Ski alpin

L’improbable victoire

Contre toute attente, le Canada est reparti des Championnats du monde juniors avec une médaille d’or. Ce qui est d’autant plus impressionnant, c’est qu’elle a été acquise à l’épreuve parallèle par équipe. Une médaille d’or convoitée et âprement disputée.

Le Canada connaît de plus en plus de succès sur la scène internationale en ski alpin. Sur le circuit de la Coupe de monde, la saison 2022 a été extrêmement révélatrice pour l’équipe nationale.

Les skieurs canadiens ont envoyé un message clair au reste de la planète. Ils ne veulent plus jouer les figurants. Maintenant, chaque course est une occasion de monter sur le podium.

Il s’est passé à peu près la même chose chez les juniors. Aux Mondiaux disputés à Panorama, en Colombie-Britannique, l’équipe canadienne a réalisé plusieurs top 10 et beaucoup de bonnes performances, mais le grand coup d’éclat de l’unifolié aura été son triomphe à l’épreuve par équipe.

Cette épreuve est construite sous forme éliminatoire. Une nation en affronte une autre et la gagnante passe au tour suivant jusqu’à la finale.

Pour l’emporter, le Canada, qui était classé 10e, a dû vaincre l’Allemagne (7e), l’Italie (2e), les États-Unis (6e) et l’Autriche (1re) coup sur coup. Quatre pays extrêmement talentueux en ski alpin, surtout chez les juniors.

L’entraîneur-chef de Ski Québec Alpin, Francis Royal, qui était aussi l’entraîneur-chef des athlètes féminines de l’équipe nationale canadienne aux Mondiaux juniors, était aux premières loges de cette victoire inattendue.

« La belle surprise causée à l’évènement par équipe amène une saveur particulière à ces Mondiaux, c’est évident. On avait de grands objectifs dans certaines disciplines, où on avait de bonnes chances, mais c’était difficile d’arriver avec des attentes précises. »

« On espère toujours des médailles, c’est certain, mais je pense qu’on est là où on devrait être. »

— Francis Royal, entraîneur-chef de Ski Québec Alpin

Ce qui rend Royal fier, c’est aussi le fait que trois des quatre skieurs de l’évènement par équipe proviennent du Québec. Justine Lamontagne, du mont Sainte-Anne, Étienne Mazellier, de Stoneham, et Raphaël Lessard, de Bromont, ont tous connu une excellente journée de travail. Comme leur autre coéquipière, Cassidy Gray, qui a mené les troupes. Âgée de 21 ans, Gray a déjà pris part à neuf Coupes du monde.

En repensant à ce fait d’armes, Royal parle de « victoire symbolique ». La composition de l’équipe canadienne est particulière. En effet, il s’agit de la seule nation, ou presque, où les athlètes ne sont pas des athlètes à temps plein dans l’équipe nationale. Donc mis à part Cassidy Gray et Britt Richardson, qui ont participé aux Mondiaux, les autres athlètes venaient des équipes provinciales ou de clubs. Il est ici question d’Ariane Forget, de Justine Lamontagne, de Kiki Alexander et de Sarah Bennett.

« C’est ça qui donnait une saveur vraiment très intéressante », a jouté celui qui est avec l’équipe féminine de Ski Québec Alpin depuis 2011.

« On a toujours tendance à envier ce que font les Européens. Avec Équipe Québec, on a toujours voulu faire les choses à notre façon. Cette victoire est la démonstration que ça fonctionne. Notre créativité, la détermination de nos athlètes et notre unicité nous ont donné l’aplomb nécessaire pour aller gagner. Le message qu’on a envoyé est qu’on est capable d’être une nation aussi performante que celles d’Europe. »

L’avenir est radieux

Pour Francis Royal, la saison 2022 aura été, autant chez les juniors que sur le circuit de la Coupe du monde, la confirmation que le Canada était rendu parmi l’élite mondiale. Valérie Grenier, Laurence St-Germain, Marie-Michèle Gagnon et Ali Nullmeyer ont toutes connu une excellente année.

Ç’a aussi été le cas pour les plus jeunes et certaines cognent déjà à la porte de l’équipe nationale, comme la Québécoise Sarah Bennett, 20 ans, qui a pris part à trois Coupes du monde avec l’équipe nationale.

Selon Royal, pour assurer le succès de l’équipe canadienne à long terme, il faudra miser sur la patience et l’authenticité. « On a raison d’être optimistes. On n’ira pas en termes de quantité. Je pense qu’on est une nation qui va davantage miser sur la qualité. […] Il va falloir miser sur un peu plus de patience que d’autres nations et créer notre propre culture et notre propre philosophie. » Il croit que le travail est déjà bien entamé.

Il remarque aussi que les gens des autres nations s’intéressent aux skieuses et aux méthodes des programmes québécois et canadiens. Un autre signe que c’est sur la bonne voie.

« Ces jeunes ont envie d’être la prochaine génération des grands champions, mais ce n’est pas facile d’aller en équipe nationale. Le Canada est la nation où c’est le plus difficile d’y parvenir, et de loin. »

Il croit toutefois que la relève est mobilisée, assidue et douée, et que l’avenir du ski alpin est en bonnes mains avec la nouvelle brigade. Il l’a senti au courant des deux dernières années hors du commun et surtout lors des derniers Mondiaux.

« Il faut s’en souvenir. Il faut s’en servir comme tremplin et se dire que ce qu’on fait, ça fonctionne, et que la saveur unique qu’on y met a un très bon goût. »

Sarah Bennett et Justine Lamontagne

La grande éclosion

Ça fait maintenant quelques année que Sarah Bennett et Justine Lamontagne sont considérées comme étant parmi les plus beaux espoirs du ski canadien. C’est finalement cette saison qu’elles auront commencé à jouer dans la cour des grands.

La fiche de Bennett en 2022 est impressionnante. Quatre podiums, dont une victoire, en Coupe Nor-Am, une victoire sur le circuit FIS, trois top 8 aux Championnats du monde juniors, un titre de championne nationale en slalom géant, mais surtout, trois départs en Coupe du monde.

« C’était vraiment un choc pour moi de commencer les Coupes du monde cette année, surtout que je ne pensais pas en faire trois », a souligné l’athlète de 20 ans.

« C’était extraordinaire et je pense que je me suis surprise à constater que j’étais prête à skier à ce niveau. Ç’a été vraiment une agréable surprise qui confirme que je suis vraiment prête à continuer dans cette voie. »

La skieuse de Stoneham a brisé la glace en décembre, à Lake Louise, en Alberta, à l’épreuve de super-G. Elle a ensuite pris le départ au slalom géant de Kranjska Gora, en Slovénie, au début de janvier, avant de participer au géant de Kronplatz, en Italie, quelques jours plus tard.

Pour elle, c’est évidemment un rêve qui se réalisait. La sensation de pouvoir skier avec les meilleures au monde et de pouvoir s’entraîner près de son idole Petra Vlhová est encore un sentiment indescriptible.

Elle est heureusement parvenue à ne pas trop ressentir la pression qui venait avec le fait d’être aux côtés de ces skieuses. Elle pense que l’équipe canadienne l’a vraiment mise dans un contexte optimal pour éviter qu’elle se fasse trop impressionner et submerger par les émotions.

« C’est difficile à expliquer, mais on dirait que dans le moment, c’était juste normal que je sois là. Je pense que ç’a été la bonne manière de le gérer, parce que tout le monde savait que j’allais me rendre là à un certain moment et il fallait juste accepter le fait que c’était la nouvelle réalité, que c’était une autre étape de mon cheminement. »

Une travailleuse acharnée

Même si elle est l’une des skieuses les plus douées de sa génération, son entraîneur dans l’équipe provinciale, Francis Royal, insiste sur le fait qu’elle est aussi l’une des athlètes les plus travaillantes.

« Sarah est là où elle devrait être. […] Sarah, c’est au pique pis à la pelle, elle ne fait pas dans la dentelle et il ne faut pas avoir peur de le faire comme ça non plus. Laurence [St-Germain] était comme ça aussi il y a quelques années et c’est comme ça qu’elle continue de connaître du succès encore aujourd’hui. »

Bennett est consciente qu’elle devra continuer de s’appliquer à la tâche de manière quotidienne, surtout qu’elle sait désormais à quoi s’attendre. Une étape est franchie, mais la route vers les plus hauts sommets est encore longue.

« En voyant le niveau [des skieuses] dans des pistes si difficiles, c’est ça qui m’a vraiment impressionnée. Je regardais la course et je ne pouvais pas croire que les filles étaient capables de se lancer et de si bien skier dans des conditions si difficiles. »

En quête d’apprentissage

Seule Québécoise à avoir remporté une médaille d’or aux Championnats du monde juniors de ski alpin, Justine Lamontagne est toujours sur un nuage. Pour l’athlète de 19 ans, il s’agit du point d’exclamation d’une saison pendant laquelle elle a prouvé qu’elle avait sa place parmi les espoirs les plus prometteurs au pays.

Lamontagne est profondément passionnée par son sport. Ça tombe bien, parce qu’elle a énormément skié en 2022. Selon le site officiel de la Fédération internationale de ski (FIS), l’athlète de la région de Québec a pris part à plus de 40 courses depuis le début de la saison, qui a commencé à la fin de novembre.

Parmi toutes ses compétitions, c’est assurément la victoire de l’équipe canadienne à l’épreuve parallèle par équipe, de laquelle elle faisait partie, dont elle se souviendra le plus longtemps. Une journée qui avait commencé dans le doute et qui s’est terminée dans l’extase.

Skieuse polyvalente, tenace et résiliente, Lamontagne a soif d’apprendre pour mieux progresser. Lors de cette journée, elle a fait le plein d’expérience.

« On a beaucoup appris ! Compétitionner contre les meilleures au monde de notre catégorie d’âge, c’était vraiment une super expérience. Surtout avec l’équipe qu’on avait autour de nous. Je pense que de se rassembler, toutes les Canadiennes ensemble, et de se pousser pour être meilleures, s’encourager, ça a vraiment donné quelque chose de spécial », a-t-elle affirmé, à peine revenue au Québec.

« À la fin, je ne réalisais pas ce qui venait de se passer, c’était très gros ! » Et pourtant, elle était championne.

Prendre le temps de bien faire les choses

La tangente qu’a prise la saison 2022 a beaucoup plu à Lamontagne. La skieuse fait confiance au processus et prend à cœur chacune des étapes de son développement. À 19 ans, elle est dans une période charnière de sa carrière.

Au cours de la saison, elle a collectionné les top 10 et d’excellentes performances en Coupe Nor-Am, dans les courses FIS et même aux championnats canadiens.

La plus grande fierté de Lamontagne aura été d’avoir pu montrer ce qu’elle savait faire en Coupe Nor-Am, un circuit nord-américain qui regroupe les meilleurs skieurs au monde, et qui est l’étape juste avant d’accéder au circuit de la Coupe du monde. Que ce soit en slalom, en slalom géant, en super-G ou au combiné, la Québécoise a su maintenir un niveau assez élevé toute la saison et ses résultats en font foi.

« C’est notamment là que j’ai montré ce dont j’étais capable. »

L’athlète a confiance en ses capacités et même si elle obtient des résultats en deçà de ses attentes en Nor-Am, elle ne s’en fait guère trop. Au stade où elle en est dans son développement, une saison ne peut certainement pas être un long fleuve tranquille.

Ou encore une descente sans accrocs : « C’est sûr que parfois, il va y avoir de mauvaises journées. J’ai eu des courses un peu plus difficiles cette saison, où j’avais un peu plus de pression. Donc je pense que je dois construire là-dessus. C’est évident que, parfois, c’est dur sur le moment, mais d’analyser ma saison d’une manière plus globale et de considérer chaque course individuellement, c’est la clé pour progresser. »

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