Projet de loi 83 et migrants à statut précaire

Les femmes enceintes oubliées

Enfin, tous les enfants vivant au Québec, même ceux dont les parents sont des migrants à statut précaire, auront accès à des soins et des médicaments couverts par notre régime d’assurance maladie. C’est le projet de loi 83, adopté le 10 juin dernier, qui donnera à tous nos petits les moyens d’être traités également… mais le projet de loi 83 ne couvre que les enfants, comme s’ils n’étaient pas nés de quelqu’un, comme s’ils ne vivaient pas dans un certain contexte et dans une certaine famille.

En effet, le projet de loi 83 ne permet pas aux femmes enceintes à statut migratoire précaire (c’est-à-dire, au statut temporaire ou sans statut) d’avoir accès aux médicaments et suivi médical couverts par le régime d’assurance maladie du Québec. Sans ressource, ces femmes n’ont pas ou peu de suivi tout au long de leur grossesse. Dans son portrait montréalais Demandeurs d’asile, réfugiés et migrants à statut précaire1, la Direction régionale de la santé publique de Montréal souligne en 2019 que l’absence de soins prénataux adéquats serait associée à une plus forte probabilité de naissances prématurées et de faible poids pour les nouveau-nés.

Parfois, les femmes enceintes peuvent également se présenter à l’accouchement sans préparation, avec la crainte du jugement parce qu’elles n’ont pas eu de suivi de grossesse et portent tout le poids de leur statut précaire sur les épaules.

Enfin, leur situation de précarité conduirait aussi ces femmes à refuser certains traitements ou à mettre fin aux soins postnataux plus tôt que prévu, afin de réduire les frais de soins (souvent astronomiques).

Les neuf mois de la grossesse permettent à l’enfant à naître de bâtir sa santé physique et mentale pour le reste de sa vie. Des mesures simples implantées pendant la grossesse peuvent faire une énorme différence pour la mère et son enfant. Le suivi de la grossesse permettra ainsi l’amélioration de l’alimentation, la substitution d’un médicament nocif ou pouvant causer des malformations, le traitement d’un diabète ou d’une hypertension, le suivi échographique d’un fœtus souffrant d’un retard de croissance, la prévention d’une naissance prématurée et l’accompagnement dans la dignité de toutes les femmes.

La prévention est toujours la mesure la moins coûteuse, la plus efficace et efficiente pour une société. L’intégration des femmes enceintes aux dispositifs prévus par le projet de loi 83 représente un coût dérisoire comparativement aux nombreux bénéfices attendus.

Le ministre Dubé a octroyé un mandat à la Régie de l’assurance maladie du Québec et à un comité interministériel afin d’étudier la question de la couverture des soins de santé pour les femmes enceintes à statut migratoire précaire. Les conclusions de ce comité sont attendues d’ici juin 2022. Pendant encore un an, des femmes enceintes n’auront pas de suivi médical pendant leur grossesse et mettront au monde des enfants plus à risque de multiples complications pourtant évitables. Cette situation aura des coûts humains, sociaux et économiques considérables.

Nous demandons donc au ministre Dubé de compléter immédiatement le projet de loi 83 et de donner aux femmes enceintes à statut migratoire précaire l’accès au régime d’assurance maladie et médicaments du Québec pour leur santé et celle de leurs enfants.

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