Mon clin d’œil

« Je suis pour qu’on laisse le ministre Fitzgibbon aller à la chasse. »

— Carey Price qui n’est pas au courant de tout le dossier

Réplique

Le prix de la démocratie à Chambly : 1724,63 $

En réponse au texte de Maxime Bergeron et Lila Dussault, « Urbanisme : Des obstacles à la densification», publié le 16 juillet

L’article « Des obstacles à la densification » de La Presse du 16 juillet raconte comment, à Chambly, des citoyens d’une « zone contiguë » ont bloqué un projet de 206 logements, s’y opposant trois mois plus tard que les citoyens de la zone visée.

Rassurez-vous, cela ne s’est pas produit. Les 10 citoyens de la zone contiguë ont soumis leurs signatures le même jour, à la même heure et dans le même courriel que les deux citoyens de la zone concernée, le 24 mars à 21 h 42, non pas trois mois plus tard – c’est moi qui ai envoyé ce courriel. Pourquoi la Ville communique-t-elle une explication fausse ? Hypothèse : afin de rejeter sur les citoyens le blâme pour son cafouillage.

En réalité, la Ville a considéré en mars que 10 des 12 signataires ne comptaient pas, se basant sur une interprétation inédite de la loi, pour changer d’avis trois mois plus tard.

L’imbroglio débute avec un jugement surprenant de la Cour supérieure du Saguenay, qui avait amené l’Union des municipalités du Québec (UMQ) – organisme notoirement opposé aux référendums municipaux – à écrire sur son site internet : « un référendum ne peut être tenu que si la zone concernée en fait la demande », sans égard aux différents scénarios que la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme décrit dans son article 130.

Ce jugement (qui ne fait pas jurisprudence) va à l’encontre de l’interprétation de la loi utilisée jusque-là par toutes les villes, dont Chambly (et, récemment, Cowansville, pour un projet identique), et des jugements rendus sur le sujet, dont Dupuis c. Montréal en 2009, traitant justement, comme à Chambly, d’un « projet particulier de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble ».

Après (!) avoir rejeté la demande de référendum, la Ville obtient deux avis juridiques (jamais rendus publics), dont au moins un validerait son interprétation.

Mais un citoyen ne l’entend pas ainsi. Après avoir demandé en vain à la mairesse Alexandra Labbé de retarder l’adoption du règlement, il soumet un avis juridique taillant en pièces l’interprétation de la Ville.

C’est à ce moment, et dans ces circonstances, que le conseil annule ses autorisations. L’avis a coûté 1724,63 $, que la Ville n’a pas offert de rembourser. Quelques citoyens soucieux de la protection du lieu historique national du Canal-de-Chambly, mais aussi inquiets que la nouvelle interprétation les empêche de s’opposer à d’autres projets, comme le possible développement de l’ancien golf, ont spontanément fourni un peu plus de la moitié de la somme.

Par lettre recommandée, la Ville convoque les signataires : « […] certains d’entre vous ont manifesté des inconforts avec ledit projet et, pour cette raison, la Ville désire vous entendre. » La Ville avait pourtant approuvé le règlement sans s’émouvoir de ces « inconforts ».

La mairesse n’assiste pas à la rencontre, mais, informée des discussions, critique les citoyens qui « n’étaient même pas présents » à la consultation publique (tenue un mercredi après-midi), n’avaient « pas fait preuve de beaucoup d’ouverture » (« au détriment du bien commun ») et n’avaient demandé que des changements irréalisables. Imaginez habiter dans un cul-de-sac et apprendre que, bientôt, 206 logements apparaîtront entre votre maison et l’issue du cul-de-sac. Peut-être manifesteriez-vous aussi des « inconforts ».

La conclusion étonnante de cette histoire : le projet a été accepté intégralement par la plupart des citoyens (ceux critiqués pour leur manque d’ouverture) après que la Ville eut accepté toutes leurs demandes (« irréalisables »), avec un vote final le 6 décembre. L’UMQ, elle, avait retiré de son site la mention du jugement Saguenay une semaine avant la publication de l’article de La Presse.

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