Biden ou Trump

Quels impacts au Canada et ailleurs ?

Quelles conséquences aurait pour le Canada l'élection de Joe Biden à la présidence ou le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, avec toute l'imprévisibilité qu'on lui connaît ? Et sur quels dossiers internationaux l'issue du scrutin risque-t-elle de peser davantage ? Tour d'horizon.

Que nous réserve Trump ou Biden ?

L’aiguille des sondages pointe depuis plusieurs mois vers une victoire de Joe Biden à la Maison-Blanche. Au Canada, on suivra de près ses oscillations jusqu’à la toute fin. Mais que voudrait dire une présidence Biden pour le Canada ? Et que peut-on prévoir si l’imprévisible Donald Trump est élu pour un second mandat ?

Économie et relations commerciales

Peu importe le vainqueur de la présidentielle, il est déjà évident que le protectionnisme à la sauce « Buy American » sera au menu. Joe Biden a « un plan pour s’assurer que l’avenir est “fait de partout en Amérique” par tous les travailleurs de l’Amérique » – un plan à 700 milliards de dollars pour revigorer le secteur manufacturier du pays. « On s’attend à des investissements massifs pour que l’approvisionnement de l’armée, des projets d’infrastructures américaines, par exemple, se concentre aux États-Unis. Cela pourrait donc créer plus de compétition pour les entreprises canadiennes qui veulent vendre aux États-Unis », explique Julie-Pier Nadeau, chercheuse à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Une autre planche du programme de l’ancien vice-président de Barack Obama pourrait avoir des répercussions au Canada : son engagement d’augmenter de 21 à 28 % le taux d’imposition des sociétés américaines – Donald Trump l’avait abaissé de 35 à 21 % dans sa réforme fiscale de 2017, ce qui avait mis de la pression sur le gouvernement Trudeau pour emboîter le pas. « D’une part, évidemment, cela rendrait notre taux d’imposition plus concurrentiel. Mais d’un autre côté, nous brassons tellement d’affaires avec les États-Unis ; la vigueur de leur économie a un énorme impact sur la nôtre. Ce qui ralentirait l’économie aux États-Unis aurait donc des conséquences sur les échanges », analyse le président de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty.

Dans la catégorie « affaires classées », il y a cette fois heureusement l’ALENA, renégocié au prix de nombreuses frayeurs et sueurs froides. Mais dans la catégorie « affaires pas tout à fait classées », si Donald Trump reste au 1600, avenue Pennsylvanie, on retrouve le dossier des tarifs sur l’acier et l’aluminium. Si l’administration a renoncé à frapper le Canada d’une surtaxe de 10 % sur l’aluminium en septembre dernier, elle a laissé planer la menace de revenir à la charge si les exportations canadiennes rebondissaient. Dans le camp Biden, on écarte la possibilité de pénaliser le Canada de cette manière – soit en invoquant une question de sécurité nationale.

Environnement et énergie

Le candidat Joe Biden veut dire rebonjour à (l’accord de) Paris, mettre le holà à la vague de déréglementation en matière d’environnement déclenchée par son rival républicain et orchestrer une « révolution d’énergie propre » qui passe notamment par l’annulation du permis autorisant l’oléoduc Keystone XL à traverser la frontière canado-américaine pour acheminer le pétrole albertain jusqu’au golfe du Mexique. D’ailleurs, il s’agit sans doute de la raison pour laquelle l’Alberta est la province canadienne où Joe Biden jouit de la cote de popularité la moins élevée (68 % en Alberta contre 84 % à l’échelle nationale), selon un coup de sonde réalisé en septembre dernier par la firme Léger. Bref, entre les deux adversaires, il y a un monde.

« Il n’y a pas de doute que l’arrivée de M. Biden, ça change immédiatement le discours. Il croit à la science, et dans son programme, il est clair qu’il voit un lien entre la reprise économique et la lutte contre les changements climatiques. »

— John Parisella, ancien délégué général du Québec à New York

Et si Donald Trump était réélu ? « La déréglementation qu’il a faite va sûrement se poursuivre. On l’a vu quand il est allé en Californie après les incendies de forêt, il parle beaucoup plus de la gestion des forêts que des changements climatiques », dit cet observateur aguerri de la politique américaine.

Un second mandat du magnat de l’immobilier s’inscrirait en effet dans la continuité en ce qui a trait aux enjeux environnementaux, opine Julie-Pier Nadeau : « On ne s’attend pas à beaucoup de changements. Il a déjà approuvé Keystone XL, les engagements dont il pouvait se retirer, c’est déjà fait. » Avec Joe Biden, qui veut réintégrer l’accord de Paris, le Canada gagnerait « un interlocuteur de plus à la table des négociations », indique la chercheuse. Elle précise en revanche que « même si, à première vue », en constatant qu’il est versé dans les sources d’énergie propre, on pourrait croire que cela « pourrait aider Hydro-Québec dans ses projets d’exportation », dans sa plateforme, il est écrit noir sur blanc « American-made electricity », alors « c’est difficile de le savoir ».

Immigration

Le resserrement des règles migratoires sous Donald Trump – ses valises à peine posées à la Maison-Blanche, il signait un décret qui a inspiré à Justin Trudeau un tweet considéré comme un élément déclencheur de la crise des demandeurs d’asile irréguliers – s’est en quelque sorte avéré payant pour le Canada. Car au fur et à mesure que les États-Unis perdaient de leur attrait aux yeux d’immigrants qualifiés ou d’étudiants internationaux, son voisin du Nord en gagnait.

« Dans plusieurs universités au Canada, on a constaté une hausse considérable du nombre d’étudiants étrangers extrêmement compétents. […] Pourquoi ? Parce que ceux qui auraient voulu fréquenter des universités de l’Ivy League aux États-Unis considèrent que le Canada est une destination de choix. »

— Perrin Beatty, président de la Chambre de commerce du Canada

« Ils ont aussi l’impression, ajoute-t-il, que lorsqu’ils arrivent ici, ils se sentent bienvenus, pas comme aux États-Unis. »

Mais sur le plan pratico-pratique, peu importe qui aura le dessus dans cette course à la présidence, la COVID-19 a gelé les demandes d’immigration, soulève l’avocat spécialisé en immigration Stéphane Handfield. « Le problème, actuellement, c’est que les frontières sont fermées. Les gens ne pourront pas tout simplement traverser la frontière, quel que soit le résultat de l’élection », rappelle-t-il. Il faudra voir si l’envie prendra à des citoyens canadiens établis aux États-Unis et déçus de l’issue du vote de songer à un retour vers le Nord – et si un mouvement ira jusqu’à contribuer à faire sauter le site d’Immigration Canada comme ce fut le cas le soir de l’élection de 2016, alors que Hillary Clinton s’est inclinée devant Donald Trump.

Craintes de débordements

La polarisation politique et sociale extrême, les émeutes qui ont éclaté dans les rues de plusieurs villes aux États-Unis, le « stand back and stand by » lancé par Donald Trump à l’intention d’un groupe suprémaciste blanc sur scène au premier débat, une ruée vers les armes dans certains États. Tous les ingrédients sont réunis pour des dérapages violents – voire une guerre civile, vont jusqu’à craindre les plus pessimistes – avant, pendant ou après le scrutin du 3 novembre.

« Je ne fais pas partie de ceux qui parlent de guerre civile. Je pense que c’est vraiment faire dans l’hyperbole et l’exagération, laisse tomber Rafaël Jacob, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Oui, il y a des risques de violence, mais quelle forme ça va prendre, quelle ampleur ça va prendre, je pense qu’en bonne partie, ça va dépendre du résultat. Pas nécessairement du gagnant, mais de la marge de la victoire. »

Philosophe, John Parisella puise dans ses souvenirs pour trouver une source d’espoir. « C’est clair qu’il y a plus de polarisation, de clivage, ces dernières années. Par contre, quand j’étais étudiant, je suis allé aux États-Unis dans les années 1960, dont l’année où Bobby Kennedy s’est fait assassiner [1968]. Et l’électorat était polarisé, il y avait des émeutes […] sur les droits civiques », raconte-t-il. Il y voit une démonstration que les tensions sociales « ne sont pas nouvelles ». Mais ultimement, les États-Unis, c’est une société qui tient beaucoup « à sa stabilité sociale, politique et économique », offre-t-il.

Analyse

Le Canada en quête de normalité

Ottawa — Durant les quatre années de règne de Donald Trump, les relations canado-américaines ont été reléguées au rang de l’indifférence. Le désintérêt du locataire de la Maison-Blanche, souvent teinté de mépris, a été la ligne de conduite de son administration, sauf quand il s’agissait de dénoncer les prétendues pratiques commerciales injustes du Canada ou encore les dépenses militaires insuffisantes.

Durant toute sa présidence, Donald Trump n’a foulé le sol canadien qu’une seule fois, lors du sommet du G7 en juin 2018, à Charlevoix. Il y est passé en coup de vent, le temps de participer à quelques rencontres bilatérales avec les autres leaders de ce groupe sélect, dont le premier ministre Justin Trudeau, hôte du sommet.

Il a quitté les lieux quelques heures seulement après son arrivée, préférant mettre le cap vers Singapour afin de participer à un sommet sur la paix avec le dictateur nord-coréen Kim Jong-un.

À bord d’Air Force One, il a injurié Justin Trudeau en le qualifiant de « malhonnête » et de « faible » sur son compte Twitter parce que le premier ministre avait déclaré aux journalistes que « les Canadiens sont polis et raisonnables mais [qu’ils] ne se laisseraient pas bousculer » durant les difficiles négociations visant à moderniser l’ALENA. La colère du président était telle qu’il a rejeté le communiqué final du G7 auquel il avait auparavant donné son approbation.

Autre signe de l’apathie de l’administration de Donald Trump envers le Canada, le poste d’ambassadeur des États-Unis à Ottawa – le plus important dans la capitale fédérale aux yeux du gouvernement canadien – a été vacant pendant plus de la moitié de son mandat. Kelly Craft, l’ambassadrice qu’il a nommée en juin 2017, six mois après son arrivée au pouvoir, a finalement débarqué à Ottawa le 23 octobre. Mais durant son séjour de moins de 18 mois qui a pris fin en juillet 2019, elle a passé 300 jours à l’extérieur du Canada, le plus souvent pour retourner chez elle à Lexington, au Kentucky.

Donald Trump a attendu jusqu’en février dernier avant de nommer un nouvel émissaire, jetant son dévolu sur Aldona Wos, une médecin à la retraite de la Caroline du Nord qui a servi notamment comme ambassadrice des États-Unis en Estonie de 2004 à 2006. Mais sa nomination n’a toujours pas été confirmée par le Sénat. Le chargé d’affaires de l’ambassade des États-Unis au Canada, Richard Merrill Mills, diplomate de carrière, représente donc les intérêts américains dans la capitale canadienne depuis l’été 2019.

Dans l’histoire des deux pays, un président aura rarement traité le Canada avec une telle indolence.

En privé, le premier ministre et ses ministres influents souhaitent que les électeurs américains mettent fin au tumulte qui a marqué les quatre années de pouvoir de Donald Trump à Washington. Si on appréhende un autre mandat du milliardaire républicain, on rappelle aussi qu’on a appris à composer avec son style imprévisible.

La stratégie du gouvernement Trudeau a été habilement exécutée. « Team Canada » – qui comprend les ministres fédéraux, les premiers ministres des provinces, les maires des grandes villes et les gens d’affaires – a multiplié les visites sur le sol américain afin de tisser des liens de confiance avec les gouverneurs des États-clés, les membres du Congrès, les maires des grandes villes américaines et les gens d’affaires. Cette formule continuera d’être appliquée, peu importe les résultats du 3 novembre, indique-t-on en coulisses.

« La profondeur des relations canado-américaines dépasse largement le caractère d’une administration », a souligné une source gouvernementale qui a requis l’anonymat afin de s’exprimer plus librement.

« On a vécu avec des administrations républicaines et des administrations démocrates. Et la force de nos liens, ce sont les 400 000 personnes qui traversent la frontière tous les jours en temps normal, ce sont les 2 milliards d’échanges commerciaux quotidiens, c’est aussi le fait que les deux tiers des États américains ont le Canada comme premier client. On est aussi le premier fournisseur en énergie des États-Unis et un voisin stable, prévisible et où la primauté du droit règne. On est des partenaires en sécurité aussi », a ajouté cette source.

« Il peut y avoir des différends, mais la fondation de la maison est solide et elle va le demeurer, peu importe l’administration. »

En 2001, George W. Bush avait fait entorse à une tradition diplomatique vieille de près de 60 ans en faisant du Mexique, et non du Canada, la première destination étrangère de sa présidence.

Le Canada avait encaissé le coup, mais n’avait pas hésité un instant à prêter main-forte aux Américains après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, appuyant vaillamment l’effort de guerre des États-Unis contre les talibans en Afghanistan durant plus d’une décennie.

Signe qu’il accordait une importance sincère aux relations entre le Canada et les États-Unis, l’ancien président démocrate Barack Obama a pris soin de restituer cette tradition en effectuant sa toute première visite officielle à l’étranger de son mandat au Canada, en février 2009.

la bromance

Les relations se sont corsées quelque peu entre les deux capitales par la suite, notamment après le refus de Barack Obama d’accorder un permis présidentiel pour la construction de l’oléoduc Keystone XL – un projet cher à l’ancien premier ministre Stephen Harper. Mais cette période de tensions a vite été oubliée après l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau en 2015. On a eu droit à une amitié fraternelle, bromance, entre lui et le président démocrate, et les deux hommes demeurent des amis à ce jour. En 2016, Barack Obama est revenu à Ottawa afin de prononcer un discours devant le Parlement, suivant ainsi les traces des présidents Bill Clinton (1995), Ronald Reagan (1986), John F. Kennedy (1961), Dwight D. Eisenhower (1953 et 1958) et Harry Truman (1947).

Quelle tournure prendraient les relations canado-américaines si Joe Biden accédait à la présidence ? Un début de réponse pourrait se trouver dans un discours que l’ancien vice-président de l’administration Obama a prononcé lors d’une visite officielle à Ottawa, en décembre 2016, environ un mois avant la prestation de serment de Donald Trump.

« Les Américains voient [le Canada] comme une famille – pas seulement des alliés, pas seulement des amis, pas seulement notre plus grand partenaire commercial, mais nos valeurs sont les mêmes », avait-il affirmé durant son discours. « Vive le Canada », avait-il aussi lancé en français à la fin de son allocution.

Joe Biden avait alors rappelé que la famille de sa première femme, morte avec leur bébé dans un accident de la route en 1972, venait de Toronto. Et il avait souligné au premier ministre Justin Trudeau que son père, Pierre Trudeau, avait pris le temps de l’appeler pour lui offrir ses condoléances à la suite de cet évènement tragique.

« Le partenariat entre le Canada et les États-Unis est l’un des plus robustes, complexes et importants du monde », avait aussi souligné le vice-président durant sa visite de deux jours à Ottawa au cours de laquelle il avait aussi rencontré les premiers ministres des provinces et les leaders autochtones, réunis pour l’occasion par M. Trudeau.

Des différends seraient sans doute inévitables entre les deux pays malgré tout. Une administration Biden aurait aussi des penchants protectionnistes – le candidat démocrate a entonné le refrain « Buy America » pour relancer l’économie américaine durant la campagne présidentielle. Joe Biden a aussi promis d’annuler le permis présidentiel autorisant la construction de l’oléoduc Keystone XL qui a été accordé par Donald Trump – une promesse qui fait craindre le pire à l’Alberta, déjà durement éprouvée par la chute des prix du pétrole depuis cinq ans et la crise économique provoquée par la COVID-19.

Mais on est convaincus à Ottawa qu’une nouvelle administration signifierait un certain retour à la normale dans les relations entre les deux pays. Et une fois la pandémie maîtrisée des deux côtés de la frontière, on se plaît à imaginer que l’ancien bras droit de Barack Obama choisirait d’effectuer sa toute première visite officielle à l’étranger sur le sol canadien s’il devenait président. Après tout, comme il l’affirmait il y a quatre ans, les Américains voient bien le Canada comme un membre de la famille.

Relations internationales

Deux approches aux antipodes

Donald Trump ne cache pas son admiration pour les dictateurs et son aversion pour les ententes internationales dans lesquelles les États-Unis ne sont pas avantagés. Joe Biden prône la diplomatie et le multilatéralisme. Aperçu des conséquences de l’élection de l’un ou l’autre sur la scène internationale.

Biden ou le retour de l'approche multilatérale

Alliés traditionnels

L’élection de Joe Biden signifierait probablement un retour des États-Unis à l’accord de Paris et dans l’Organisation mondiale de la santé. « Il va tenter de réparer les relations avec les alliés traditionnels européens », avance Theresa Ventura, professeure adjointe d’histoire à l’Université Concordia. Par contre, s’il suit les traces de Barack Obama, il pourrait aussi jouer un rôle en soutien à ses alliés, sans pour autant occuper le devant de la scène, « pour forcer ses partenaires à se responsabiliser plus », croit Anessa Kimball, professeure en sciences politiques à l’Université Laval. Elle prévoit un rapprochement avec le Canada, surtout pour l’énergie verte et la lutte contre les changements climatiques.

Chine

« Il doit prendre une posture qui est très délicate face à la Chine, sachant en avoir besoin dans certains dossiers, comme les changements climatiques, la démilitarisation avec la Corée du Nord, dit Anessa Kimball. Biden va essayer de créer un nouvel équilibre pour créer des ponts. » Elle s’attend à ce que les dossiers économiques et de sécurité – notamment sur l’expansion de la Chine – priment encore sur ceux, plus controversés, des droits de la personne. Biden risque d’embrasser le côté économique de la Chine, dans la succession des politiques de Bill Clinton et Barack Obama, croit Mark R. Brawley, professeur de sciences politiques à l’Université McGill. « Ce qui ne veut pas dire que ça a été un succès », nuance-t-il.

Moyen-Orient

« Si on regarde la plateforme démocrate, il n’y a rien sur l’occupation palestinienne, c’est très vague », explique Mme Ventura. Une administration Biden ne s’éloignerait probablement pas du soutien historique des États-Unis à l’État hébreu, même si le démocrate pourrait différer dans son approche. Mme Ventura note cependant une « forte pression de l’aile gauche américaine sur le Parti démocrate à considérer l’occupation comme occupation ». « Est-ce que ça va se traduire en changements ? Je ne sais pas », ajoute-t-elle. « Pour les deux candidats, [le conflit israélo-palestinien] va rester un problème », estime Mme Kimball. Elle croit qu’un président Biden pourrait tenter de reprendre l’accord sur le nucléaire avec Téhéran. « Mais il va rester à convaincre l’Iran », lance-t-elle.

Amérique latine et Caraïbes

Theresa Ventura espère que Joe Biden, s’il est élu, rétablira les relations avec Cuba. « Les sanctions sont vues comme une bonne chose pour la base électorale républicaine cubaine [exilée], mais elle est dommageable pour les gens à Cuba », souligne-t-elle. M. Brawley s’attend à des actions davantage à la source pour tenter d’enrayer les causes de l’émigration vers les États-Unis. « Du côté du Mexique, je m’attends à une plus grande coopération avec Biden », ajoute-t-il. Il faudra toutefois attendre de voir quel parti aura la majorité au Sénat pour comprendre à quel point le nouveau président – quel qu’il soit – aura la capacité d’agir, tant sur les plans national qu’international, précise-t-il.

Trump ou l'unilatéralisme belliqueux

Alliés traditionnels

Les Européens en particulier craignent une réélection de Donald Trump, estime Mark R. Brawley, professeur de sciences politiques à l’Université McGill. Le président américain s’est éloigné d’alliés traditionnels comme l’Allemagne et la France. Il a longuement critiqué le multilatéralisme, retirant les États-Unis de l’accord de Paris sur les changements climatiques et de l’Organisation mondiale de la santé. Il n’a jamais caché son mépris de l’OTAN et son désir de placer les États-Unis au centre des accords. Le Canada a aussi dû composer avec les tarifs douaniers imposés par son voisin et la renégociation de l’ALENA. On peut s’attendre à un second mandat dans la même veine.

Chine

Donald Trump a à maintes reprises critiqué Pékin dans sa gestion de la COVID-19. Il s’est aussi lancé dans une guerre commerciale avec la Chine, en lui imposant des taxes douanières. Un accord a permis une trêve : l’administration américaine s’est engagée à ne pas hausser les droits de douane et la Chine a promis une augmentation de ses achats américains. Si le candidat républicain est réélu et continue dans son désengagement dans les institutions internationales, Pékin pourrait avoir les coudées franches pour asseoir un peu plus son rôle sur l’échiquier mondial. « Entre les États-Unis et la Chine, c’est une compétition d’influence », note Theresa Ventura, professeure adjointe d’histoire à l’Université Concordia.

Moyen-Orient

Le Moyen-Orient est un terrain complexe. « Les États-Unis ont une alliance forte avec l’Arabie saoudite, qui s’est renforcée sous Trump », souligne Mme Ventura. Il a aussi adopté la ligne dure avec l’Iran, retirant son pays de l’accord sur le nucléaire et imposant des sanctions. Donald Trump s’est posé en grand défenseur d’Israël, déménageant l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, malgré la controverse. Son administration a aussi participé à la normalisation des relations avec des pays arabes. « C’est loin de l’idéal vendu par Trump, ça va rester un défi », souligne Anessa Kimball, professeure en sciences politiques à l’Université Laval. En janvier, Donald Trump a dévoilé son plan de paix pour le Moyen-Orient. On peut s’attendre à ce qu’il maintienne son appui à Benyamin Nétanyahou dans un second mandat.

Amérique latine et Caraïbes

Lors de sa dernière campagne électorale, Donald Trump avait promis de bâtir un mur le long de la frontière sud et de « faire payer le Mexique ». Sa construction s’est accentuée au cours des derniers mois, a noté le Washington Post. L’administration Trump a mis en place des mesures pour contrer l’afflux de migrants d’Amérique latine et des Caraïbes, et devrait poursuivre dans cette voie. « La vraie solution n’est pas de construire un mur géant, mais d’améliorer les conditions dans ces pays », dit Mark R. Brawley, qui voit dans la politique du président un autre exemple d’« abandon » de responsabilités sur le plan international. Donald Trump a aussi abrogé des assouplissements avec Cuba mis en place par son prédécesseur.

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