Guerre en Ukraine

Kyiv bombardé pendant la visite du secrétaire général de l’ONU

Il s’agit des premières frappes sur la capitale depuis la mi-avril

Le répit à Kyiv aura été de courte durée. Épargnée par les Russes depuis la mi-avril, la capitale ukrainienne a été la cible de bombardements jeudi, en pleine visite du secrétaire général des Nations unies, António Guterres.

Cette tactique visait à « humilier l’ONU », a estimé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. M. Guterres, qui a qualifié les frappes d’« acte odieux de barbarie », est « en sécurité », mais « choqué », a indiqué un porte-parole des Nations unies. Soutenant que la guerre était une « absurdité au XXIe siècle », le secrétaire général a aussi visité Boutcha et Irpin, deux villes où un nombre important de cadavres de civils ont été trouvés.

« Les Russes ne sont pas entrés en Ukraine pour partir. […] C’est un conflit qui risque de durer très longtemps », soutient Jocelyn Coulon, chercheur invité au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal.

Les autorités ukrainiennes ont cependant confirmé que personne n’avait été tué par ces deux frappes, qui ont néanmoins fait au moins 10 blessés et enflammé un bâtiment dans le quartier de Chevtchenkivskyï.

« Complètement inacceptable »

La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, a vertement condamné cette attaque « complètement inacceptable » sur la capitale ukrainienne.

« Ça démontre à quel point la Russie manque de respect envers non seulement le secrétaire général, mais l’ONU elle-même. Pourquoi ? Parce que la Russie est membre permanent du Conseil de sécurité et il y a des frappes sur Kyiv au même moment où le secrétaire général y est présent », a-t-elle dénoncé.

Et cela démontre également, « encore une fois », que la Russie vise des civils, ce qui va « à l’encontre des règles que l’on a prévues en droit international », a enchaîné la ministre à sa sortie de la période des questions en Chambre, jeudi après-midi.

Elle a rappelé que l’ambassadeur du Canada aux Nations unies, Bob Rae, a lancé cette semaine une charge contre Moscou avec plus d’une centaine de pays alliés en appuyant une résolution pour obliger les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, dont la Russie fait partie, à rendre des comptes lorsqu’ils exercent leur droit de veto.

« C’est la preuve que nous avons besoin d’une victoire rapide sur la Russie et que tout le monde civilisé doit s’unir autour de l’Ukraine. Nous devons agir rapidement. Plus d’armes, plus d’efforts humanitaires, plus d’aide », a soutenu le chef de l’administration présidentielle, Andriï Iermak, au 64e jour de l’invasion russe.

Biden demande 33 milliards au Congrès

Le président des États-Unis, Joe Biden, a demandé une « colossale rallonge budgétaire de 33 milliards de dollars » américains au Congrès, jeudi. Il a pour objectif d’apporter une aide militaire supplémentaire à l’Ukraine. De cette somme, 20 milliards doivent être consacrés à la fourniture d’armements, sept fois plus que ce que les Américains ont déjà envoyé à Kyiv. Les États-Unis n’attaquent pas la Russie, a précisé le démocrate. Ils « aident l’Ukraine à se défendre » face « aux atrocités et à l’agression » de la Russie.

La ministre de la Défense du Canada, Anita Anand, était d’ailleurs en visite à Arlington pour échanger avec son homologue américain Lloyd Austin, jeudi. La guerre en Ukraine était au menu.

Crimes de guerre présumés

Dix soldats russes ont été mis en examen pour avoir commis des crimes de guerre présumés à Boutcha. Ces soldats, qui appartiennent à la 64e Brigade de fusiliers motorisés de la 35e Armée russe, doivent maintenant être arrêtés et traduits devant la justice. Le 2 avril, les cadavres de dizaines de civils avaient été découverts à Boutcha, ce qui avait fait de cette ville l’un des macabres symboles de l’horreur provoquée par l’invasion décidée par le Kremlin. Les enquêteurs ukrainiens ont par ailleurs identifié « plus de 8000 cas » de crimes de guerre présumés, a déclaré la procureure ukrainienne Iryna Venediktova.

Lors d’un entretien avec Vladimir Poutine jeudi, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, a dit vouloir prendre l’initiative de mettre fin à la guerre en servant de médiateur entre l’Ukraine et la Russie. Jocelyn Coulon souligne toutefois que Poutine n’a aucun intérêt à accepter cette proposition. « Sur le terrain en ce moment, les Russes gagnent, illustre-t-il. Ils font des progrès dans le Sud et dans l’Est. La situation dans les prochaines semaines risque d’être extrêmement difficile pour l’Ukraine. Les nouvelles armes ne se matérialisent pas immédiatement. »

« Je ne vois pas comment une initiative de paix pourrait aboutir dans les prochaines semaines ou les prochains mois. »

— Jocelyn Coulon, chercheur invité au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal

Moscou condamne des « actes terroristes »

Le gouvernement russe a par ailleurs condamné des « actes terroristes » en Transnistrie, région séparatiste prorusse de Moldavie, dont un village abritant un dépôt de munitions russes a été visé par des tirs. Moscou « condamne fermement les tentatives d’impliquer la Transnistrie dans les évènements en Ukraine », a annoncé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, en point de presse. Kyiv a de son côté accusé Moscou de chercher à « déstabiliser » la Transnistrie.

Le rouble sera introduit à Kherson

À partir du 1er mai, les Russes qui contrôlent la ville ukrainienne côtière de Kherson ont l’intention d’y introduire le rouble, unité monétaire de la Russie. Kirill Stremooussov, adjoint au président de l’administration locale russe, a expliqué prévoir une transition de quatre mois avant de n’accepter que le rouble. Pendant cette période, il sera encore possible d’utiliser la hryvnia, monnaie ukrainienne. « L’introduction du rouble russe dans la région de Kherson est un acte d’annexion et une violation grave par la Russie » de la Charte des Nations unies, a aussitôt dénoncé Lioudmila Denissova, chargée des droits de la personne auprès du Parlement ukrainien.

— Avec Mélanie Marquis, La Presse, La Presse Canadienne, l’Agence France-Presse et The Guardian

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Nombre d’Ukrainiens ayant quitté leur pays pour fuir l’invasion russe en 24 heures, de mercredi à jeudi. Au total, près de 5,4 millions de personnes ont fui l’Ukraine depuis le début de la guerre, le 24 février ; 90 % d’entre elles sont des femmes ou des enfants, puisque les hommes de 18 à 60 ans sont soumis à la conscription militaire.

Agence France-Presse

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