Après la vie Rites funéraires

Ce qui vous attend à votre mort

Des funérailles personnalisées, une célébration de la vie (et non de la mort) dans un lieu de votre choix, après que vous avez laissé vos souvenirs à vos proches sur une plateforme web, c’est ce qui vous attend à votre mort.

Alors que les Québécois délaissent les églises, les funérailles se transforment. « Les Québécois ont perdu leurs repères au moment où ils ont mis de côté la religion, constate Annie Saint-Pierre, directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec. On est heureux de voir qu’il y a un retour à l’importance d’honorer la fin de vie. Dans notre domaine, on dit désormais qu’on fait des funérailles pour célébrer avec ceux qui restent alors qu’autrefois, on disait qu’on enterrait la personne », observe-t-elle.

Désormais, de plus en plus de familles souhaitent une cérémonie qui rend hommage à la personne disparue. La personnalité du défunt peut s’exprimer à travers le choix de l’urne ou du cercueil, de la décoration, de la musique et du lieu. Car on peut désormais sortir du complexe funéraire.

La Coopérative funéraire du Grand Montréal a lancé l’an dernier « Funérailles Flex », un service qui propose la célébration de funérailles à l’endroit de votre choix. « Un lieu significatif pour le défunt, ça peut être un musée, une salle de spectacle, un terrain de golf, de tennis ou de soccer, des parcs et vergers pour les amoureux de la nature », explique Caroline Cloutier, directrice marketing de la Coopérative.

L’an dernier, Bridget Fetterly, présidente du salon funéraire Kane & Fetterly, a rendu hommage à sa mère, morte subitement, sur une patinoire. Lise Fetterly était une ex-championne de patinage artistique. « Tous les proches et amis se sont retrouvés sur la patinoire de l’Atrium du 1000 De La Gauchetière, il y a eu un petit numéro sur La vie en rose, raconte Bridget Fetterly. Le patinage artistique, c’était toute sa vie, j’ai donc patiné pour la dernière fois avec l’urne de ma mère que je tenais dans mes bras. Ce que j’ai trouvé singulier, c’est que tout le monde a eu du plaisir lors de cette célébration. Le lendemain, je me suis réveillée avec le sourire. » Bridget Fetterly testait en quelque sorte ses propres services puisqu’elle a lancé il y a un an la division alaVida qui prévoit une célébration de la vie avant ou après la mort. « Vous vous assurez ainsi de célébrer votre vie en laissant des souvenirs joyeux et inspirants », affirme-t-elle.

Les célébrations de son vivant existent déjà aux États-Unis, mais ne semblent pas encore avoir beaucoup d’adeptes ici. Disons qu’il faut une bonne dose de courage pour organiser ses propres funérailles et y assister, avant sa mort.

L’attraction de la nature

Julia Duchastel est vice-présidente d’Alfred Dallaire Memoria. Elle est l’arrière-petite-fille de M. Dallaire. Elle a créé le Jardin des Mémoires à Laval, un lieu de recueillement, dans la nature, où on célèbre la mémoire des êtres chers, car l’idée d’être dans la nature est très forte.

« On crée des cérémonies personnalisées, dans la nature (envolées de papillons), été comme hiver (autour d’un feu). La dispersion des cendres est un rituel funéraire écologique qui est déjà bien ancré, on les disperse au pied des racines, des fleurs et des arbres. Il y a aussi la possibilité de choisir une urne botanique qui deviendra un arbre à la mémoire du défunt », précise-t-elle.

Le retour de l’exposition

Julia Duchastel pense qu’on a encore besoin de se recueillir en présence du corps, en famille, avant la crémation. La directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec, Annie Saint-Pierre, note que la crémation n’est pas un rituel en soi, c’est un mode de disposition.

« Même si on opte pour la crémation, ce que 75 % des Québécois ont fait en 2016, on peut aussi faire une exposition du corps et d’ailleurs on y revient, car c’est la meilleure façon de faire le deuil. »

— Julia Duchastel

Annie Saint-Pierre a été étonnée de recevoir autant d’appels lors de la mort d’Aretha Franklin, car c’est le corps complet qui a été exposé, les jambes croisées, escarpins rouges aux pieds. « Les gens pensaient qu’il était interdit d’exposer le bas du corps, ce qui n’est absolument pas le cas. Autrefois, les membres du clergé étaient exposés des pieds à la tête, mais tout le monde peut le demander. »

De l’avis de tous, il faut parler et prévoir de son vivant ses funérailles, car c’est le prolongement de la personne que nous sommes. « Les gens qui font leurs préarrangements funéraires sont très spécifiques dans leurs demandes, ils pensent par exemple aux membres de la famille et proches qui pourront chanter ou jouer d’un instrument, ils pensent au choix du repas, aux photos et vidéos qui seront présentées », explique Julia Duchastel.

Reste que malgré toutes ces nouvelles possibilités, « les gens veulent que tout se passe en une ou deux journées dans un lieu unique, d’où les nombreux complexes funéraires qui réunissent, sous un même toit, le salon d’exposition, la salle de réception, la chapelle, et même parfois le cimetière et columbarium », constate Mélijade Rodrigue, directrice des communications et du marketing chez Athos Services Commémoratifs. Elle remarque que les familles sont de plus en plus dispersées aux quatre coins du monde et ne peuvent pas toujours assister à la cérémonie. « Il y a moyen d’y être virtuellement, car on capte en direct les funérailles avec nos caméras. » Un service qui est offert dans de nombreux salons funéraires.

Guy Laliberté lance Uma

Le cofondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, veut transformer la façon dont on se souvient des êtres chers. Lune Rouge, une entreprise qu’il a mise sur pied, lance aujourd’hui Uma, un service qui permet la transmission de ses mémoires à ses descendants. Via une plateforme web, il est désormais possible d’archiver ses souvenirs audio, vidéo et photo. Uma propose aussi des objets commémoratifs : des urnes et artefacts très avant-gardistes et personnalisés. Pouvant contenir des photos et des citations de la personne défunte, ils permettent aussi d’accéder aux souvenirs hébergés sur la plateforme.

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