Enfin, des cotes d’écoute plus modernes !

Avant de déballer les nouveaux outils de Numeris qui comptabiliseront – enfin ! – les visionnements sur les plateformes numériques comme l’Extra de Tou.TV ou Crave, un rappel s’impose à propos du calcul des sacro-saintes cotes d’écoute, ces précieux chiffres qui régissent toute l’industrie publicitaire du Québec et qui guillotinent les séries les moins populaires.

Pas d’audiences mirobolantes ? Pas de suite ou de deuxième saison à votre émission. Cruel comme ça.

Maintenant, comment la firme Numeris arrive-t-elle à déterminer avec précision que 1 134 000 accros ont vu l’excellente compétition Révolution dimanche soir à TVA ? C’est à la fois simple et complexe. Allons-y doucement. D’abord, Numeris prête à 1375 foyers, partout au Québec, de petits appareils portables, de la grosseur d’une pagette, que les cobayes portent sur eux en tout temps (sauf pour dormir, évidemment).

Ces bidules électroniques captent automatiquement les signaux des émissions que la personne consomme à la télé dite traditionnelle. En fin de soirée, les appareils transmettent les données recueillies aux serveurs de Numeris, qui les compilent.

À l’aide de différentes méthodes de pondération et de projection statistiques, n’entrons pas trop dans les détails techniques, Numeris transpose ensuite les résultats fournis par son échantillon sur l’ensemble de la population francophone du Québec. C’est ce qui débouche sur une cote d’écoute, celle mesurée en direct, l’équivalent d’un gros sondage, pour résumer de façon très succincte.

Parenthèse : ne contactez pas Numeris pour intégrer ce panel exclusif, ça ne fonctionnera pas. Le processus de sélection se fait au hasard, en pigeant dans la liste électorale et en respectant des critères précis sur l’âge, le sexe et le lieu de résidence des participants.

En échange de leurs loyaux services, les heureux élus de Numeris reçoivent un chèque de 20 $ par mois, c’est tout. La rotation des membres du panel s’effectue, en moyenne, tous les cinq ans.

Pour les lecteurs qui posent la question : non, il n’existe aucune façon de mousser la cote d’écoute de votre émission préférée. Seuls les téléspectateurs affiliés à Numeris disposent de ce « pouvoir ». Ils sont peu nombreux – autour de 3000 personnes – et Numeris ne dévoile jamais leur identité, pour éviter les interférences. Rappelez-vous Série noire.

Aujourd’hui, plus besoin d’un abonnement au câble pour visionner de la bonne télé, qui déborde autant sur Netflix, Club illico ou Amazon Prime Video. Cette consommation numérique échappait à Numeris. Mais plus maintenant.

Un deuxième panel, constitué de 1025 foyers, a été formé pour évaluer les habitudes en ligne des téléspectateurs. Les premières données récoltées, qui couvriront les mois d’août et de septembre, sortiront le 24 novembre. « Le but, c’est de tout mesurer ce que les gens voient », affirme la vice-présidente au développement des affaires et du marketing de Numeris, Catherine Malo.

Les membres du deuxième panel n’accrochent pas de gadget à leur ceinture comme dans le premier groupe. Dans leur routeur à la maison, Numeris branche directement un compteur qui détecte les contenus qu’ils regardent en ligne, que ce soit sur Tou.TV, Qub.ca, TVA+, Twitch, telequebec.tv, YouTube ou Noovo.ca.

Les clips, les courtes entrevues, les webséries, les vidéos virales, les extraits, Numeris emmagasinera tout, tout, tout.

Pour le moment, les données amassées par le panel numérique ne s’additionneront pas aux cotes d’écoute traditionnelles, question de donner un chiffre plus représentatif de la portée réelle d’une émission. Une étape à la fois. La fusion de ces deux univers est prévue en 2023.

Et n’oublions pas que la cote d’écoute sert à fixer des tarifs publicitaires. Comme il n’y a pas de réclames sur de nombreuses plateformes numériques, un annonceur ne gagne rien si, par exemple, une émission a explosé en rattrapage sur l’Extra de Tou.TV. C’est bête comme ça.

Par contre, cette nouvelle mesure de Numeris permettra à Radio-Canada, TVA, Bell Média ou Télé-Québec de connaître le véritable rayonnement des productions qu’ils mettent en ondes. À l’heure actuelle, c’est le bordel dans l’évaluation des clics ou des branchements. Personne n’emploie la même méthode pour estimer le trafic provenant de l’internet.

Cet ajout de Numeris dotera l’industrie audiovisuelle d’un outil commun et comparable d’une plateforme à l’autre. Une très bonne chose.

Maintenant, parlons de Netflix, Disney+, Amazon Prime ou Apple TV+, qui ne souscrivent pas à Numeris, contrairement aux grandes chaînes québécoises. Ces entreprises américaines dévoilent au compte-gouttes, et quand ça leur tente, le palmarès de leurs émissions qui cartonnent. Résultat : c’est à peu près impossible d’apposer une cote d’écoute « régulière » sur des émissions comme Yellowstone, Maid ou Ted Lasso.

Numeris quantifiera la pénétration de ces géants télévisuels au Québec, sans toutefois évaluer les émissions de manière individuelle. Pourquoi ? Parce qu’Amazon, Apple, Google et Netflix refusent de fournir à Numeris les codes électroniques qui permettent d’identifier le titre des téléséries.

Il faut le dire, les habitudes d’écoute de dizaines de millions de clients, c’est une petite mine d’or à exploiter.

Comment pensez-vous que Netflix fabrique son algorithme qui cible nos goûts avec autant d’acuité ? En décortiquant toutes les informations que nous leur refilons gratuitement.

Êtes-vous toujours à l’écoute ? Bien sûr, que me suggérez-vous de bon à dévorer en rafale ? Il y aurait ça, ça ou bien ça. Bingo, mon Netflix me connaît si bien.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.