Quand son enfant veut abandonner

Stop ou encore ?

Vous venez d’inscrire votre petit dernier à un cours de natation et voilà qu’au bout de deux séances, il fait une crise. Fiston ne veut plus y participer. Faut-il insister ? S’obstiner, pousser ou renoncer ? Terminer ce qu’on a commencé, est-ce vraiment important ?

À cette question, Cynthia Bédard, une mère de famille de 35 ans des Laurentides, est formelle : il faut non seulement que ses enfants de 10 et 11 ans essaient, mais ils doivent persévérer.

« Nous insistons sur cette idée d’être présent physiquement dans l’activité, mais aussi d’impliquer sa motivation, raconte-t-elle. Il faut faire de son mieux et s’appliquer. Au-delà de la performance, nous encourageons l’effort et la persévérance. »

Valérie Lajoie croit aussi au bien-fondé des efforts et du dépassement de soi. Mais elle et son conjoint ont dû assouplir leur façon de penser lorsque leur fille de 9 ans a boudé les activités parascolaires qui lui étaient proposées.

« Anaève a essayé toutes sortes de sports, comme le patin, le ballet, la danse, la gymnastique, la course… Mais cela la rendait anxieuse. Elle n’était pas dans le plaisir, mais plutôt dans l’obligation », indique l’entrepreneure qui habite Richelieu.

Cela a suscité une autre réflexion chez elle : « Mes trois enfants sont différents… La même formule ne s’applique pas nécessairement. Et puis, ce n’est pas parce que l’un est sportif que l’autre le sera ! »

Sa cadette s’est d’ailleurs découvert une passion pour les chevaux et a commencé des cours d’équitation.

Chez les Desautels-Bélair, le fait d’avoir insisté auprès de l’aînée pour qu’elle poursuive la gymnastique au niveau compétitif a frôlé la catastrophe. « Je me suis demandé si on s’était acharnés, avoue Martin Bélair, père de quatre filles. Elle s’est refermée, elle a commencé à moins bien dormir, à se rebeller contre nous pour un oui ou pour un non… »

« On voulait qu’elle poursuive car elle avait du talent, mais elle, elle ne voulait plus rien savoir ! »

– Martin Bélair, père de quatre filles

Il s’avère que la préadolescente de 12 ans était lasse de faire une seule chose, de façon intensive.

Choisir selon la personnalité de l’enfant

Selon la Dre Sophie Leroux, psychologue au CHU Sainte-Justine, pour éviter les tensions familiales autour de la participation aux activités, il faut agir en amont. « Les activités devraient être choisies selon la personnalité de l’enfant, son tempérament, son niveau d’anxiété, son développement, ses habiletés, ses intérêts et, bien sûr, son niveau d’énergie », énumère-t-elle.

Le danger est que le parent choisisse une activité pour les mauvaises raisons, que ce soit la performance, la pression de l’entourage, la convenance ou la conformité… Et alors, il y a fort à parier que l’enfant se découragera, perdra de l’intérêt et abandonnera.

Le parent qui choisit de pousser son enfant sans écouter son inconfort pourrait lui envoyer le message qu’il ne le respecte pas dans ses besoins et envies ou que son malaise n’est pas fondé, et donc pas valide.

« Si on n’écoute pas les signaux de nos enfants, le danger est que l’enfant se détache du parent, qu’il perde confiance, qu’il ait une piètre estime de lui-même ou encore qu’il ait du mal à connaître et mettre ses limites. »

– Dre Sophie Leroux, psychologue au CHU Sainte-Justine

C’est pour cette raison que la fameuse théorie voulant qu’on doive toujours « terminer ce qu’on a commencé » ne tient pas la route, selon elle. « Il faut revenir à nos valeurs familiales et il faut agir en cohérence avec elles », dit la psychologue.

Par exemple, est-ce qu’on privilégie la valeur du plaisir dans la poursuite ou non d’une activité, ou celle du dépassement de soi ?

Toutefois, il ne faut pas non plus verser dans la surprotection. Relever des défis aide l’enfant et l’adolescent à se développer, rappelle Stéphanie Giardetti, intervenante psychosociale et propriétaire de Karenuf, un organisme qui accompagne les parents d’adolescents.

« Tout le monde a une zone de confort. C’est la zone où on se sent en sécurité. C’est important d’en avoir une… et c’est important d’en sortir. Et pour le faire, je préconise la technique des petits pas. »

– Stéphanie Giardetti, intervenante psychosociale

Un enfant qui aurait peur, par exemple, de sauter d’un tremplin au centre aquatique devra être encouragé, soutenu, accompagné. Et devra peut-être penser à sauter d’une plateforme moins haute d’abord. Bref, le défi doit être réaliste et graduel, mais il ne doit pas être évité. Sans quoi, l’enfant grandit en étant constamment accommodé. Les situations inconfortables, nouvelles ou plus exigeantes risquent alors de devenir anxiogènes, indique Mme Giardetti.

Lorsque la fille de M. Bélair a voulu stopper la gymnastique après six ans d’investissement, ce fut le choc. Et la tempête dans la maison, confie-t-il. « Mais une fois qu’on s’est tous calmés et qu’on l’a écoutée, on s’est rendu compte qu’elle voulait continuer à exploiter ses habiletés, mais autrement. Aujourd’hui, elle fait partie d’un groupe de cheerleading de façon récréative et elle est beaucoup plus souriante et détendue. »

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