Les Blackhawks de Chicago

Un emblème souvent adulé, parfois controversé

Faites le tour des palmarès des plus beaux emblèmes sportifs, tous circuits confondus, et vous verrez bien souvent l’Amérindien le plus célèbre de la Ville des vents trôner au sommet. Pourtant, à première vue, il n’y a rien de bien particulier dans un simple visage vu de profil, dont la version originale fut conçue par la femme du premier propriétaire des Hawks, en 1926.

Mais les experts, aussi bien que les partisans, ne tarderont pas à vous rappeler à l’ordre.

« C’est toute la symbolique qui l’accompagne. Ça va beaucoup plus loin que le logo. Ça rappelle l’époque du Chicago Stadium, avec son orgue coulé dans le béton », explique Paul Houde, animateur au 98,5 FM.

Ce dernier est fort probablement le plus grand fan des Hawks au Québec. Son amour pour l’équipe remonte à sa plus tendre enfance. « Quand j’étais petit, c’était le chandail que je rêvais d’avoir, raconte-t-il. Je n’ai jamais trippé sur celui du Canadien, encore moins sur celui des Maple Leafs. »

Sa passion est d’autant plus vive ces jours-ci, alors que les Blackhawks se mesurent pour la toute première fois aux Bruins de Boston en finale de la Coupe Stanley, une autre des équipes originales de la LNH. « De voir que les deux uniformes sont les mêmes que durant mon enfance, ça a une valeur symbolique énorme pour moi », confie-t-il.

Le combat d’une militante

Tous ne partagent cependant pas ce même amour pour le logo des Blackhawks. En 2010, le chroniqueur Damien Cox, du Toronto Star, a signé un texte réclamant sa disparition. Papier pour lequel il a été vertement critiqué.

Pour d’autres, comme Suzan Shown Harjo, il est même « assez hideux » et représente « un terrible stéréotype ».

Mme Harjo est la présidente du Morning Star Institute, organisme de défense des droits des Amérindiens basé à Washington. Elle se bat depuis nombre d’années pour empêcher les équipes sportives professionnelles et étudiantes d’utiliser des références autochtones pour leurs noms ou logos. Elle a notamment intenté une poursuite contre les Redskins de la NFL en 1992 pour les forcer à changer de nom. Après 17 ans de débats, sa plainte aura finalement été rejetée.

« Ça devient facile pour les gens de se moquer de nous, explique-t-elle lorsque jointe par La Presse. Nous devons être pris au sérieux et nous ne le serons pas tant et aussi longtemps que ça fera partie de notre culture populaire. »

Les efforts de Mme Harjo semblent cependant avoir porté leurs fruits dans certains cas. L’an dernier, sous les pressions de la NCAA, l’Université du Dakota-du-Nord a aboli le nom de Fighting Sioux pour ses équipes sportives. Cette semaine, une école secondaire de l’Idaho a annoncé qu’elle abandonnait l’appellation Redskins. Plus près de nous, une équipe de basketball d’Ottawa, d’abord baptisée Tomahawks, a dû se résoudre à devenir les SkyHawks à la suite de protestations.

Y aurait-il toutefois des dissensions au sein des autochtones américains ? En 2002, un sondage publié dans le magazine Sports Illustrated affirmait que 75 % d’entre eux ne s’opposaient pas au nom des Redskins. Cette proportion est passée à 91 % dans un autre coup de sonde en 2004, lancé par un organisme de recherche rattaché à l’Université de Pennsylvanie. Le commissaire de la NFL, Roger Goodell, a d’ailleurs déclaré récemment que l’équipe garderait son nom, citant ses origines et les sondages approbateurs.

Mme Harjo rejette les conclusions de ces enquêtes du revers de la main, soutenant que les répondants ont été mal informés et que la méthodologie était déficiente.

Et que répond-elle au fait que la tribu des Seminoles a expressément autorisé l’Université Florida State à se servir de son nom pour baptiser ses équipes sportives?

« Je n’aime pas cette idée qu’une tribu locale décide de garder ou non le nom, parce qu’elle empêche les étudiants, qui sont les premiers lésés, de décider eux-mêmes », indique Mme Harjo.

Pas de controverse au Québec

Si la question de l’utilisation de la culture autochtone dans les sports soulève les passions aux États-Unis, on ne peut pas vraiment en dire autant au Québec.

Le président grand chef de l’Alliance autochtone du Québec, Robert Bertrand, indique d’ailleurs qu’il n’a jamais eu de plaintes en ce sens de la part de ses membres. « Vous êtes le premier à m’en parler », fait-il savoir.

Questionné sur son appréciation du logo des Blackhawks, M. Bertrand ne s’en formalise pas une seconde. « On a tous été élevés avec ça, dit-il. C’est plutôt un honneur d’avoir une équipe au nom indien. »

« Le logo des Blackhawks est tout à fait différent de celui des Indians de Cleveland, par exemple, qui est complètement caricatural. Celui de Chicago appartient à l’histoire », rénchérit pour sa part Paul Houde.

Au Québec, les symboles amérindiens sont plutôt rares dans les sphères sportives, si ce n’est du logo des Cataractes de Shawinigan dans la LHJMQ. Et pour le moment, tout indique qu’il est là pour rester, aux dires du commissaire Gilles Courteau.

« Bien que les normes changent au fil du temps, l’emblème graphique des Cataractes a une signification fondamentale dans l’histoire de notre ligue. Ce symbole a toujours, selon nous, véhiculé une image positive de vigueur, de caractère et d’intégrité. » 

« Le révisionnisme mène souvent à l’intégrisme, résume Paul Houde. […] Tant qu’à cela, on va faire la même chose à Vancouver pour les Canucks, qui est un terme péjoratif au même titre que "Paki" pour les Pakistanais. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.