Chronique

Après les prix, les coûts et les consultants

Rien ne va plus pour Empire. À la veille de l’entrée en salle du très attendu nouvel épisode de Star Wars, la société mère du détaillant en alimentation Sobeys – qui exploite notamment les magasins IGA au Québec – est loin de contre-attaquer. L’entreprise a plutôt continué de décevoir les investisseurs en dévoilant des résultats en net recul, poursuivant ainsi la saga de l’« Empire contre-performe ».

Au dernier trimestre, un analyste financier avait assez justement résumé la situation trouble du géant néo-écossais de l’alimentation en constatant que chaque fois que Empire dévoile ses résultats financiers, son action recule d’au moins 2 $.

Hier, l’exaspération des investisseurs était telle devant la déconvenue financière du géant de l’alimentation que la chute de son action a été encore plus brutale. Elle a reculé de plus de 3 $, éliminant ainsi plus de 17 % de sa valeur en une seule séance boursière.

L’action d’Empire, qui s’était bien comportée durant l’année qui a suivi l’acquisition de Safeway en 2013, est tombée hier à son plus bas niveau des six dernières années.

Pour le deuxième trimestre, les magasins d’alimentation d’Empire ont cumulé des ventes totales de 5,9 milliards, en baisse de 2,1 % par rapport à l’an passé. Ses profits nets ajustés ont, pour leur part, régressé de 70 % par rapport au trimestre équivalent de l’exercice précédent.

Et ce sont encore et toujours les problèmes nés de l’intégration de la chaîne de plus de 200 magasins Safeway, acquise à la fin de 2013 dans l’Ouest canadien, qui continuent de miner les résultats du groupe.

Même si Sobeys avait payé très cher son implantation dans les provinces de l’Ouest en déboursant 5,8 milliards pour acquérir les 213 supermarchés Safeway, tous les analystes avaient salué à l’époque cette transaction puisqu’elle permettait à Sobeys d’élargir son empreinte à l’échelle nationale.

On connaît la suite : l’intégration ne s’est pas déroulée comme prévu et n’a pas produit les « synergies » escomptées. Pis, l’uniformisation des plateformes technologiques et l’intégration des activités de distribution ont été coûteuses et ont compliqué l’approvisionnement des magasins Safeway.

Et surtout, le contexte économique désastreux qui sévit et persiste en Alberta et en Saskatchewan a fait planter les ventes du détaillant à tel point qu’Empire a dû prendre une charge de 1,6 milliard, l’hiver dernier, pour refléter la dévaluation de son investissement dans Safeway.

Autant on disait à l’époque que Sobeys devait à tout prix afficher une présence significative dans l’Ouest canadien, autant on réclame aujourd’hui que le groupe y lance une enseigne à bas prix pour s’ajuster aux capacités réduites de payer des consommateurs.

Pourquoi tomber dans l’abîme

Sobeys s’est lancé dans une opération à grande échelle de réduction des prix dans ses magasins, et Marc Poulin, PDG d’Empire, a été congédié en juillet. Son successeur, François Vimard, a annoncé hier que l’entreprise allait se lancer maintenant dans un vaste programme de réduction de ses coûts de fonctionnement.

Après les prix, on abaisse donc les coûts et, aussi, on a annoncé hier l’embauche de la firme de conseil Boston Consulting Group pour faire l’analyse de la situation, poser des diagnostics et trouver des solutions, ce qui peut s’avérer un processus long et coûteux.

La première question que bien des gens se posent est comment se fait-il que deux chaînes de magasins qui avaient chacune du succès lorsqu’elles étaient exploitées séparément se transforment soudainement en un tout aussi peu performant ?

Pourquoi les dirigeants de Sobeys n’ont-ils pas tout simplement continué de gérer la chaîne Safeway comme elle fonctionnait avant l’acquisition pour profiter de la marge bénéficiaire quand même intéressante qu’elle arrivait à dégager ?

C’est une question pleine de bon sens, mais qui ne tient pas compte du principal facteur qui se retrouve au centre d’une transaction de cette envergure : le prix que Sobeys a dû payer.

Les seuls profits générés par l’exploitation de Safeway n’auraient pas permis de rentabiliser l’opération. Il fallait dégager des synergies, réaliser des économies d’échelle, rationaliser les coûts de distribution et uniformiser tout en les optimisant les plateformes technologies des deux entités.

C’est exactement ce qu’a été incapable de réaliser depuis 2013 la direction d’Empire et ce qui la force aujourd’hui à recourir à des consultants externes qui, espère-t-elle, vont arriver avec des solutions miracles. On souhaite à Empire qu’elle retrouve la force.

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