Élucidons le meurtre du felquiste Bachand

L’auteur s’adresse au ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti

Monsieur le ministre David Lametti, le nom de Michèle Bachand ne vous dira rien. Cette femme a été syndicaliste, féministe, et a passé toute sa vie à combattre les injustices. Elle a été active au sein de la CSN et de différents regroupements. Elle est décédée, il y a quelques jours. Elle était la sœur de François Mario Bachand, ce jeune membre du Front de libération du Québec (FLQ) assassiné à Paris le 29 mars 1971, vraisemblablement victime d’une lutte fratricide au sein du FLQ.

En 1997, avec une équipe de l’émission Enjeux de Radio-Canada, nous avions accompagné Michèle Bachand à Paris où, pour la première fois, elle avait pu avoir accès au rapport de la police française qui avait mené l’enquête sur la mort de son frère survenue à Saint-Ouen, en banlieue de Paris.

Plus récemment, le journaliste de La Presse, Jean-Christophe Laurence, a mis la main sur l’ensemble du rapport de police1. Comme nous, il comprenait qu’une des dernières personnes à avoir vu vivant François Mario Bachand avait été identifié par le locataire de l’appartement où logeait Bachand. Il pourrait s’agir d’un autre membre du FLQ, Normand Roy, écrit dans son rapport le commissaire divisionnaire Roger Poiblanc de la police française.

Normand Roy et son camarade felquiste Michel Lambert avaient été interviewés à l’été 1970 par Pierre Nadeau dans un camp d’entraînement palestinien, sous les noms de Selim et Salam. Les deux ont ensuite rejoint un autre membre du FLQ à Alger, Raymond Villeneuve, qui y avait ouvert une « délégation générale du FLQ à l’étranger », avec le consentement du gouvernement algérien.

Une lutte entre deux hommes

La raison de ce meurtre, écrit l’enquêteur de la police française, venait d’une lutte entre Raymond Villeneuve et François Mario Bachand. En effet, qui de Raymond Villeneuve ou de François Mario Bachand pouvait parler au nom du Front de libération du Québec à l’étranger ? Les deux revendiquaient ce titre de porte-parole.

Selon le rapport de la police, c’est à ce moment précis que le complot pour assassiner François Mario Bachand aurait été soigneusement préparé. Le 29 mars 1971, Bachand était abattu dans son logement parisien. Ce meurtre suivait la visite d’un couple de Québécois à l’appartement où il logeait. À partir des témoignages et d’une séance d’identification photos, le colocataire de Bachand, Pierre Barral, et sa conjointe Françoise Laville ont, selon le rapport de la police française, identifié Normand Roy, Selim, comme étant l’homme de ce couple qui a été le dernier à avoir vu vivant Bachand.

Dans son rapport, le commissaire divisionnaire Roger Poiblanc écrit : « Enfin, au sujet de ces deux hommes, il nous était précisé que la victime ne les connaissait pas personnellement, et leur signalement qui nous était fourni, paraissait pouvoir s’appliquer, du moins pour l’un d’eux, (Roy, Normand) à l’homme du couple suspect qui avait rendu visite à Bachand François, peu avant sa mort. » Comment se fait-il que depuis tant d’années, cet assassinat n’ait pas pu être élucidé ?

Il y a quelques années, j’ai promis à Michèle Bachand que je l’aiderais à faire la lumière sur le meurtre de son frère.

Un premier pas serait que les empreintes digitales retrouvées dans l’appartement où le meurtre a été commis, soient comparées à celles prises de Normand Roy et de Michel Lambert lors de leur retour d’exil au Québec dans les années 1970. Ils ont alors été emprisonnés pour leur participation à des attentats du FLQ. Leurs empreintes digitales figurent quelque part dans leurs dossiers. On peut donc les comparer avec celles retrouvées dans l’appartement par la police française.

Ce serait peut-être la seule façon de clore ce meurtre mené contre François Mario Bachand.

Au nom de sa sœur Michèle Bachand, aujourd’hui décédée, j’invite le ministre de la Justice du Canada et procureur général, David Lametti, à faire bouger les choses en ce sens. Elle aurait tant voulu connaître la vérité.

LISEZ l’article « Le rapport de la police française dévoilé » (La Presse)

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