Plus de pouvoirs pour les villes, mais pas plus d’argent, dit Legault
Québec — François Legault s’engage à réformer la Loi sur l’expropriation et à donner le droit de préemption aux municipalités, mais refuse net de revoir la fiscalité des villes, qui veulent se sortir du carcan de la taxe foncière.
Devant des centaines d’élus municipaux réunis pour les assises de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), il s’est dit d’accord avec la densification, mais il a tout de même fait la promotion de son tunnel reliant Québec et Lévis devant une assemblée d’élus municipaux.
Pour l’instant, seule la Ville de Montréal possède le droit de préemption, qui lui permet d’« acheter en priorité sur tout autre acheteur certains immeubles ou terrains afin d’y réaliser des projets au bénéfice de la communauté ». De nombreuses autres villes exigeaient ce pouvoir. Il leur sera conféré d’ici juin, a dit M. Legault.
Quant à la Loi sur l’expropriation, il faudra attendre un projet de loi dans un possible deuxième mandat. À suivre après les élections générales à l’automne.
Le premier ministre fait toutefois la sourde oreille à une troisième demande historique des municipalités, dont les revenus tiennent essentiellement à une chose, l’impôt foncier. Et plus une ville aménage de nouveaux quartiers, plus ses revenus sont importants. De nombreux élus font un lien direct entre ce mode de taxation et l’étalement urbain.
François Legault a également abordé le débat entre la densification et l’étalement urbain. Son ministre des Transports, François Bonnardel, avait été critiqué pour avoir affirmé que la densification était une « mode ». Pourtant, comme l’a écrit La Presse jeudi, dans son livre Cap sur un Québec gagnant, paru en 2013, François Legault déplorait les inconvénients de l’étalement urbain.
M. Legault y a fait référence dans son discours. « C’est important, oui, de densifier nos villes, de limiter l’étalement urbain, et l’une des façons de faire, c’est de décontaminer les terrains qui sont dans nos villes. Pour moi, c’est une priorité », a-t-il dit.
Legault défend le troisième lien
Du même coup, il a toutefois défendu son projet de tunnel autoroutier entre Québec et Lévis. « On a le droit de développer une deuxième grande métropole au Québec. Une partie va se faire avec la densification à Québec, mais il va falloir mettre ces gens-là un peu partout », a-t-il dit.
Il a d’ailleurs réservé un bien-cuit au maire de Québec, Bruno Marchand, qui a accusé la veille son gouvernement de tenir un discours « populiste » et « fallacieux » sur l’étalement urbain. M. Legault a ainsi salué l’ancien maire de Québec Régis Labeaume, le « chroniqueur de La Presse ». « Dans le fond, c’était facile, travailler avec toi, Régis », a-t-il lancé.
Courage d’agir
« Il a le droit de faire des blagues, il a le droit d’animer la foule, en même temps, l’urgence nous impose d’agir. Si on n’agit pas, on ne pourra pas regarder nos enfants dans les yeux et leur dire : au moment où on savait, on n’a pas eu le courage d’agir », a rétorqué Bruno Marchand.
À son avis, il n’y a « pas un scientifique qui va être capable d’être d’accord » avec le plan de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour développer l’est de Lévis avec un tunnel autoroutier. Le président de l’UMQ, Daniel Côté, a également fait un vibrant plaidoyer pour des actions concrètes dans la lutte contre les changements climatiques. « Ce n’est pas un enjeu parmi tant d’autres. C’est la priorité qui doit guider nos décisions », a-t-il dit.
« C’est un défi de taille, mais on peut y arriver. Toutes les municipalités sont solidaires, sur cet enjeu d’importance. On y tient. C’est le défi numéro un de notre époque. »
– Daniel Côté, président de l’Union des municipalités du Québec, à propos des changements climatiques
L’opposition à la défense de Marchand
À l’Assemblée nationale, les partis de l’opposition, eux, se sont tous rangés derrière le maire de Québec.
« Je pense qu’il a dit tout haut ce que pas mal tout le monde pense tout bas et je pense que le populisme du gouvernement, il est dans plusieurs sujets », a lancé le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, qui a salué le « courage » de nombreux nouveaux maires qui dénoncent publiquement le gouvernement Legault.
« En politique québécoise, on dit toujours que les maires se collent au pouvoir, vont garder le silence pour tenter d’obtenir ce dont ils ont besoin pour leur ville. Mais, en ce moment, les déclarations et les orientations du gouvernement sont tellement fallacieuses et sont tellement à côté de la réalité qu’il y a des maires qui ont assez le sens des responsabilités pour rectifier les faits », a-t-il ajouté jeudi.
Le député de Québec solidaire Andrés Fontecilla a, quant à lui, rappelé « le rôle essentiel [en matière] d’opposition » que jouent les municipalités.
« On voit que les oppositions se multiplient au Québec [devant] cette arrogance du gouvernement Legault, qui croit avoir la science infuse », relève-t-il.
« D’habitude, les municipalités sont plutôt très diplomatiques par rapport au gouvernement ; là, elles haussent le ton, elles osent s’opposer publiquement à différents projets du gouvernement du Québec. Ça indique qu’il y a quelque chose. »
– Andrés Fontecilla, député de Québec solidaire
La cheffe libérale, Dominique Anglade, estime de son côté qu’une collision frontale se prépare entre les villes et le gouvernement de la CAQ sur le front de la crise des changements climatiques, de la main-d’œuvre et du logement.
« Ces trois éléments nous mènent définitivement à la croisée des chemins. Il y a des décisions importantes qui doivent être prises et qui ne sont pas prises par le gouvernement parce qu’on se met la tête dans le sable », a-t-elle affirmé.