Société

Identifier les émotions par la musique

Une étude récente menée par des doctorants de l’UQAM mesure pour la première fois des états émotionnels grâce à la musique, au même titre que les mots. Une avancée qui pourrait aider les personnes qui ont de la difficulté à exprimer leurs émotions, dont les personnes autistes.

L’auteur principal de l’étude, Éric Hanigan, avoue avoir même été étonné d’apprendre qu’aucune « mesure des émotions » ne se servait de la musique à ce jour.

« On sait qu’il y a une connexion entre la musique et les émotions, et que ces connexions n’ont pas de barrières culturelles, plusieurs études l’ont démontré par le passé, nous dit-il. Le simple fait d’écouter de la musique va induire des émotions, parfois plus facilement qu’avec les mots. »

Pour mener à bien l’étude, l’équipe d’Éric Hanigan (qui comprend Arielle Bonneville-Roussy et Christophe Fortin) a réuni 280 participants qui ont validé leur état émotionnel en écoutant 32 extraits audio d’une quinzaine de secondes. Quatre émotions ont été traduites musicalement : la joie, la tristesse, la peur et la sérénité.

De la musique de laboratoire

Fait important à noter : ces extraits de musique instrumentale (interprétés au piano) ne provenaient pas de compositeurs connus – pour ne pas influencer les participants ou induire des émotions différentes d’une personne à l’autre – mais ont été créés dans un laboratoire de neuroscience (Laboratoire Isabelle Peretz) et font partie du domaine public.

« On a comparé les résultats de la mesure des émotions par la musique avec un autre questionnaire qui utilise des mots, explique Éric Hanigan. Par exemple, un individu qui a choisi les extraits de musique joyeuse pour décrire l’état dans lequel il se trouvait avait tendance à faire une sélection d’adjectifs positifs dans le second questionnaire. C’était notre façon de valider la corrélation entre la musique et les mots. »

Selon Éric Hanigan, ces résultats pourraient être utiles auprès des personnes qui ont de la difficulté à identifier leurs émotions.

« En leur présentant des extraits musicaux, on est en mesure de savoir comment ces personnes se sentent. Ça peut être une façon de les aider à mieux les exprimer. On pense entre autres aux personnes qui ont un trouble du spectre de l’autisme. »

— Éric Hanigan, auteur principal de l’étude

Bonifier le vocabulaire musical

Évidemment, le vocabulaire émotionnel exploré dans cette étude – véhiculé par la musique – est limité à quatre émotions de base. Est-il envisageable de complexifier ce vocabulaire ?

« Je pense que ce serait possible, répond Éric Hanigan. Pour cela, il faudrait créer d’autres extraits qui couvrent un spectre plus large d’émotions. Mais il fallait d’abord valider que ça fonctionnait avec quatre émotions de base. Et la réponse est oui. Donc ça ouvre un nouvel espace de recherche pour nous. »

La prochaine étape pour Éric Hanigan est de créer des « seuils cliniques » avec son questionnaire pour évaluer les différents états dépressifs. « Si une personne choisit beaucoup d’extraits musicaux qui sont tristes, est-ce qu’elle présente plus de risques d’avoir des symptômes de dépression ? C’est sur cette question que je travaille. »

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