CHRONIQUE

« Le jour où les Chinois… »

Si vous vous demandez pourquoi la finale des Championnats mondiaux de hockey junior sera disputée à Toronto plutôt qu’à Montréal, c’est à Luc Tardif qu’il faut adresser votre plainte.

« Les championnats mondiaux reviendront au Canada en 2017 et la finale aura lieu à Montréal. C’est une entente… »

Luc Tardif, originaire de Trois-Rivières, est maintenant citoyen français. Il est président fondateur de la Fédération française de hockey sur glace et trésorier de la Fédération internationale.

Au début des années 70, au temps des jeunes Guy Lafleur, Richard Leduc, Denis Herron et Alain Daigle, il était un attaquant talentueux avec les Ducs de Trois-Rivières et les Patriotes de l’UQTR. Après un match entre les étoiles universitaires du Québec et l’équipe nationale de la Tchécoslovaquie, un monsieur de Montmagny, qui dirigeait l’équipe de Bruxelles, l’a invité en Belgique.

« Je voulais voyager, l’Europe m’attirait et j’ai décidé d’y aller pour un an. Je suis retourné pour une deuxième année, j’ai rencontré ma femme… »

Tardif habite maintenant à Rouen, il a trois enfants et quatre petits-enfants… Sa fille Laure est venue au Québec pour un stage d’études en psychologie et elle a rencontré un garçon… de Trois-Rivières. Elle y habite toujours. Ainsi va la vie.

« Après deux années à Bruxelles, un ami m’a parlé de Chamonix, une belle ville dans les Alpes avec un bon club de hockey. Je voulais retourner à Trois-Rivières pour de bon, j’avais entrepris des démarches pour emmener ma femme, mais j’ai écrit un mot au club de Chamonix en pensant ne pas avoir de nouvelles. 

« Ils se cherchaient un joueur étranger – ils avaient droit à un par équipe – et j’ai remplacé Mario Rouillard, un ex-coéquipier des Patriotes, qui m’a recommandé. 

Luc Tardif a été le joueur-vedette de Chamonix de 1977 à 1984, menant l’équipe à quelques championnats de France tout en remportant le championnat des marqueurs à quelques occasions.

« C’est la plus belle période de ma carrière de hockeyeur. Après, les blessures ont commencé à me ralentir. 

« Mais j’ai toujours travaillé à l’extérieur de la patinoire. D’abord comme agent immobilier, aujourd’hui comme directeur commercial chez Quille Construction. C’est la plus grande compagnie de France dans le domaine de la construction. 

« C’est de ça que je suis le plus fier. Le hockey, c’était un plaisir dans un milieu que je connaissais bien. Dans le business de la construction, j’ai dû tout apprendre. J’ai travaillé fort. 

« Finalement, j’ai été un gars fidèle, marié 35 ans à la même femme, j’ai joué pour deux clubs de hockey en 14 ans de carrière et je travaille depuis 26 ans chez Quille Construction… »

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Mais, entre-temps, il y avait toujours le monde du hockey français. Tardif a commencé par bâtir le hockey mineur à Rouen, pour rendre service dans ses moments libres.

Le monde du hockey français, qui était soumis à la Fédération des sports de glace, en a fait son champion. « Dans ce cas, c’est de la politique. Il faut savoir jouer des coudes. »

Après de longs combats dans les coulisses de la bureaucratie française – où l’on préfère compliquer les choses plutôt que de les accomplir simplement –, la Fédération française de hockey sur glace est née en 2006.

« J’aimerais que les gens sachent que nous avions 15 000 joueurs licenciés en 2006 et qu’il y en a 20 000 en 2014. 

« Il y a deux Français dans la Ligue nationale et, plus important, les grands clubs de Suède, Finlande, Suisse et Allemagne viennent embaucher nos jeunes joueurs prometteurs. Avant, ils n’approchaient que nos joueurs établis, souvent en fin de carrière. »

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Luc Tardif est responsable du volet montréalais des Championnats mondiaux de hockey junior. Installée dans un hôtel du centre-ville, sa machine roulait bien.

Notre homme est un proche de René Fasel, le Suisse qui préside la Fédération internationale.

« Gary Bettman menace encore de boycotter les prochains Jeux olympiques d’hiver. Il avance que la Corée n’est pas un marché pour lui… Qu’en pensez-vous, M. Tardif ? »

« Il se trompe. Le jour où les Chinois vont se mettre au hockey, le marché sera extraordinaire. Depuis qu’il y a eu un Chinois dans la NBA, la popularité du basketball a explosé en Chine. 

« Et puis nous avons l’appui de l’Association des joueurs de la LNH. Les joueurs veulent représenter leur pays, ils veulent vivre des Jeux olympiques. 

« Il faut voir ces millionnaires fréquenter les autres athlètes… Ils vont manger à la même cafétéria que les autres, ils fraternisent, ils défilent… Les joueurs ne voudront pas laisser tomber les J.O. »

Il reste que les affrontements entre Gary Bettman et René Fasel sont des moments épiques, nous assure notre homme.

« Ils se font fâcher tour à tour… »

Luc Tardif doit retourner au travail. La fédération américaine demande des changements à son horaire. Il faut changer des heures d’entraînements…

Il remet son veston, mais il n’a pas l’air très content.

Ceux qui ont connu ce costaud à son départ pour Bruxelles, il y a une quarantaine d’années, racontent qu’il portait toujours des chemises de bûcheron de la Mauricie…

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