Un parcours dans les télécommunications

Une gestionnaire internationale ancrée à Montréal

Informaticienne de formation, devenue gestionnaire et stratège aguerrie, Rima Qureshi a participé activement à faire d’Ericsson Canada un acteur important des télécommunications à Montréal. L’entreprise comptait 300 employés en 1993 quand elle y a commencé et plus de 2500 lorsqu’elle l’a quittée en 2017 pour devenir vice-présidente exécutive et cheffe de la stratégie, responsable des fusions et acquisitions, chez le géant américain Verizon.

Le parcours de Rima Qureshi l’a amenée à occuper des postes de haut niveau à l’international, mais celle qui a appris le français à l’école primaire de Saint-Laurent a toujours gardé un fort ancrage à Montréal, où elle vient régulièrement visiter ses filles dans Griffintown et son père qui vit toujours à Saint-Laurent.

« J’avais 8 ans quand on est arrivés à Montréal. Mon père a quitté le Pakistan à cause de la guerre. Je ne parlais pas français et on m’a inscrite à l’école primaire francophone ; c’est la meilleure façon d’apprendre, m’avait dit mon père », relate Rima Qureshi.

Ce qui a été également le cas pour son paternel, puisqu’il s’est inscrit au doctorat en génétique à l’Université de Montréal même s’il ne parlait pas français. Il a fait par la suite une carrière de chercheur à l’hôpital Sainte-Justine.

Après des études en informatique à McGill, Rima Qureshi entreprend d’y faire son MBA tout en travaillant au Groupe DMR, avant de se joindre à Ericsson comme analyste en 1993.

« J’ai terminé mon MBA et je suis devenue gestionnaire de projet. Il fallait intégrer la fonction texto au réseau de Cantel. Je suis devenue par la suite vice-présidente, Services aux clients, pour l’ensemble de l’Amérique du Nord. À titre d’équipementier, on avait toutes les grandes compagnies de téléphone.

« On avait des bureaux à New York, Dallas et San Diego. J’ai consolidé tous les travaux de recherche à Montréal, soit une équipe de 500 personnes », explique Rima Qureshi.

De Montréal à Stockholm

En 2004, Ericsson la rapatrie au siège social de l’entreprise à Stockholm, où elle se joint à l’équipe de leadership et devient vice-présidente, Services aux clients, pour l’ensemble du monde, fonction où elle doit livrer de la croissance.

« Je suis restée en Suède quatre ans, mais ma fille de 7 ans est tombée malade et je n’obtenais pas un bon diagnostic. J’ai demandé de revenir à Montréal, même si cela impliquait une rétrogradation, où ma fille a été suivie à Sainte-Justine pour une colite ulcéreuse chronique », précise Mme Qureshi.

En 2009, c’est l’arrivée de l’iPhone, et AT&T, désigné comme opérateur de lancement du nouveau téléphone, éprouve d’innombrables problèmes de réseau. On envoie Rima Qureshi à Dallas diriger l’équipe d’experts.

« Il fallait redimensionner les logiciels et le réseau pour pouvoir supporter les nouvelles fonctionnalités. Il fallait intégrer les courriels et les recherches sur l’internet, on n’avait jamais fait ça », raconte la spécialiste.

Elle revient chaque fin de semaine à Montréal et, en 2010, son ancien supérieur chez Ericsson en Suède, Hans Vestberg, devient PDG de l’entreprise.

« Je lui ai expliqué que ma fille allait mieux et qu’après avoir fermé la porte, je pouvais l’ouvrir à nouveau. Ericsson venait d’acquérir Nortel et on m’a nommée responsable de l’intégration de Nortel à Ericsson. Je suis revenue à Montréal et j’ai aussi regagné l’équipe de leadership mondial », évoque Rima Qureshi.

Ce seront trois années occupées où elle doit intégrer les équipes (3000 personnes, principalement des ingénieurs logiciels) des campus de Saint-Laurent, de Kanata, de Dallas et de la Chine. Il fallait livrer les nouveaux produits aux clients nord-américains : Bell, Telus, Sprint, Verizon, AT&T…

« On a payé l’acquisition en 13 mois, un record. Mais on savait qu’on arrivait au pic de cette technologie. Il a fallu réduire de moitié les effectifs, ç’a été dur », convient la stratège.

De Montréal à Dallas et New York

Après l’intégration de Nortel, Rima Qureshi est nommée responsable de la stratégie mondiale d’Ericsson, fonction qu’elle peut exercer de Montréal, mais qui l’oblige à être constamment entre deux vols.

« En 2014, j’ai été inscrite sur la liste de succession comme éventuelle prochaine PDG d’Ericsson, mais il fallait que je dirige une division qui génère des revenus. On m’a nommée PDG d’Ericsson pour l’Amérique du Nord, à Dallas. »

— Rima Qureshi, vice-présidente exécutive et cheffe de la stratégie de Verizon

« J’ai été PDG pour l’Amérique du Nord durant deux ans. Je revenais les week-ends à Montréal jusqu’à ce que je reçoive une offre de Vodafone et une autre de Verizon. Je rencontre à Stockholm mon ancien patron Hans Vestberg et je lui dis que je pensais accepter la proposition de Verizon. Il me fait un clin d’œil et me dit que l’on se reverra peut-être. »

En 2017, elle est nommée stratège en cheffe de Verizon et responsable des fusions et acquisitions. Établie à New York, elle accède au comité de leadership, où elle rejoint son ex-patron Hans Vestberg qui vient d’être nommé chef des technologies. Il deviendra PDG de Verizon en 2018 et président du conseil en 2019.

« Je suis responsable de la stratégie exécutive et des partenariats, notamment avec nos gros clients Google, Meta, Apple, Amazon, Disney, mais je suis aussi responsable des fusions et acquisitions. C’est moi qui ai réalisé cette année la vente de Verizon Media Group, une division qui n’allait nulle part », explique-t-elle.

Verizon avait fait l’acquisition d’AOL en 2015, au prix de 4,4 milliards US, et de Yahoo en 2017, au coût de 4,5 milliards US et a revendu le tout cette année à une banque d’investissement pour tout juste 5 milliards US.

« À un moment, il faut prendre des décisions, expose la stratège. On a fait l’acquisition l’an dernier de Tracfone et on a payé 53 milliards en 2020 pour réaliser la plus grosse acquisition de spectre aux États-Unis. »

Administratrice et mentore

Depuis 2011, Rima Qureshi est membre du conseil d’administration de Mastercard, où elle a été recrutée pour son expertise technologique.

« Ils voulaient quelqu’un de l’extérieur du monde financier. Parce que Mastercard, ce n’est pas une banque, c’est une entreprise de technologie, une interface entre une institution financière et des clients acheteurs et vendeurs », image la gestionnaire.

Depuis 2016, elle est également membre du comité-conseil international de l’Université McGill, son alma mater, où elle fait également du mentorat auprès des étudiants du MBA et du premier cycle.

« J’accompagne des start-up dans l’élaboration de leur plan d’affaires, je fais partie du jury de certaines compétitions de type Dans l’œil du dragon. Je fais des conférences dans les classes de premier cycle et du MBA. C’est important de partager son expérience en entreprise aux plus jeunes », explique Rima Qureshi.

On comprend donc que lorsqu’elle revient chaque mois à Montréal, entre les visites à ses filles et son père et son implication à McGill, la spécialiste des télécoms ne prend pas de vacances.

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