Un musée dans un conteneur

Les pilotes du Saint-Laurent donnent rendez-vous aux Québécois cet été sur les quais de petites collectivités le long du fleuve. Le lieu de rendez-vous ? Un conteneur maritime, bien sûr !

La Corporation des pilotes du Saint-Laurent Central organise cet été une exposition itinérante, une sorte de musée dans un conteneur, pour marquer son 150e anniversaire.

« C’est un beau prétexte pour rencontrer les communautés riveraines et pour faire connaître notre travail, qui est méconnu », déclare Pascal Desrochers, président de la Corporation et lui-même pilote.

Un pilote est un spécialiste qui prend la barre d’un navire lorsque celui-ci s’engage dans un secteur navigable complexe, comme le Saint-Laurent. En fait, la navigation sur le fleuve est tellement délicate qu’il faut trois pilotes différents entre Les Escoumins et Montréal.

« Entre Les Escoumins et Québec, on travaille beaucoup avec les marées et des microclimats, indique M. Desrochers. En amont de Québec, le fleuve se rétrécit beaucoup, il y a toujours l’effet de la marée qui est super important. En amont de Trois-Rivières, il n’y a plus de marée, mais on fait face à un chenal plus étroit, plus sinueux, beaucoup moins creux. C’est la nature même de notre travail de connaître un tronçon en particulier. »

C’est ainsi que M. Desrochers est pilote pour la section entre Trois-Rivières et Montréal. Dans ce secteur, le chenal dragué est particulièrement étroit, soit 245 m. Une fois engagés, les gros navires de 300 m de long ne peuvent pas faire demi-tour.

La navigation hivernale y est également problématique. La présence de glace fait en sorte que les systèmes de positionnement sont moins précis et que les radars sont moins efficaces. En outre, les bouées sont retirées l’hiver. « Mon brevet de pilote ne me permet pas d’être pilote dans un autre secteur : j’y serais complètement inutile et incompétent », précise M. Desrochers. Pour piloter ailleurs, il lui faudrait reprendre une bonne partie de son apprentissage.

Une affaire de famille

La formation d’un pilote peut prendre une quinzaine d’années. Il faut d’abord étudier pendant quatre ans la navigation dans une école spécialisée, comme l’Institut maritime du Québec à Rimouski, puis naviguer pendant cinq ans pour obtenir un brevet de capitaine, suivre une formation d’apprenti pilote de deux ans et enfin effectuer 300 missions avec un pilote breveté.

Pour beaucoup de pilotes, c’est une affaire de famille.

« Comme c’est un métier méconnu, c’est difficile d’attirer des gens qui n’ont aucune connaissance dans ce métier-là. Je viens d’une famille de marins : mon père était pilote, il avait été initié par ses oncles. »

— Pascal Desrochers, pilote et président de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent

Son père était natif de Lotbinière, qui est justement un des berceaux du pilotage au Québec. « Si on remonte aux années 1800 et au début des années 1900, il y avait deux bassins de pilotes : l’un à Deschambault, sur la rive nord, et l’autre en face, à Lotbinière. »

Bien sûr, les technologies ont changé avec le temps, des outils électroniques sont venus appuyer les méthodes visuelles de navigation. Or, celles-ci demeurent fondamentales.

« À la base, notre travail, c’est avec les yeux. On peut se situer avec une ligne de positionnement visuel. Si je mets en ligne un clocher d’église avec un silo de cultivateur, ça me donne une ligne de positionnement, je sais où je me situe, il ne peut pas y avoir d’erreur. Avec le GPS, il y a des jours où le signal est moins bon. Avec le radar, il y a des erreurs qui sont incluses, il faut interpréter les données. »

Le mode de transbordement des pilotes n’a pas non plus changé avec les années. « On va se présenter au côté du navire [à bord d’un bateau pilote], on grimpe dans une échelle de corde et on se présente à bord. Pour nous, c’est le moment le plus intense, le plus dangereux. »

Et pas qu’un peu : dans le monde, de deux à trois pilotes perdent la vie chaque année lors de ces manœuvres. « Sur notre tronçon, nous sommes chanceux, nous sommes dans des eaux plus abritées, les risques sont faibles. Mais ils sont présents. »

Ce sont ces informations, et plus encore, qu’on peut trouver dans le conteneur muséal. L’exposition est gratuite et autoguidée, mais les fins de semaine, des pilotes actifs et retraités sont sur place pour répondre aux questions.

Le site internet du 150e anniversaire de la Corporation donne plusieurs informations sur le métier de pilote et fournit l’horaire de la tournée estivale de 2022. Le conteneur muséal sera de retour en 2023 pour une tournée dans de plus grandes villes, comme Montréal et Québec.

11,3 m

C’est la profondeur du chenal de navigation du fleuve Saint-Laurent

Source : Corporation des pilotes du Saint-laurent central

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