Code des professions

Plus de pouvoirs aux pharmaciens et aux professionnels de la santé

Sonia LeBel dépoussière le Code des professions : les professionnels de la santé comme les infirmières et les psychologues pourront désormais poser un diagnostic de santé mentale, et les pharmaciens auront plus de pouvoirs pour prescrire et prolonger les ordonnances.

Pouvoirs aux pharmaciens

La présidente du Conseil du trésor a déposé mardi le projet de loi 67 visant à modifier le Code des professions pour la modernisation du système professionnel et l’élargissement de certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux. Le décloisonnement vise notamment à accroître l’accès à la première ligne en santé et à répondre à la pénurie de personnel dans d’autres secteurs.

Le texte législatif vient donner aux pharmaciens les pouvoirs de la prescription de médicaments et de la prolongation d’ordonnances.

Renouvellements et « maladies de la vie courante »

Par exemple, les pharmaciens pourront autoriser le renouvellement d’une ordonnance. « Comme pour une personne qui souffre de diabète, d’hypertension, quand il a déjà un diagnostic d’une condition stable, le pharmacien pourra maintenant prescrire et n’aura plus besoin de passer par un médecin », a expliqué Mme LeBel. Ils pourront aussi prescrire des médicaments pour ce que la ministre appelle « les maladies de la vie courante » comme une conjonctivite ou une infection urinaire. La liste des maladies sera établie plus tard par règlement.

Le projet de loi vient aussi élargir les activités de dépistage en pharmacie. Si le pharmacien procède à un prélèvement de gorge, par exemple, il pourra ensuite prescrire le médicament, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. En 2020, le gouvernement Legault avait légiféré pour donner aux pharmaciens le pouvoir de prescrire certains médicaments en situation d’urgence. « On va encore un pas plus loin », a plaidé Mme LeBel.

Diagnostics en santé mentale

La réforme de Mme LeBel élargit aussi le bassin de professionnels du domaine de la santé pouvant poser un diagnostic en santé mentale. Dans le texte législatif, on prévoit modifier la Loi sur les infirmières et les infirmiers pour leur permettre de « diagnostiquer les troubles mentaux, à l’exception de la déficience intellectuelle ». En tout, ce sont cinq nouveaux professionnels qui pourront poser un tel diagnostic. Il s’agit des infirmières cliniciennes (en ce moment, seules les infirmières praticiennes spécialisées pouvaient le faire), des psychologues, des conseillers d’orientation, des sexologues et des orthophonistes.

« L’évaluation [des troubles mentaux], qu’ils ont déjà la compétence et l’expertise de faire, sera maintenant considérée comme un diagnostic aux fins d’assurance, aux fins de programmes d’aide, aux fins de programme d’accès de soins de santé », a énuméré la présidente du Conseil du trésor. « Une conseillère en orientation pourra diagnostiquer un jeune du secondaire, à titre d’exemple, qui a un trouble de l’anxiété, ce qui pourrait lui permettre d’accéder à des accommodements pour sa réussite scolaire sans devoir consulter un médecin », a illustré la ministre. Reste que ceux-ci n’auront toujours pas le pouvoir de prescrire une médication à la suite d’un diagnostic. C’est une première étape, a nuancé mardi Mme LeBel.

Professionnels formés à l’étranger

Le projet de loi vient aussi permettre aux 46 ordres professionnels d’accorder de nouveaux types de permis de pratique, ou permis restrictifs, afin « d’accroître le nombre de professionnels pouvant offrir des soins et services professionnels ». Cela vaut, par exemple, pour les travailleurs formés à l’étranger, avec une expérience antérieure, qui pourraient donc obtenir un permis de pratique pour un besoin particulier. Mme LeBel cite le cas d’ingénieurs formés à l’étranger qui disposent d’une spécialisation précise. Actuellement, ces personnes « doivent attendre d’avoir la pleine compétence pour avoir le plein permis », indique la ministre.

De la même façon, cela pourrait s’appliquer aux infirmières et aux infirmières à la retraite. Par ailleurs, le projet de loi prévoit également qu’en situation d’urgence, « le ministre chargé de l’application des lois professionnelles peut autoriser un ordre professionnel à délivrer des autorisations spéciales d’exercer des activités professionnelles réservées aux membres d’un ordre ». Cela pourrait ressembler à ce que l’on a vu pendant la pandémie alors que des vétérinaires pouvaient vacciner la population. À cette époque, cela avait été rendu possible en vertu de l’état d’urgence sanitaire qui donnait à l’État des pouvoirs exceptionnels.

Un chantier plus large

Le texte législatif déposé mardi est le premier jalon d’un chantier plus large lancé il y a un an. Sonia LeBel a consulté les 46 ordres professionnels pour établir des pistes de solution afin de les rendre plus flexibles. L’objectif est aussi de s’ajuster aux réalités d’aujourd’hui alors que le système professionnel n’a pas été revu en profondeur depuis 50 ans. Mme LeBel a assuré mardi que d’autres projets de loi en ce sens sont à venir d’ici la fin du mandat. Le projet de loi 67 sera étudié à l’automne.

Ce qu’ils ont dit

« Avec cette réforme majeure, le Québec deviendra l’une des juridictions les plus avancées au monde en matière de pratique de la pharmacie. Non seulement l’accès aux soins sera amélioré, mais on vient également lever certains freins administratifs […] et alléger le fardeau des patients qui cherchent à cogner à la bonne porte. »

— Jean-François Desgagné, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec

« Plus que jamais, nous nous devons de répondre en temps opportun aux demandes croissantes en santé mentale. Ce projet de loi permet de fournir une offre de services bonifiée à la population et d’améliorer concrètement l’accès aux soins et services. »

— Le DMauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec

« Il est temps de mettre fin à la confusion ! Plus de 5600 psychologues font déjà du diagnostic au Québec et peuvent faire partie de la solution pour que l’offre de services en santé mentale soit plus accessible pour la population. »

— Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

« La prise de parole que nous prenons aujourd’hui, avec mes consœurs et confrères des ordres professionnels, témoigne certainement d’une belle amélioration en matière de protection du public. Les infirmières et infirmiers habilités contribueront ainsi à améliorer concrètement l’accès à ces soins si nécessaires. »

— Luc Mathieu, président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

« L’octroi de responsabilités supplémentaires devra être officiellement reconnu sur le plan de l’évaluation des emplois. Et pour que cette réforme soit un succès […], elle devra être accompagnée d’une amélioration des conditions de pratique et des conditions de travail, ainsi que d’une planification adéquate de la main-d’œuvre. »

— Robert Comeau, président de l’APTS

« La FQM est heureuse de constater que la ministre souhaite accorder plus de souplesse dans les actes que certains professionnels de la santé pourront poser, mais cela n’ajoutera pas de personnel en région, ne mettra pas fin aux bris de services, ni aux transferts de patients vers les grands centres pour l’obtention de soins. »

— Jacques Demers, président de la Fédération québécoise des municipalités

Santé Québec : Les fonctionnaires obtiennent un sursis

Québec accorde un sursis aux syndiqués du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) qui seront visés par un transfert vers Santé Québec. Ceux-ci relèveront comme prévu de la nouvelle agence en septembre, mais « le processus administratif de la transition » sera plutôt complété « d’ici la fin de l’automne », a confirmé le MSSS dans un courriel sans préciser d’échéance. Cela veut dire qu’ils conserveront les mêmes conditions de travail pendant cette période. L’information a été soumise aux syndiqués lors d’une première rencontre avec la grande patronne de Santé Québec, Geneviève Biron, mardi matin.

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), qui demande un report des transferts, dit y voir une nouvelle « marge de manœuvre » pour harmoniser les conventions collectives de ses membres. Il faut comprendre que les fonctionnaires qui migreront vers la nouvelle agence deviendront des employés du réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). Or, selon le syndicat, les salaires sont de 7 à 14 % inférieurs dans le RSSS à ceux des professionnels de la fonction publique. Le MSSS estime que « plus de 800 employés » intégreront Santé Québec. Jusqu’à tout récemment, ce nombre tournait davantage autour de 700.

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