Manger mieux pour vivre plus vieux

Plus de la moitié de la population québécoise ne parvient pas à manger au minimum cinq portions de fruits et de légumes par jour. Pourtant, c’est ce qui est recommandé depuis bon nombre d’années par Santé Canada. Une étude norvégienne récente pourrait peser dans la balance : elle montre qu’en changeant ses habitudes alimentaires, on peut gagner jusqu’à plus de 10 ans d’espérance de vie.

Un régime riche en fruits, légumes, noix, céréales complètes et légumineuses, et pauvre en viande rouge ou transformée. C’est ce qui semble être le régime « optimal » qui permettrait de vivre le plus longtemps, selon une étude publiée le 8 février 2022 dans PLOS Medicine.

Basée sur le Global Burden of Disease, un programme de recherche et de collecte des données à l’échelle mondiale sur les maladies et les risques de mortalité auquel collaborent plus de 3600 chercheurs, cette étude traduit les risques de mortalité en espérance de vie. De quoi donner une image à la fois plus positive et plus parlante de l’alimentation saine, selon Nancy Presse, professeure et directrice du Laboratoire sur l’alimentation des aînés et la nutrition gériatrique à l’Université de Sherbrooke. « Si vous adoptez tel comportement alimentaire, ça va ajouter cinq ans à votre espérance de vie. C’est une image forte pour la population », souligne-t-elle.

Apports quotidiens pour un régime « optimal »

225 g de céréales complètes

200 g de légumineuses

10 portions de fruits et légumes

200 g de poisson

50 g de viande blanche

200 ml de lait

Un demi-œuf

25 g d’huile

1 poignée de noix

0 g de viande rouge, viande transformée, boissons sucrées

— Source : PLOS Medicine

Et les résultats sont sans appel : « Le passage d’un régime occidental à un régime “optimal” permettrait de gagner plus d’une décennie pour les jeunes adultes. Pour les personnes plus âgées, le gain serait plus faible, mais non négligeable pour autant », affirme Lars Thore Fadnes, professeur au département de santé publique de l’Université de Bergen, en Norvège, et premier auteur de l’article. « C’est le même principe que celui du REER, illustre Nancy Presse. Si on commence à mettre 25 $ par semaine dans son REER à 20 ans, on aura plus de bénéfices à 75 ans que si l’on a commencé à 50 ans. »

Cette étude va dans le même sens que de nombreuses autres publiées ces 30 dernières années, d’après Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal.

« Ça correspond à ce qu’on répète depuis des années et à ce qui est recommandé. Si on exclut le tabac, ce sont les facteurs nutritionnels qui sont les pires facteurs pour la mortalité prématurée et l’invalidité. On mange trop et on mange mal. »

— Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal

L’étude va même jusqu’à calculer le gain pour chaque aliment que l’on retire de son assiette ou que l’on y ajoute , selon l’âge auquel on opère ces changements. Par exemple, le simple fait de supprimer la viande rouge peut faire gagner près de deux ans d’espérance de vie. D’après Nancy Presse, cependant, c’est un exercice périlleux de considérer les aliments indépendamment les uns des autres. « Il y a des vases communicants en alimentation. Les gens qui mangent moins de viande rouge, par exemple, vont manger plus de poisson. Alors ici, est-ce qu’on regarde l’effet néfaste des viandes rouges ou l’effet bénéfique des poissons ? C’est intrinsèquement lié », explique-t-elle.

Nombre d’années d’espérance de vie gagnées en adoptant un régime « optimal »

De 10,7 à 13 ans pour une personne de 20 ans habitant aux États-Unis

De 8 à 8,8 ans pour une personne de 60 ans

3,4 ans pour une personne de 80 ans

— Source : PLOS Medicine

Les chercheurs norvégiens ont mis à disposition un outil pour que chacun puisse estimer son régime alimentaire actuel et calculer ses propres bénéfices potentiels à en changer. « Cela pourrait permettre aux gens de faire des choix alimentaires plus judicieux et réalisables, avec plus de bénéfices pour la santé », affirme Lars Thore Fadnes. Il précise cependant que « cette étude est basée sur des estimations à l’échelle d’une population, il ne s’agit pas d’une prédiction à l’échelle individuelle ». Autrement dit, « ces chiffres ne doivent pas être pris au pied de la lettre, mais ça donne une idée de l’ampleur de l’impact d’une bonne alimentation ou d’une mauvaise alimentation », explique Martin Juneau.

Cette étude saura-t-elle convaincre les gens de changer leurs habitudes de vie ? Nancy Presse n’en est pas si certaine. « C’est bien d’envoyer un message sur le fait qu’il faut bien s’alimenter, mais ce qui convainc les gens, pour la perte de poids par exemple, c’est quand ils voient très rapidement un bénéfice, dans les semaines ou les mois qui suivent, dit-elle en soupirant. C’est un gros investissement pour quelqu’un de 20 ans de modifier son alimentation de manière importante pour tout le reste de sa vie pour gagner éventuellement 7 ou 10 ans d’espérance de vie à la fin. »

Martin Juneau salue néanmoins cette étude qui, selon lui, permet de mieux embrasser tous les effets potentiels de l’alimentation sur la santé. Il déplore en effet que, « souvent, les médecins regardent l’alimentation via la fenêtre très étroite du cholestérol ou du sucre dans le sang. Mais l’alimentation a des effets extraordinaires partout ailleurs : sur l’inflammation, sur la thrombogénicité du sang, sur la fonction endothéliale, sur les fonctions des neurones… », énumère-t-il.

Quelques chiffres au Québec

46,3 %

Partie de la population mangeant au moins 5 portions de fruits et légumes par jour (en 2014)

21,2 ans

Espérance de vie à 65 ans (en 2019)

Sources : Institut de la statistique du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux

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