1970 pour veiller à la sécurité d’approvisionnement en pétrole des pays riches, a publié un rapport phare : elle y indique que, pour atteindre une économie neutre en émissions de carbone en 2050, plus aucun investissement dans de nouveaux projets d’exploration pétrolière ne devrait être réalisé. Et ce, dès maintenant.

Ces dernières années, les grandes entreprises pétrolières subissent de fortes pressions. Scrutées par nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) et de médias spécialisés d’une redoutable compétence, elles subissent des revers d’une grande portée ces derniers temps.

Qu’on en juge. En Europe, la société Shell, pourtant engagée dans des investissements conséquents en énergies renouvelables, a été condamnée cette année par un tribunal à réduire ses émissions de carbone de 45 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2019.

En Amérique du Nord, lors de la dernière assemblée annuelle, en mai, les actionnaires de Chevron ont soutenu une proposition appelant l’entreprise à « réduire substantiellement », à moyen et long terme, les émissions provenant de l’utilisation de son pétrole après son extraction. Ce sont celles qui sont, de loin, les plus difficiles à réaliser.

Lors de l’assemblée annuelle 2021 d’ExxonMobil, en juin, les actionnaires ont élu au conseil d’administration trois administrateurs provenant d’un fonds proclimat, nommé Engine No. 1. Ceux-ci ont pour mandat d’amener ce mastodonte à agir davantage en faveur d’un monde décarboné.

Ce même ExxonMobil avait été retiré l’an dernier de l’indice Dow Jones Industrial Average, afin de mieux refléter la nouvelle économie du XXIe siècle. Il y était pourtant depuis 1928 !

Ici, au Canada, les infortunes de l’industrie pétrolière sont tout aussi spectaculaires. Rappelons que le projet d’oléoduc Keystone XL du Canada aux États-Unis a été rejeté en début d’année par la nouvelle administration américaine, aux toutes premières heures de son entrée en fonction. Une décision à forte portée symbolique, qui est de mauvais augure pour tout projet de construction ou de rénovation d’oléoducs en Amérique du Nord.

Le milieu financier mobilisé

Dans le monde qui est celui de la Caisse de dépôt et placement du Québec, soit le milieu financier et du placement, les développements proclimat aussi s’accélèrent.

Dans sa lettre annuelle aux PDG, diffusée fin 2020, le réputé gestionnaire de fonds américain BlackRock a annoncé qu’il placerait le changement climatique au cœur de sa stratégie d’investissement. Cette annonce a produit son effet, avec la mise en place de la Net Zero Asset Managers Initiative, lancée aussi à la fin de 2020, comprenant maintenant 128 signataires, dont les plus grandes sociétés d’investissement au monde, avec un total de quelque 43 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion.

Ces acteurs financiers, aux poches bien profondes, se sont engagés publiquement à contribuer significativement à l’atteinte de l’Accord de Paris.

Le combat contre les changements climatiques est loin d’être gagné. Mais il enregistre depuis peu des progrès manifestes, dont la décision de caisses de retraite d’envergure, comme la CDPQ, de dire adieu à des activités néfastes pour le climat, comme l’exploitation du pétrole, une industrie pourtant encore névralgique pour l’économie mondiale.

Les marches annuelles pour le climat témoignent de cette mouvance, et font bouger les aiguilles, avec des impacts significatifs sur le devenir du secteur énergétique, notamment dans les pays riches.

Ce n’est plus la mobilisation proclimat en Occident qui est maintenant en jeu, mais le rythme que prendra sa transition énergétique. Et c’est la rapidité de cette transition qui déterminera en bonne partie la situation climatique de notre monde dans les décennies à venir.

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