ÉDUCATION

Plaidoyer pour la récréation

Planifier des récréations ou des pauses actives à intervalles réguliers. Prévoir des moments d’enseignement en utilisant le jeu extérieur. Ne pas utiliser le temps de récréation pour faire du rattrapage dans les travaux non faits ou comme temps de retenue.

Voici quelques-unes des recommandations faites aux directions d’écoles primaires du Québec par la Direction régionale de santé publique du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

Les auteures du fascicule « Pour réussir à l’école, mieux vaut ne pas manquer la récréation », Marylène Goudreault et Marie-Hélène Guimont, vont jusqu’à recommander l’ajout d’une politique sur la récréation dans la Loi sur l’instruction publique, de manière à préciser la durée et les lieux de la récréation, tout en expliquant les raisons pour lesquelles elle favorise la réussite des jeunes.

« Ce doit être un minimum de deux pauses de 15 minutes par jour, mais idéalement, ce devrait être trois ou quatre pauses par jour. Tant au primaire qu’au préscolaire. »

— Marylène Goudreault et Marie-Hélène Guimont

La Loi sur l’instruction publique prévoit en effet deux pauses par jour, mais sans autre précision. « Une résolution du conseil des commissaires de la CSDM adoptée en 2006 précise qu’il s’agit de deux pauses de 15 minutes, nous dit Marie-Hélène Guimont, mais les autres commissions scolaires font ce qu’elles veulent. Parfois, la pause d’après-midi consiste à boire de l’eau et à retourner en classe. Au préscolaire, il n’y a aucune mention des récréations. »

Selon les deux auteures, qui ont pris l’initiative de produire ce document, dévoilé la semaine dernière, la récréation permettrait aux jeunes d’être plus « attentifs » et « performants » en classe, mais aussi « d’augmenter leurs interactions sociales ». Leur objectif : faire en sorte que durant une journée de classe, les enfants aient 60 minutes d’activités physiques par jour – une recommandation de plusieurs organismes de santé publique.

Est-ce que plus d’interactions dans la cour d’école n’égalent pas plus de conflits que les jeunes ramènent en classe ?

« Il y a deux ans, on a fait une recherche dans les écoles pour voir s’il y a une corrélation entre le temps passé dans la cour d’école et les conflits à gérer en classe et les cas d’intimidation, nous dit Marie-Hélène Guimont, conseillère pédagogique en éducation physique et à la santé à la CSDM. Ce qu’on a conclu, c’est que oui, il y a plus de possibilités de conflits à l’extérieur de la classe, mais que lorsqu’il y a un encadrement adéquat durant ces pauses et une mobilisation de l’équipe-école, au contraire, ces moments sont positifs. »

Assis longtemps

« Les enfants passent de 50 à 70 % de leur temps en position assise, calcule Marylène Goudreault, conseillère en promotion de la santé à la Direction régionale de santé publique. On sait qu’après une période de cours, l’attention des jeunes diminue. »

« Ce qu’on dit, c’est que ça ne sert à rien de les garder trop longtemps en classe, que c’est contre-productif et que personne n’y gagne. Ça peut être une pause active en classe lorsque les enfants sont trop agités, mais il faut changer les mentalités. »

— Marylène Goudreault, conseillère en promotion de la santé à la Direction régionale de santé publique

Autre argument des auteures : ces pauses actives permettent aux jeunes de « consolider » les notions apprises dans leurs cours d’éducation physique.

« Dans les cours d’éducation physique, les enfants développent des habiletés motrices de base, rappelle Marie-Hélène Guimont. Plus un enfant se sent compétent, plus il aura envie de continuer à être physiquement actif. Les récréations ou les périodes passées au service de garde sont d’excellents moments pour revoir tous ces apprentissages vus en éducation physique. »

Comment faire pour mettre en place ces mesures ? Est-ce qu’il y a un coût pour leur mise en place ?

« C’est un coût en temps, dit Marie-Hélène Guimont. Il faut former et accompagner les intervenants des écoles et les parents afin qu’ils mettent en place des actions pour faire de la cour un environnement stimulant, sain et sécuritaire pour les élèves. Il faut changer la posture de l’adulte dans la cour d’école. »

« Pour réussir à l’école, mieux vaut ne pas manquer la récréation » s’ajoute au guide « Ma cour, un monde de plaisir », sorti en 2009, qui visait à repenser l’espace de la cour d’école, son aménagement, son organisation et son animation. Un document qui a permis de mettre en place une première série de mesures.

La cour : école de la vie

La cour permet aux enfants d’apprendre à coopérer, à partager le matériel, à attendre leur tour, etc. Cet apprentissage nécessaire est facilité par la présence des enseignants dans la cour. Les périodes de récréation sont également des moments qui permettent aux jeunes de socialiser, d’interagir entre eux, de mieux se connaître.

Favoriser les pauses à l’extérieur

Les récréations devraient se dérouler – le plus souvent possible – à l’extérieur, même lorsque le temps est peu clément et même si l’habillage des enfants prend du temps. C’est une façon d’être en contact avec la nature et de respirer l’air frais (marche dans le quartier, utilisation des parcs ou des infrastructures municipales, etc.). Mais des pauses à l’intérieur devraient aussi être planifiées.

Pas un temps de punition

Ne pas utiliser le temps de récréation pour les travaux non faits ou pour punir le mauvais comportement d’un élève. « Ça ne sert à rien de garder en classe un enfant turbulent qui a un trop-plein d’énergie, croit Marylène Goudreault. Tant qu’il n’est pas en mesure de bouger, de crier, de s’amuser, il ne sera jamais plus tranquille. »

Une heure d’activités physiques

« Plus du tiers des jeunes de 6 à 11 ans ne parviennent pas à remplir cet objectif de bouger 60 minutes par jour, nous dit Marylène Goudreault. On parle d’un 60 minutes cumulatif, c’est-à-dire que ça peut être 15 minutes par-ci, 10 minutes à l’extérieur, 5 minutes en classe. On ne parle pas d’une période continue. »

Former les intervenants

Pour que ces récréations soient bénéfiques et positives, les intervenants des écoles – enseignants, surveillants, etc. – doivent être formés pour mettre en place des actions qui font de la cour un environnement stimulant, favorable aux activités physiques et aux jeux libres.

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