Homicide à Québec

« Ils ne nous ont pas pris au sérieux »

Les parents de l’accusé, qui soupçonnaient une psychose, dénoncent un système « broche à foin »

Québec — Les parents de Kim Lebel ont brisé le silence lundi dans une rencontre émotive avec la presse, au cours de laquelle ils ont raconté comment ils ont tenté par tous les moyens d’avertir les autorités qu’un drame se préparait, des jours avant que leur fils ne soit arrêté pour le meurtre d’un voisin.

« Si on peut aider d’autres familles, tant mieux. Pour nous autres, il est trop tard », a lancé Daniel Lebel, dont le fils est accusé d’avoir tué Jacques Côté, 65 ans, le 6 avril dernier à Lac-Saint-Charles, au nord de Québec.

Accompagnés de leur avocat, Me Marc Bellemare, les parents ont raconté comment ils ont tout fait, jusqu’à voir un juge, pour amener leur fils de 30 ans devant un psychiatre. Ils estiment avoir été abandonnés par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) et pensent que les policiers auraient pu empêcher la mort de Jacques Côté, qui aurait été tué à coups de barre de métal.

« Ils ne nous ont pas pris au sérieux malgré toutes les étapes que nous, les parents, avons faites », a insisté la mère de l’accusé.

« Ce drame n’aurait jamais dû arriver, tout est en place pour l’éviter. »

— Lucie Drouin, mère de Kim Lebel

La mère de Kim Lebel a raconté avoir alerté le SPVQ dès le lundi 4 avril. Les parents s’inquiétaient de la santé mentale de leur fils, soupçonnaient une psychose qui pourrait avoir des conséquences graves. Les policiers ont rencontré leur fils, mais n’auraient pas donné suite.

« Daniel et moi avons insisté à plusieurs reprises pour qu’ils aillent le chercher et surtout rencontrer un psychiatre. Nous avons insisté sur notre peur quant aux gestes que pourrait poser notre fils », a raconté la mère.

Le lendemain, ils ont contacté l’organisme La Boussole, un groupe d’aide en santé mentale. Grâce à l’aide de l’organisme, un juge a accepté de se pencher sur le cas de Kim Lebel le 6 avril, quelques heures avant la mort de Jacques Côté. Le tribunal a ordonné peu après 11 h l’examen psychiatrique du jeune homme.

Les parents se sont donc rendus à la centrale de police du parc Victoria, à Québec, avec l’ordonnance en main dès midi.

« Déjà, je sens une lenteur, un manque d’empressement, un manque de compréhension de la dangerosité que j’exprime fortement à ce moment. “Allez vous asseoir”, qu’on me dit sèchement », a raconté Lucie Drouin.

« Enfin quelqu’un arrive. Je répète au policer la situation, je parle de psychose, de dangerosité pour nous et la société et pour lui aussi, encore là, attente. Il revient et je dis : “Dépêchez-vous, envoyez une patrouille, faites quelque chose”. »

« Il repart et revient en me disant de ne pas s’inquiéter, de retourner chez nous, qu’ils vont faire des vérifications sur les antécédents. »

Poursuivre la Ville ?

Les parents sont donc repartis, inquiets, à Lac-Saint-Charles. À leur arrivée, le pire s’était produit. Kim Lebel, « qui aurait été en crise, s’en serait pris à des citoyens et un homme de 65 ans a perdu la vie lors de l’agression », selon un communiqué du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), qui a ouvert une enquête sur le travail des policiers.

« Ce n’est pas normal d’attendre quatre heures à partir de l’ordonnance du juge. Les policiers auraient dû immédiatement aller chercher le petit gars. C’est une erreur impardonnable, à mon avis. »

— Marc Bellemare, avocat des parents de Kim Lebel

« On pense que ce meurtre-là aurait pu être évité si on avait neutralisé Kim dès l’obtention de l’ordonnance, dit MBellemare. Parce que du poste Victoria jusqu’à Lac-Saint-Charles il n’y a pas quatre heures de route. »

Kim Lebel a été arrêté et accusé de meurtre au second degré. Les parents n’écartent pas l’idée de poursuivre la Ville de Québec.

« Comment le maire de Québec peut-il affirmer avoir totalement confiance dans la police de Québec après ce qui s’est passé ? », demande la mère de Kim Lebel, qui a offert ses condoléances à la famille de la victime.

Le SPVQ a indiqué dans un communiqué le 8 avril que « les policiers se sont gouvernés en fonction des faits qu’ils avaient à leur disposition au moment des évènements ».

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