Tout passe

Parce que tout passe

La vie, c’est le chaos, le mouvement, le changement, observe Nicole Bordeleau, qui a exploré la zénitude sous bien des angles dans les trois dernières décennies. Alors que la planète vit l’un de ses grands bouleversements, la maître de yoga a senti la nécessité de se replonger dans l’écriture pour se pencher, cette fois, sur l’impermanence des choses. Tout passe est une réflexion sur l’éternelle mouvance et une invitation à l’accueillir pour mieux savourer la vie.

Tout passe… La pandémie prendra fin, nos irritants aussi. Tout passe… Nos bonheurs, nos joies, nos vies. Comment ne pas plomber l’atmosphère avec ce constat qui, selon l’angle choisi, se révèle d’une lourdeur vertigineuse ?

Question de perspective, justement, selon Nicole Bordeleau, qui explique ainsi sa vision plus positive des choses : « Tout passe veut dire que tout se transforme, tout change. Ça peut saisir, si on pense à notre bonheur, mais ce n’est pas mauvais, estime-t-elle. Il y a tellement de bonheurs qu’on tient pour acquis et qu’on vit sans être vraiment présent… »

Nicole Bordeleau en a pris la pleine mesure il y a 30 ans quand elle a reçu un diagnostic d’hépatite C, un virus qu’on disait alors mortel et incurable. Son combat contre la maladie l’a entraînée dans la quête spirituelle qui teinte l’ensemble de sa « deuxième vie ».

On a peur de l’impermanence, de la fugacité du moment, parce qu’on ne vit pas en pleine attention, estime Nicole Bordeleau.

« Apprendre à vivre les bonheurs consciemment, pleinement, parce qu’ils sont de passage, c’est aussi ce qui est beau dans le fait que tout passe. »

— Nicole Bordeleau, yogi et auteure

Vivre pleinement, ce n’est pas d’appuyer sur l’accélérateur, précise-t-elle, mais au contraire de ralentir pour voir le paysage défiler.

Concentration et attention

Rivés à des écrans, nous passons une partie de nos vies en état d’hyperconcentration. Or, explique l’auteure dans son livre, la concentration fonctionne par exclusion. Quand nous sommes investis dans le monde virtuel, par exemple, le reste est perçu comme une distraction. Vivre ainsi de façon trop soutenue nous rend anxieux, réactif, impulsif, intolérant.

Pour contrebalancer le mode concentration, elle nous propose la pleine présence qui peut être atteinte par la méditation. Nicole Bordeleau préfère cependant parler de l’art de l’attention, concept « laïque » autour duquel gravitent moins de mythes.

« On se lave les mains plusieurs fois par jour. On a le choix de le faire en se concentrant sur ses soucis ou en pleine attention : c’est-à-dire en se reconnectant à son corps, à son souffle, à ses sens. Ce ne sont que 20 secondes, mais en le faisant 5 ou 6 fois durant la journée, ça fait une différence pour apaiser l’esprit et le système nerveux. »

— Nicole Bordeleau

Suivre la vague

Dans l’adversité surgissent parfois les plus belles éclaircies. La pandémie force une prise de conscience, notamment sur le fait que nous ne pouvons tout contrôler dans nos vies, que la liberté ne nous est pas acquise et que certains bonheurs non plus : serrer ceux qu’on aime dans nos bras, par exemple, ou aller où bon nous semble. L’époque est marquée par le changement et nous invite à prendre un virage qui se fait, et se fera, avec ou malgré nous.

« Je connais des gens qui ont fait le ménage de leur garage, et d’autres qui ont fait le ménage de leur vie et de leurs ressentiments. Individuellement, je pense qu’il faut trouver un sens à tout ça parce que sinon, ce qui se passe est insensé. On est sur une planche de surf, présentement. Et les grands surfeurs ne rendent jamais la vague responsable de leur chute. Nous avons à trouver un équilibre entre le deuil de certaines choses qui ne reviendront pas et s’ouvrir à autre chose. »

Nicole Bordeleau admet ne pas avoir le bonheur facile. Trente ans de maladie lui ont enlevé une légèreté qu’elle retrouve progressivement en vieillissant. « J’utilise le mot légèreté avec beaucoup de précaution. Je m’en approche avec timidité, avec l’humilité qui est de ne pas savoir. »

Vieillir, dit-elle joliment, c’est mettre une virgule à la fin de ses phrases plutôt qu’un point. C’est réaliser que la vie nous invite chaque jour à faire preuve de souplesse pour suivre le mouvement.

« Un esprit qui n’a pas peur de la transformation est un esprit libre. » C’est l’une des phrases à cogiter dans Tout passe qui, tout au fil de ses pages, nous convie à observer et à accepter le cours naturel des choses : une saison qui en remplace une autre, une tempête qui suit une journée de beau temps, une ride qui s’inscrit sur un front. Peut-être pourrons-nous dire, avec le recul, que 2020 a été tragique, mais qu’elle nous aura aussi permis de vivre nos vies plus consciemment.

Tout passe – Comment vivre les changements avec sérénité

Nicole Bordeleau

Édito

228 pages

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