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Le plafond de verre philanthropique

Il y a un mois, Yvon Charest, ex-président et chef de la direction d’Industrielle Alliance, signait une lettre d’opinion en ces pages et commençait ainsi son texte : « Le Québec a une performance enviable sur le plan économique et nous devons en être fiers. Mais qu’en est-il au chapitre de la générosité ? La réalité est que nous sommes en retard au niveau canadien même si nous sommes généreux quand nous sommes sollicités. »

Sa déclaration, bien que véridique, n’est pas et ne doit pas être une fatalité. Tout au contraire. Bien que beaucoup plus jeune que celle de nos voisins du Sud et du Canada anglais, la culture philanthropique au Québec se réveille et s’ancre dans les valeurs profondes d’un nombre de plus en plus important de Québécois.

Et c’est tant mieux. Tant mieux parce que la philanthropie est un pilier crucial, et souvent invisible, de notre société. Complémentaires aux fonds publics, les sommes philanthropiques permettent à la société de faire le pas de plus, nécessaire au soutien de notre filet social, nécessaire à l’innovation, nécessaire aux avancées les plus spectaculaires que notre société ait connues. Et parce que le monde dans lequel nous vivons évolue à un rythme fulgurant, parce que les défis socio-économiques sont de plus en plus grands et parce que l’avenir est rempli d’incertitudes, la philanthropie sera de plus en plus essentielle. Non pas pour se substituer aux fonds publics, mais pour favoriser et accélérer l’émergence de solutions à des réalités complexes.

La philanthropie est un réel acteur économique, et on lui doit ses lettres de noblesse.

Mais parler de philanthropie, c’est un peu plate, non ? On lui taille une place, par acquit de conscience, entre deux échanges plus sérieux. Parce que la philanthropie, c’est beau, mais ce n’est pas de la vraie business... Bien entendu, cet énoncé ne pourrait être plus erroné. Le secteur se professionnalise et grossit à vue d’œil, les organismes se multiplient, et les donateurs engagés comprennent de plus en plus la portée de leur générosité. Et c’est ce qui doit être mis de l’avant. L’impact. Toujours.

Effet de levier

À Sainte-Justine, la philanthropie est, depuis 115 ans, le moteur de l’innovation et de l’excellence qui se déploie quotidiennement par l’équipe d’experts auprès des enfants de partout en province. Et l’impact est là, il est humain. C’est votre enfant, votre voisine, le fils de votre collègue... C’est cet enfant si près alors que l’on pensait que ça n’arrivait qu’aux autres... S’il était né 15 ans plus tôt, le petit Jacob, rencontré à Sainte-Justine il y a quelques jours, n’aurait eu que 40 % de chances de survivre à la leucémie rare dont il est atteint... Mais la recherche a fait grimper ce pourcentage à 80 %. Et la recherche, elle est propulsée par la philanthropie. Les dons financent des plateformes de recherche, des recrutements stratégiques internationaux et locaux, ils sont investis dans des fonds de démarrage, qui permettent ensuite d’aller chercher de quatre à dix fois le montant initialement financé par les donateurs... Si on veut parler d’effet de levier, ici, il est phénoménal.

On doit parler de vision philanthropique, on doit parler de l’effet multiplicateur de la générosité des donateurs. Il y a quelques jours, un important plafond de verre s’est brisé. Un couple d’individus généreux a fait le plus grand don de l’histoire du Québec à un centre hospitalier : 40 millions de dollars, pour donner les moyens nécessaires aux équipes de recherche afin de trouver les réponses aux multiples questions encore sans réponse. Pour transformer le visage de notre société. Littéralement.

Pour paraphraser mon collègue, le Dr Alexander Weil, « on fait tous partie de la même bataille ». Il a raison. On est tous les maillons d’une même chaîne.

Et quand les rêves philanthropiques et scientifiques se rencontrent, on assiste à la multiplication des possibles.

Ce grand geste de générosité, posé par un couple non connu de la majorité, est un audacieux et important message à la communauté philanthropique et aux causes qu’elle soutient. Ce don doit inspirer d’autres dons transformationnels, fréquents chez nos voisins du Sud et canadiens.

M. Charest terminait son article, il y a un mois, en nous invitant à nous donner une résolution de type philanthropique pour 2023. J’ajoute ma voix à la sienne. Espérons que le don historique de Mme Blais et M. Lanteigne transcende les murs de Sainte-Justine et donne l’impulsion à une importante vague de générosité.

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