Prudence à Pâques

À chacun de « gérer son risque », a affirmé le directeur national de santé publique par intérim, le DLuc Boileau, en conférence de presse mercredi. À l’approche du congé pascal, aucune nouvelle restriction n’est envisagée. De « petits gestes » sont toutefois encouragés pour diminuer au maximum la transmission du virus, tandis que la situation reste préoccupante dans le réseau de la santé.

« La pandémie n’est pas derrière nous »

La Santé publique appelle à la prudence alors que se profile le long congé pascal, mais elle n’imposera pas de nouvelles restrictions. À chacun de « gérer son risque ». Toutefois, la hausse des hospitalisations contraint Québec à procéder à un délestage dans le réseau de la santé.

« La pandémie n’est pas derrière nous, elle demeure active », a prévenu mercredi le directeur national de santé publique par intérim, le DLuc Boileau, rappelant que la situation dans le réseau de la santé « demeur[ait] fragile », alors que 12 600 travailleurs de la santé sont absents.

La situation reste préoccupante, dit-il. « On a 2000 lits qui sont occupés par des patients de COVID-19. On en avait un peu moins de 1600 il y a quelques jours. Même si ces cas-là ne sont pas tous des cas où les gens sont très malades […], il y en a quand même 45 % qui arrivent à l’hôpital parce qu’ils ont la COVID », a ajouté le DBoileau.

Une moyenne de 70 %

Ainsi, malgré un réseau « sous tension », les établissements de santé arrivent à maintenir un niveau d’activité en chirurgie de 70 % en moyenne, a ajouté le DBoileau. Il n’y a pas pour l’heure de « mot d’ordre général » pour délester les services de chirurgie, a affirmé Daniel Paré, sous-ministre associé à la Direction générale de la gestion exécutive et opérationnelle. Règle générale, les établissements s’en tirent avec un délestage de niveau 1 à 3. Aucun CIUSSS ou CISSS n’est près du niveau 4 – le plus élevé – que certains établissements ont atteint alors que le tsunami Omicron déferlait.

« Les établissements gèrent leur situation selon leur situation épidémiologique. Il y a quand même des directives notamment pour bien gérer le personnel. Les établissements apprennent à travailler avec le virus. C’est exactement ce qui se produit [actuellement]. »

— Daniel Paré, sous-ministre associé à la Direction générale de la gestion exécutive et opérationnelle

Les régions de l’est de la province, particulièrement frappées par le BA.2, semblent aussi sortir la tête de l’eau. « Il y a quelques signes encourageants dans l’Est-du-Québec », a-t-on précisé, évoquant un ralentissement de la progression de la sixième vague. « On est toujours en croissance pandémique », a nuancé le DBoileau, qui explique « avoir espoir » que la courbe se stabilise d’ici 8 à 12 jours.

Les 2060 personnes hospitalisées au 13 avril représentent une hausse de 34 % sur une semaine. Aux soins intensifs, les 83 patients représentent une augmentation de 26 % sur une semaine. Le nombre de personnes hospitalisées devrait continuer d’augmenter au cours des prochains jours, le nombre d’admissions continuant à dépasser celui des sorties. On recense en moyenne 74 patients de plus chaque jour.

Dans de nouvelles modélisations diffusées mercredi, l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) a de son côté prévu d’ici deux semaines une augmentation du nombre de nouvelles admissions à l’hôpital « à environ 278 par jour », avec un intervalle de confiance entre 243 et 317. L’organisme gouvernemental s’attend à « une augmentation des lits [ordinaires] occupés par des patients COVID » qui se situerait au-dessus du niveau 4 du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Cela correspond à environ 2339 lits occupés, avec un intervalle de confiance entre 2163 et 2529. Aux soins intensifs, on prévoit conserver une « relative stabilité » du nombre de lits COVID, qui devrait se maintenir à environ 50 % des lits du niveau 1 du MSSS, soit environ 92 lits, avec un intervalle entre 85 et 100.

La grippe s’ajoute

Les autorités ont cependant dans le rétroviseur l’arrivée d’une vague d’influenza au Québec, ce qui est inhabituel à ce moment-ci de l’année. « Ce n’est pas facile dans les salles d’urgence, on a des signaux clairs que la pression est là », a affirmé le directeur de santé publique.

« Avoir une influenza qui se rajoute sur le tas… On s’en serait passé, mais on va vivre avec. »

— Le DLuc Boileau, directeur national de santé publique par intérim

Malgré tout, la Santé publique garde le cap : il faut apprendre à vivre avec le virus. À la veille du long congé pascal, donc, le mot d’ordre n’est pas d’interdire ou de décourager les rassemblements familiaux.

« Les gens commencent à connaître [le virus], ils peuvent estimer leur risque. L’idée ici, c’est de gérer son propre risque. On ne veut pas normer ça en disant pas plus que tant de personnes [dans les rassemblements], et encore moins dire aux gens de ne pas se voir à Pâques. C’est une fête importante, des occasions de retrouvailles, mais [il faut] le faire prudemment », a-t-il expliqué.

Québec a d’ailleurs préparé une fiche informative pour « apprendre à vivre avec le virus » qui guide les gens dans leurs habitudes à adopter en cas de symptômes.

Nouveau vaccin au Québec

Québec a par ailleurs annoncé mercredi que des doses du vaccin Novavax sont désormais offertes au Québec. Actuellement, 7500 doses ont été reçues par le Québec et ont été distribuées dans les établissements à la fin de la semaine dernière. Au cours des prochaines semaines, 220 000 doses pourraient être livrées. « Ce vaccin peut être offert aux personnes de 18 ans et plus qui présentent une contre-indication aux vaccins à ARN messager, tels que [ceux] de Pfizer ou de Moderna. Il est également une option pour ceux et celles qui refusent ces derniers. Il est à noter que ce vaccin peut être offert comme première ou comme deuxième dose », écrit le MSSS.

— Fanny Lévesque, La Presse

État des lieux

Les autorités ont signalé mercredi 3515 nouveaux cas de COVID-19, ce qui porte la moyenne quotidienne à 3101. La tendance est ainsi en hausse de 4 % sur une semaine. Ces chiffres ne reflètent toutefois vraisemblablement qu’une partie des infections totales, en raison de l’accès limité aux tests de dépistage par PCR. D’ailleurs, la proportion des tests de dépistage par PCR se révélant positifs à la COVID-19 demeure très élevée, à 16,3 %. En plus des cas dépistés par tests PCR, 2380 personnes ont également rapporté ces derniers jours avoir obtenu un résultat positif à un test rapide. Les cas autodéclarés ont reculé de 14 % depuis une semaine. Des données du centre CIRANO révèlent que le nombre quotidien d’infections oscillerait entre 40 000 et 60 000. « Ça reste très élevé », admet le Dr Boileau. Au chapitre de la vaccination, près de 38 840 doses supplémentaires ont été administrées mardi. On a signalé mercredi 13 décès supplémentaires liés au virus, portant la moyenne à 20, une tendance en hausse de 37 % sur une semaine.

— Henri Ouellette-Vézina et Pierre-André Normandin, La Presse

Cinq « petits gestes » pour diminuer la transmission

Malgré la hausse des infections et des hospitalisations, aucune restriction ne sera imposée au Québec. Comme partout dans le monde, il faut maintenant « maîtriser son propre risque », affirme la Santé publique. Au quotidien, de « petits gestes » ont en effet prouvé leur efficacité pour diminuer au maximum la transmission du virus, pour en finir le plus rapidement possible avec la sixième vague.

1. S’isoler pendant 10 jours

Pour le directeur national de santé publique par intérim, le DLuc Boileau, la priorité est de « compléter son isolement » en cas de diagnostic positif. Il faut alors s’isoler pendant cinq jours à la maison, puis « maintenir une forme d’isolement pendant cinq jours de plus », soit en portant le masque lors d’interactions, et en n’allant pas au restaurant ou dans des salles de spectacle. Le Dr Luc Boileau recommande aussi, durant ces cinq jours, de s’abstenir de « visiter des amis » ou, « pire encore », d’aller visiter des personnes vulnérables, par exemple ses grands-parents dans un CHSLD ou une résidence privée.

2. Bien évaluer ses contacts

Maîtriser son risque, ça veut aussi dire être « prudent » autant que faire se peut. Ainsi, la Santé publique recommande « de ne pas être en contact avec des gens qui ont eu des symptômes depuis une dizaine de jours », ou encore qui font la maladie « depuis moins de dix jours ». Il ne faudrait pas non plus accepter d’être en contact avec quelqu’un qui commence à avoir des symptômes. « Bref, on ne reçoit pas ou n’est pas invités chez des gens qui ont un profil de risque », affirme le DBoileau. S’il appelle à une vigilance accrue en prévision du long week-end pascal, il n’entend pas imposer de limites aux rassemblements. « Les gens commencent à connaître [les risques], ils peuvent gérer leurs risques. »

3. Utiliser l’« arsenal »

En cas de doute, « il faut absolument avoir la capacité d’utiliser les tests rapides », rappelle la Dre Marie-Pascale Pomey, spécialiste en politiques publiques à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM). Elle appelle à « reprendre l’application des règles de base », dont le lavage fréquent des mains, le port du masque lors de grands rassemblements, la distanciation. « Bref, utilisons l’arsenal dont nous disposons. Pour le reste, il revient à chacun de juger. Ça serait intéressant, d’ailleurs, de développer un outil plus complet, pour permettre aux gens de faire une analyse de risque en fonction de leur santé, leur environnement, leur travail, mais aussi leur statut vaccinal. On est rendus là », ajoute-t-elle.

4. Profiter de la vaccination

Avec l’arrivée de la sixième vague, la campagne de vaccination québécoise connaît un regain depuis quelques jours. Et c’est tant mieux, juge le DBoileau, qui a rappelé mercredi qu’on devait tous « profiter » de la troisième dose. Celle-ci n’a pour l’instant été administrée qu’à 50,8 % des Québécois. « La dose de rappel reste très efficace pour prévenir les infections graves de la COVID-19, et ce, pendant au moins cinq mois », a souligné le directeur national. Malgré un engouement pour la quatrième dose, « il reste encore beaucoup de rendez-vous disponibles », a aussi signalé mercredi le directeur de la vaccination, Daniel Paré. Selon ses chiffres, pas moins de 17 000 résidants en CHSLD ont déjà reçu leur quatrième dose.

5. Éviter les évènements « super-propagateurs »

Selon le DAndré Veillette, chercheur à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), il importe aussi d’éviter les situations « à risque plus élevé », qu’on qualifie d’évènements « super-propagateurs ». « Ça veut dire par exemple être avec un grand groupe de gens, dont des non-vaccinés, à l’intérieur et dans un milieu pauvrement ventilé. Ça, c’est le risque le plus élevé, à mon sens », explique-t-il. L’expert recommande ainsi, pour diminuer les risques, de côtoyer de plus petits groupes, idéalement à l’extérieur, et de faire un test rapide au préalable « si possible ». « C’est le genre d’éthique que j’appliquerais pour Pâques, en fin de semaine, par exemple », conclut-il.

Comment utiliser le test rapide ?

En conférence de presse mercredi, le DLuc Boileau a rappelé l’importance de passer un test rapide en cas de symptômes.

Depuis bon nombre de jours, des experts recommandent de frotter l’écouvillon des tests rapides d’abord dans la bouche avant de le faire dans les narines, ce qui permettrait de diminuer le taux de faux négatifs.

Après avoir frotté l’écouvillon dans la gorge, la tige doit être insérée puis tournée à au moins un demi-pouce (1,25 cm) à l’intérieur d’une narine. La narine doit ensuite être compressée pour piéger la pointe de l’écouvillon. La procédure doit être répétée dans l’autre narine.

Lorsque les étapes précédentes sont faites, l’écouvillon doit être déposé dans un tube contenant le liquide d’extraction, durant le temps indiqué par le fabricant.

Il suffit alors de déposer trois gouttes du liquide sur la plaquette du test et d’attendre 15 minutes. Si deux lignes apparaissent, le test est positif. Si une seule ligne apparaît, le test est négatif.

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