Partage des pourboires

Des restaurateurs mettent de la pression

L’inflation, et particulièrement la hausse du prix des aliments, a fait monter la note au restaurant. Et plus la facture est salée, plus le pourboire sera intéressant pour le serveur, puisqu’il est calculé sur l’addition, ce qui creuse l’écart entre les salaires des serveurs et ceux des employés de cuisine du même restaurant. Selon l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), qui demande que l’on change la loi pour permettre le partage des pourboires, en situation de pénurie de main-d’œuvre, la situation est intenable.

« La pandémie nous a fait perdre de nombreux employés en cuisine », explique Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’ARQ. Avec le bal des fermetures et ouvertures, certains se sont tournés vers le milieu de la santé ou de la construction, explique-t-il. Résultat : le recrutement de chefs, de garde-manger ou de plongeurs est très difficile.

Selon la Loi sur les normes du travail du Québec, le pourboire appartient à l’employé qui le reçoit du client. Un restaurateur ne peut donc pas obliger ses employés en salle, principalement les serveurs, à partager les pourboires avec les employés de cuisine. Ce qui mène évidemment à une grande disproportion des revenus au sein d’un même restaurant. Selon les données de l’ARQ, à l’automne 2021, un cuisinier s’en tirait en moyenne avec un salaire de 19 $ l’heure, alors que son collègue serveur empochait plutôt 35 $.

Ce qui est toutefois possible, c’est que les employés décident entre eux de séparer les pourboires. Ils doivent alors s’entendre sur une convention sans droit de regard de leur employeur.

Plusieurs restaurants fonctionnent ainsi. L’ARQ n’a pas de données sur la part d’établissements québécois où les pourboires sont partagés, mais note ceci : les restaurants qui ont une convention de partage vont avoir plus de difficulté à recruter des serveurs, particulièrement dans le contexte actuel où le candidat potentiel n’a qu’à frapper à la porte voisine pour trouver un emploi, explique Martin Vézina.

L’Association des restaurateurs du Québec défend ce dossier depuis longtemps. À sa demande, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a créé un comité sur le partage des pourboires qui réunissait des représentants de la restauration, du Ministère et des milieux syndicaux. L’ARQ s’apprête à déposer son rapport au Ministère.

« Comme cela implique un changement de loi, c’est donc plus compliqué », dit Martin Vézina.

Révision de la fiscalité

Jean Bédard, grand patron du groupe Grandio, bien connu pour ses restaurants La Cage, appuie la révision de la Loi sur les normes du travail. Il s’est inscrit au Registre des lobbyistes du Québec cette semaine avec son collègue Pierre Moreau, PDG de Restos Plaisirs, qui fait désormais partie du groupe Grandio.

« Le déséquilibre entre le salaire effectif des travailleurs en cuisine et leurs collègues continue de s’accroître et il est de plus en plus difficile d’embaucher et de garder des employés en cuisine », peut-on lire dans l’inscription. « La crise de la COVID-19 au Québec a eu un effet dévastateur sur la main-d’œuvre en restauration », est-il aussi précisé.

En plus du partage des pourboires, les restaurateurs veulent une révision du calcul des crédits liés aux pourboires. Actuellement, l’employeur reçoit un remboursement de ses cotisations sur 75 % des pourboires déclarés ; les restaurateurs demandent que les remboursements soient calculés sur l’intégralité des pourboires reçus par leurs employés.

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