Le panier d’épicerie

La viande de laboratoire à nos portes

La FDA aux États-Unis vient d’approuver le poulet cultivé en laboratoire. Une fois approuvé par l’USDA, ce qui ne saurait tarder, ce poulet sera commercialisé en Amérique. Au Canada, peu de groupes agroalimentaires prennent cette science au sérieux. Mais ils devraient.

Nous savions que cela arriverait tôt ou tard, mais voilà que ce moment est venu. La Food and Drug Administration (FDA) vient d’autoriser la vente de poulet cultivé aux États-Unis, un produit d’Upside Foods, une entreprise en démarrage établie à San Francisco. L’entreprise produit de la viande issue de cellules animales. Le produit n’est pas encore approuvé pour être vendu au détail. Le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) et son service de sécurité et d’inspection des aliments doivent également l'approuver. Mais tout le monde s’attend à une approbation dans les prochains mois. Cela signifie que le jour approche où nous verrons du poulet de laboratoire sur le marché.

Le processus de production n’est pas si complexe. Le prélèvement de cellules souches d’un poulet vivant ou d’un œuf fécondé constitue la première étape. Les cellules sont ensuite nourries dans un laboratoire, un peu comme on nourrit des animaux avec des acides aminés, des acides gras, des sucres, des oligo-éléments, des sels et des vitamines. La principale distinction entre l’alimentation d’un animal vivant et l’alimentation de cellules se retrouve dans la taille des composants alimentaires ; voilà tout. Alors que le poulet est nourri au maïs, les cellules sont nourries avec des glucides et des protéines microscopiques.

On place ensuite les produits dans un cultivateur pour reproduire un plus grand nombre de cellules. Au bout de trois semaines, le produit est prêt pour l’emballage, l’expédition, la vente et la consommation.

Sans abattre d’animaux, le produit peut être fabriqué pour répondre à différents goûts et besoins nutritionnels. Nous pouvons cultiver des ailes, des cuisses ou des poitrines, selon la demande du marché, et limiter le gaspillage.

Ceux qui condamnent ces produits comme de la fausse viande ne comprennent pas la science derrière la viande cultivée. Contrairement aux méthodes traditionnelles, les cellules sont simplement reproduites dans un environnement de laboratoire propre et hygiénique, ce qui présente des avantages importants.

Le coût de production d’un kilo de poulet dans un laboratoire n’est pas révélé. Chose certaine, produire un kilo de poulet coûtera moins cher en laboratoire qu’en production traditionnelle. Le cycle de production plus court et la diminution de la probabilité de maladies d’origine alimentaire causées par des agents pathogènes intestinaux représentent des avantages évidents. Les maladies animales comme la grippe aviaire, qui coûte actuellement une fortune à l’industrie avicole et aux consommateurs, peuvent également être évitées. Les risques deviennent beaucoup plus faciles à contenir avec une production plus aseptisée.

Des centaines d’entreprises développent en ce moment des aliments cultivés en laboratoire (poulet, bœuf, poissons et fruits de mer, café, etc.) aux États-Unis et plus d’une douzaine au Canada. La plupart de ces initiatives reçoivent leur financement d’investisseurs qui n’ont pratiquement aucune expérience de l’agriculture, et leur façon de penser ne subit pas les préjugés traditionnels ancrés dans l’agroalimentaire. Ils voient simplement la nourriture de façon différente et les géants du secteur ne peuvent faire autrement que de suivre.

L’histoire d’Upside Foods nous fournit un bon exemple. L’entreprise a démarré en 2015, avec le soutien financier de Bill Gates, Cargill, Tyson Foods et Richard Branson, entre autres. Whole Foods y a investi en 2020. Alors que Tyson et Cargill comptent parmi les plus grands transformateurs de viande au monde, Upside Foods vient d’acquérir Cultured Decadence, une entreprise de fruits de mer cultivés, pour 400 millions de dollars.

Si vous trouvez répugnant de manger de la viande cultivée, il y a de fortes chances que vous ayez plus de 45 ans. Dans un récent sondage mené par notre laboratoire, 27 % des Canadiens essaieraient des aliments cultivés en laboratoire. Mais ce pourcentage triple chez la génération Y et les milléniaux, simplement parce qu’ils considèrent ces protéines comme plus durables et moralement acceptables. On estime qu’un tiers de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine proviennent de la production alimentaire, et certains préconisent différentes façons de produire des protéines animales. De plus, l’ONU a averti le monde entier du risque de maintenir une alimentation animale hautement concentrée pour prévenir de futures pandémies. Ces risques demeurent réels. Nous en avons amplement discuté durant la COP27 la semaine dernière.

Voir du poulet cultivé vendu dans le commerce aux États-Unis ne saurait tarder. Au Canada, cependant, avec notre système de quotas, les producteurs avicoles auront sûrement leur mot à dire sur le sujet. Mais si la viande cultivée est commercialisée au Canada, contrairement au saumon génétiquement modifié, espérons qu’elle portera un étiquetage adéquat pour que les consommateurs sachent ce qu’ils achètent.

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