Repêchage de la LNH

Le Roi a failli ne jamais devenir un Ranger…

Sans le flair de l’actuel responsable du recrutement amateur du Canadien en Europe, le Suédois Christer Rockström, les Rangers de New York n’auraient jamais repêché Henrik Lundqvist au septième tour en 2000.

Rockström, qui travaille pour le CH depuis 2010, travaillait pour les Rangers il y a 20 ans. Lundqvist, dont le règne de 15 ans avec les Rangers a pris fin cette semaine, n’était pas sur les écrans radars à son année de repêchage.

« Il avait 17 ans quand j’ai commencé à le suivre, raconte Rockström à La Presse au téléphone. J’allais même le voir lors de ses entraînements. Il ne savait pas que j’étais là. On voit parfois certaines choses intéressantes à l’entraînement. Il voulait arrêter toutes les rondelles. On pouvait déjà déceler un certain charisme, un désir de se surpasser. Ça ne veut évidemment pas dire que le gardien va connaître une telle carrière de 15 ans dans la Ligue nationale. »

Mais le recruteur en chef des Rangers ne voyait pas les choses de la même façon. Après six tours de ce repêchage présenté à Calgary, Rockström était furieux. Voilà plusieurs fois qu’il suggérait à son patron de l’époque, Martin Madden père (le paternel de Martin Madden fils, directeur du recrutement à Anaheim), le nom de Lundqvist. Chaque fois, il était rabroué.

Vingt gardiens avaient déjà été repêchés. Dont Rick DiPietro par les Islanders au premier rang. New York avait même repêché un autre gardien au cinquième tour, Brandon Snee, d’Union College.

Entre le sixième et le septième tour, l’adjoint au directeur général des Rangers, Don Maloney, remarque l’air colérique de son recruteur suédois.

À table, devant Rockström, Maloney remarque la liste des meilleurs gardiens européens. Henrik Lundqvist figure au premier rang. Son nom n’est toujours pas été raturé. Sept gardiens en provenance du Vieux Continent ont pourtant été repêchés.

« C’est le meilleur gardien junior en Europe ? lui demande Maloney.

— Ouais, répond Rockström, dépité.

— Pourquoi n’as-tu pas insisté davantage ?

— Parce que Martin ne l’aime pas. »

Maloney prend alors une rare décision de la sorte. Il passe outre la volonté de son recruteur en chef et sélectionne Lundqvist au 205e rang du septième tour.

« En tout respect pour Martin Madden, un bon recruteur, si Christer aimait un joueur à ce point, ça me suffisait », a raconté Maloney au New York Post il y a quelques années.

« Quand arrivent les derniers tours, le recruteur qui parle le plus fort voit souvent ses joueurs sélectionnés. Christer avait de tels états de service que je devais l’écouter. »

— Don Maloney, ancien adjoint au directeur général des Rangers de New York

Christer Rockström, un interlocuteur éminemment sympathique au téléphone, durcit le ton. Son humilité l’incite à prévenir le journaliste. « Je ne veux pas passer pour l’homme qui a “découvert” Lundqvist. Je voyais quelque chose en lui, mais je ne croyais pas qu’il deviendrait un si grand gardien. J’aimais sa rage de vaincre. Mais certains gardiens sont compétitifs et se retrouvent néanmoins dans l’ECHL. Il faut aussi de la chance… »

En 15 ans avec les Rangers, Lundqvist a participé aux séries éliminatoires 11 fois, remporté 11 rondes, atteint le carré d’as trois fois et la finale à une autre occasion.

Le Suédois mène les gardiens des Rangers au chapitre des victoires (459), des blanchissages (64), des victoires en séries éliminatoires (61) et il a un trophée Vézina à son actif. Il a remporté 158 victoires de plus que le second sur la liste, Mike Richter.

Pour la petite histoire, Brandon Snee, repêché au cinquième tour par les Rangers de New York, a disputé 13 matchs dans l’ECHL, avant d’être rétrogradé dans une obscure ligue de hockey mineur du sud des États-Unis.

Repêchage de la LNH

« Vous avez raison d’être excités »

Le défenseur Mattias Norlinder s’attire déjà plusieurs comparaisons élogieuses

Christer Rockström sera toujours reconnu pour son coup de génie de 1989. À titre de jeune recruteur pour les Red Wings de Detroit, il a chaudement recommandé à ses patrons de repêcher un certain… Nicklas Lidstrom.

C’était un an avant qu’il se joigne aux Rangers de New York et leur suggère Henrik Lundqvist.

Lidstrom était un secret bien gardé. À son année d’admissibilité au repêchage, il avait à peine droit à une ou deux présences par match à Vasteras. Les Red Wings ont pu le repêcher au troisième tour. « Nous ne savions pas qu’il deviendrait aussi bon, mais nous voyions quelque chose en lui », dit Rockström, 63 ans, l’un des premiers recruteurs à oser se rendre en territoire communiste.

Cette année-là, Detroit avait aussi repêché Sergei Fedorov au quatrième tour et Vladimir Konstantinov au septième tour.

Mattias Norlinder était lui aussi un défenseur méconnu à son année de repêchage, en 2019. Il avait joué à peine 14 matchs à Modo, en deuxième division suédoise.

Le DG du Canadien, Marc Bergevin, s’est même permis d’échanger son choix de deuxième tour, obtenu des Golden Knights de Vegas, avec Nick Suzuki et Tomas Tatar, contre des choix de troisième et de cinquième tour. Norlinder était toujours disponible au troisième tour. Le CH l’a repêché au 64rang.

Malgré ses 19 ans, Norlinder a obtenu 18 points en 34 matchs à Modo, l’hiver dernier. Il vient d’être promu en première division avec le puissant club de Frolunda, où il occupe déjà une place au sein de la première vague de supériorité numérique.

À Modo, où l’espoir du Canadien Mattias Norlinder jouait l’an dernier, on s’emballe lorsqu’il est question de ce jeune défenseur.

Un journaliste local, Per Hagglund, a même déjà osé affirmer au site theathletic.com que le jeune homme lui rappelait Lidstrom. C’est imposer beaucoup de pression à un jeune homme de 19 ans que de le comparer à l’un des plus grands défenseurs de l’histoire de la LNH…

« Ce ne sont pas des défenseurs semblables, précise le responsable du recrutement du Canadien en Europe à La Presse au bout du fil. Norlinder est plus offensif, il prend plus de risques. Il est probablement même un meilleur patineur que Lidstrom au même âge. Lidstrom était très calme, il pratiquait un style de jeu conservateur. Il ne faisait pas d’erreurs. Nicklas n’attaquait pas autant. Mais il a gagné sept trophées Norris en pratiquant un style de jeu conservateur. Son intelligence était unique. »

Selon plusieurs observateurs un peu moins émotif que Hagglund, Norlinder est tout de même le meilleur espoir défensif en provenance de Modo depuis Victor Hedman. Cette fois, Rockström acquiesce. « Mais il n’est pas Hedman, il est Norlinder. »

« Mattias est un défenseur complet. Son coup de patin demeure son plus grand atout. Il est bon défensivement, il lit bien le jeu, sait quand utiliser sa vitesse, quand appuyer l’attaque, il peut faire les gros jeux sous pression. Il possède un talent fou et il n’est pas une prima donna. »

— Christer Rockström, recruteur du Canadien en Europe

« Un vrai de vrai »

Mattias Norlinder est désormais le meilleur espoir du Canadien avec Nick Suzuki, Jesperi Kotkaniemi et Alexander Romanov, a confirmé Marc Bergevin au collègue Jean-François Chaumont cette semaine. Pas un mince compliment compte tenu de l’estime qu’on porte à Cole Caufield. A-t-on raison de s’emballer à ce point ?

« Oui, répond Rockström sans hésiter. C’est un vrai de vrai. Il possède de grandes habiletés individuelles et c’est un travailleur acharné. Frolunda est probablement le meilleur club sur le plan des entraînements parmi toutes les équipes outre-mer, peut-être même davantage que certains clubs de la Ligue nationale. Les vétérans adorent Norlinder. Ils me racontent que Norlinder retourne à l’aréna l’après-midi après les entraînements pour effectuer ses 250 tirs par jour. C’est une machine. C’est déjà un pro. Vous pouvez me citer. Vous avez raison d’être excités. »

Norlinder peut devenir un bon défenseur dans la LNH, selon Rockström. Un grand défenseur ? « Je le crois. Regardez-le. Il est incroyable. Je le vois jouer avec [Alexander] Romanov. Ils se compléteraient bien. Ils pourraient faire un bon duo pour au moins 10 ans chez le Canadien. L’un est un défenseur complet avec un gros tir qui peut réussir les grosses mises en échec, Norlinder est plus offensif. »

« On est tous bien excités par Romanov, je suis aussi excité par Norlinder. Ils ont le même âge. Ce sont des espoirs de premier plan. »

— Christer Rockström

Romanov, lui, a été repêché au deuxième tour en 2018 grâce au choix obtenu des Blackhawks (avec Phillip Danault) en retour des joueurs de location Tomas Fleischmann et Dale Weise.

Ce choix a constitué une surprise. Le nom de Romanov ne figurait même pas sur les listes de certaines équipes ! « Les médias ont pourtant attaqué Trevor [Timmins] pour ce choix à l’époque. »

Romanov a séduit la direction du Canadien lors de la séance d’essai de l’équipe en Europe, à la veille du repêchage, en 2018. « Nous tenons ces essais spéciaux chaque année à Stockholm, au complexe olympique. On y invite nos propres espoirs qui n’ont pas été invités aux essais de la LNH. Trevor, Pierre Allard, Marc Bergevin sont sur place. Nous employons le personnel du complexe olympique pour analyser les résultats physiques et psychologiques. Ils ont tous été impressionnés par Romanov lors des essais. Il voulait savoir quel était le record pour tous les tests. Il voulait même savoir s’il pouvait battre le record du 100 mètres ! Son profil psychologique était aussi impressionnant. »

Le jeune Russe du Canadien aura la chance de percer le top 6 de l’équipe dès la prochaine saison. Norlinder est encore sous contrat pour deux ans à Frolunda, mais il pourrait rejoindre le CH l’an prochain si la direction l’estime prêt. De bien bonnes nouvelles…

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