Nutrition

Alimentation sans purée

Dès que bébé a environ 6 mois, on peut commencer la diversification alimentaire menée par l’enfant (DME), (baby-led weaning en anglais), pratique qui connaît un certain engouement depuis quelques années. La méthode consiste à n’offrir que des aliments en morceaux au bébé. Donc pas de purée. L’objectif : l’encourager à être autonome, à se nourrir à l’aide de ses doigts, à découvrir les aliments, à manger à son rythme et à sa faim, en famille. La méthode privilégie aussi une alimentation naturelle.

« De plus en plus de mamans se questionnent sur la nécessité de donner des céréales aux bébés parce que c’est en purée. Et elles considèrent que les céréales sont trop transformées, contiennent beaucoup d’additifs et ne sont pas assez naturelles », explique la nutritionniste pédiatrique Mélanie Magnan, fondatrice de Nutrimini, entreprise de nutrition prénatale et pédiatrique.

Coauteure du livre Petites mains, grande assiette, présidente et fondatrice de Nutri-Énergie, la nutritionniste Evelyne Bergevin fait le même constat. « Ces parents veulent pratiquer l’approche puriste de l’alimentation autonome, donc sans aucune purée au départ. D’autres vont pratiquer l’approche mixte, en donnant quelques cuillerées de céréales en purée », dit-elle.

Stéfanie a opté pour la DME avec son fils, qui a maintenant 2 ans. « Ça s’est bien déroulé, même si c’est stressant. L’enfant s’étouffe quand même souvent. J’ai fait une alimentation mixte autonome avec un peu de purée au début. Mais mon fils s’est rapidement désintéressé de la purée et a vite gagné en dextérité. À 7 mois, il ne mangeait plus de céréales en purée, mais des galettes à base de céréales. Par contre, ramasser après les repas, c’est l’enfer ! », raconte-t-elle.

Attention, carence en fer

Santé Canada recommande « la viande, les substituts de la viande et les céréales enrichies de fer en tant que premiers aliments complémentaires », à partir de 6 mois, soit lorsque les besoins en fer commencent à être très importants.

« La céréale est intéressante, il ne faut pas la voir comme le diable ! », lance la nutritionniste Mélanie Magnan. De son côté, Evelyne Bergevin considère que les céréales ne sont pas essentielles si on donne d’autres aliments riches en fer, comme de la viande, du poisson, des légumineuses ou des légumes verts.

Encore faut-il que les bébés en mangent assez. Car les enfants nourris avec la DME mangent en petite quantité. « Et les mamans ont souvent peur que l’enfant s’étouffe avec la viande, alors elles n’en donnent pas et commencent avec les fruits et les légumes », dit Evelyne Bergevin.

Comme le phénomène est encore nouveau, peu d’études existent sur les conséquences nutritives de la DME, originaire du Royaume-Uni. L’an dernier, une étude menée auprès de 51 poupons de 6 à 8 mois a été publiée sur le sujet dans le British Medical Journal. Résultat : les bébés nourris selon la DME avaient un apport plus élevé en gras et en gras saturé et un apport plus faible en fer, en zinc et en vitamine B12 que les bébés nourris de façon classique, à la cuillère. C’est la première étude qui compare les deux modes d’alimentation.

Peur d’être jugés

Même si des milliers de parents sont membres des multiples groupes Facebook sur la DME au Québec, la méthode reste encore taboue. Difficile de connaître le nombre exact d’adeptes.

« Les parents n’en parlent pas à leur professionnel de la santé de peur de se faire juger. Quand ils osent en parler à leur pédiatre, médecin de famille ou infirmière en CLSC, soit ces professionnels ne connaissent pas le sujet, soit ils sont mal renseignés et donnent des informations contradictoires », explique Evelyne Bergevin. Résultat : le parent ne sait plus où chercher l’information et se tourne alors vers les réseaux sociaux.

Une mère faisait récemment part de ses inquiétudes sur la page d’un groupe Facebook : « Mon fils va avoir 9 mois, j’ai commencé la DME entre 7 et 8 mois, mais il ne mange presque pas, le seul truc qui l’intéresse vraiment, c’est la tétée. J’aimerais quand même qu’il mange quelque chose. Je commence à avoir des doutes et à me dire qu’il mangerait plus avec une diversification classique. »

Si on veut se lancer dans cette méthode, mieux vaut consulter un ou une nutritionniste. « Même si la DME est une approche très intéressante, on ne peut pas la pratiquer n’importe comment », souligne Mélanie Magnan. Elle ne convient d’ailleurs pas à tous les enfants ni à tous les parents.

Dangereux de mêler la purée et les morceaux ?

« Il est strictement interdit de faire de la promotion du mixte ou du passage des purées à la DME », avise dans un commentaire une modératrice d’un groupe Facebook québécois de plus 13 000 membres adeptes de la DME, qui explique avoir supprimé certains commentaires. Le règlement du groupe est clairement énoncé : les méthodes dites « mixtes » ne sont pas encouragées dans ce groupe puisqu’elles réfèrent à des apprentissages contradictoires (apprendre à mâcher contre apprendre à avaler tout rond) et peuvent également s’avérer dangereuses. Un « déni de responsabilité » est aussi publié.

La méthode mixte est-elle dangereuse ? Entraîne-t-elle une confusion chez le bébé, donc un risque d’étouffement ? Sur ces questions, les nutritionnistes ne s’entendent pas. Pour l’instant, aucune étude ne prouve que le bébé peut s’étouffer s’il mange des purées et des solides au début de son alimentation.

Conseils de la nutritionniste en pédiatrie Mélanie Magnan

Orge, riz, avoine à 6 mois

Mieux vaut commencer par introduire les céréales de riz, d’avoine et d’orge, séparément, à partir de 6 mois. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et Santé Canada, entre autres, c’est à 6 mois que l’on devrait commencer à donner des aliments solides au bébé, même si on entend souvent que l’on peut commencer à partir de 4 mois. L’âge varie selon les bébés.

Conseils de la nutritionniste en pédiatrie Mélanie Magnan

Sans sucre ajouté

On évite les céréales qui contiennent du sucre ajouté, peu importe la forme : fruits, poudre de lait, yogourt, etc. « Mieux vaut les ajouter soi-même aux céréales », dit Mélanie Magnan. Idéalement, la liste d’ingrédients doit être la plus courte possible, avec des ingrédients non transformés.

Conseils de la nutritionniste en pédiatrie Mélanie Magnan

Riches en fer

Une portion de 1/3 de tasse de céréales sèches devrait combler 100 % des besoins en fer du bébé. En ce qui concerne les protéines, le bébé comble facilement ses besoins, mais les parents sont souvent inquiets à cet égard, constate Mélanie Magnan. Ce n’est donc pas un premier critère à envisager.

Conseils de la nutritionniste en pédiatrie Mélanie Magnan

Éviter le riz brun

Mieux vaut éviter les céréales de riz brun et privilégier le riz blanc. « À cause de l’arsenic que contient le riz brun qui serait lié au cancer et à des troubles cognitifs, la question est encore controversée. Et les bébés ont un système digestif et immunitaire plus sensible. Certains experts considèrent que les normes canadiennes ne sont pas assez sévères au niveau de l’arsenic, donc mieux vaut ne pas prendre de risque », estime la nutritionniste.

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