Élections Québec 2014

Pourquoi les jeunes
ne votent-ils pas ?

Les jeunes votent peu. À l’exception de l’élection
de 2012 qui s’est déroulée peu de temps après
le printemps érable, le taux de participation
des 18-24 ans diminue d’élection en élection.
On les dit cyniques, désabusés, désintéressés.
Comme ils lisent moins les journaux et regardent
peu les bulletins de nouvelles, ils sont peu au fait
de la campagne électorale. Analyse d’un phénomène.

POURQUOI LES JEUNES
BOUDENT-ILS LES ÉLECTIONS ?

« On a toujours observé un décalage entre les jeunes et les vieux, observe Bernard Fournier, chercheur québécois rattaché à l’Université libre de Bruxelles et auteur de nombreux écrits sur l’engagement politique des jeunes. C’est un peu normal, à cet âge, car ils ne sont pas encore insérés socialement, ils sont en devenir. Ce qui est plus inquiétant depuis quelques années, c’est qu’ils se socialisent dans un climat cynique par rapport à la politique. Or, si un jeune ne vote pas la première fois qu’il le peut, les chances sont plus élevées qu’il ne vote pas aux élections subséquentes. »

« Est-ce parce que les politiciens ont moins de panache qu’autrefois ? », se demande Philippe Bernier Arcand, essayiste et auteur du livre Je vote moi non plus, publié en 2009, qui tentait de comprendre le désintérêt de la population face à la politique. Selon lui, « les efforts des politiciens pour se rapprocher des jeunes – aller dans les talk-shows, participer à une émission humoristique comme l’a fait Barack Obama la semaine dernière – ne les rendent pas plus cool. Ils contribuent plutôt à entretenir le cynisme chez les jeunes. »

« C’est vrai que le cynisme face à la politique est notre principal obstacle, confirme Léo Bureau-Blouin, le plus jeune député à l’Assemblé nationale, candidat dans Laval-des-Rapides et responsable du dossier jeunesse au PQ. Moi je crois que pour intéresser les jeunes, il faut leur parler de choses concrètes, montrer ce que la politique change dans nos vies. »

« Il n’y a pas de formule magique, affirme Bernard Fournier. Si on veut que les jeunes s’intéressent à la politique, il faut que la politique s’intéresse à eux sans cynisme. Or, les partis nous parlent de ce qu’ils ne pourront pas faire par manque d’argent plutôt que de parler de projets et d’avenir. »

COMMENT REJOINDRE LES JEUNES ?

Toutes les études le disent, les 18-24 ans ont délaissé l’écoute de la télévision et la lecture des journaux. Ils préfèrent le web qu’ils ne visitent toutefois pas beaucoup pour s’informer. La meilleure façon de parler politique aux jeunes, c’est d’aller sur le terrain. Sur ce point, tout le monde s’entend. 

« Quand tu rencontres quelqu’un à la cafétéria, tu ne peux pas te défiler. On répond à leurs questions, on discute. »

— Léo Bureau-Blouin qui fait
le tour des cégeps et des universités
à la rencontre des étudiants

Quand La Presse lui a parlé vendredi dernier, il s’apprêtait à aller faire la tournée des bars de Laval. « C’est certain qu’on ne peut pas avoir de longues discussions mais c’est plus décontracté, on se présente, on parle avec les gens. »

Chez Québec solidaire aussi, on aime bien ces activités de proximité. « Amir Khadir est amateur de hockey, alors les soirs de match, on organise une petite tournée dans les bars, lance Keena Grégoire, directeur de campagne dans Mercier. On est souvent invités dans les cégeps et les universités où on a des structures permanentes. »

Le plus difficile selon Léo Bureau-Blouin, c’est de rejoindre les jeunes qui ne fréquentent plus l’école. « Ils sont moins présents sur les réseaux sociaux, il faut vraiment se rendre sur leur lieu de travail pour leur parler. » Même constat chez Québec solidaire. « Les syndicats sont un bon moyen pour nous de rejoindre les jeunes qui travaillent », observe Keena Grégoire.

Traditionnellement, le jour du vote, les partis ont l’habitude d’appeler les électeurs à la maison pour leur rappeler d’aller voter. Mais les jeunes n’ont plus de ligne fixe. « Les jeunes n’apparaissent plus dans les registres, on ne peut donc pas les rejoindre », observe Léo Bureau-Blouin.

LES RÉSEAUX SOCIAUX : PAS UNE PANACÉE

Quand nous avons demandé à la CAQ comment le parti s’y prenait pour rejoindre les jeunes, la conseillère aux communications Émilie Toussaint nous a répondu : « en étant très présents sur les médias sociaux ». Or quand nous avons consulté le compte Twitter de la commission de la relève de la CAQ, il était inactif depuis deux semaines et sa page Facebook ne comptait que deux « J’aime ». Le président de la commission, David Raynaud, un élève de 21 ans du cégep de Saint-Laurent, promet d’être plus présent mais il pense lui aussi que les visites dans les institutions sont les plus efficaces pour s’adresser aux jeunes.

« Facebook peut donner l’illusion que tout le monde s’intéresse à la campagne, affirme Leo Bureau-Blouin. Mais ça dépend qui sont tes amis. Si la politique ne t’intéresse pas, tu n’iras pas visiter la page d’un parti ou t’abonner à son come, croit Madwa-Nika Cadet, présidente de la commission jeunesse du PLQée est déjà un peu faite, croit Madwa-Nika Cadet, présidente de la Commission jeunesse du PLQ. Facebook et Twitter c’est bon pour la visibilité et pour véhiculer des messages et on essaie d’être très actifs mais il n’y a rien de mieux qu’une assemblée, un kiosque d’information ou une rencontre
avec un candidat pour avoir un véritable impact. »

« Le jeunes aiment
que les politiciens
se déplacent pour
venir les rencontrer. »

— Madwa-Nika Cadet, présidente
de la commission jeunesse
du Parti libéral du Québec

DES SOLUTIONS QUI FONCTIONNENT

Tout le monde est d’accord : la nouvelle loi 13 – qui permettra aux étudiants de voter sur leur campus – devrait avoir un impact positif sur le taux de participation. D’autres facteurs pourraient jouer. Selon Bernard Fournier, la pression sociale et familiale compte pour beaucoup. « Si tes amis te disent : « Es-tu allé voter, vas voter, c’est ton premier vote, c’est important », cela aura un impact, explique-t-il. 

Le vote électronique aussi pourrait favoriser le vote des jeunes tout comme d’abaisser l’âge du vote à 16 ans. L’école pourrait prendre en charge l’éducation à la citoyenneté, les jeunes seraient davantage informés. »

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Une aile jeunesse, ou non ?

Les principaux partis ont une aile jeunesse. Tous sauf Québec solidaire, qui a choisi d’intégrer
les jeunes aux instances du parti. « On ne voulait pas construire un bac à sable où les jeunes iraient faire de la politique ensemble, lance Keena Grégoire, directeur de campagne dans Mercier.
On ne favorise pas les activités jeunesse, on veut faire de la politique tout le monde ensemble. »

L’approche est à l’opposé de celle du Parti libéral où l’aile jeunesse joue un rôle important depuis 40 ans, selon son actuelle présidente, Madwa-Nika Cadet. « On compte pour le tiers des délégués et notre voix se fait entendre. Plusieurs de nos idées sont devenues des projets de loi
et historiquement, les jeunes libéraux ont toujours occupé une place importante au sein du parti. »

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Mobiliser l'aile jeunesse

La commission jeunesse du PQ est, elle aussi, très dynamique. Pour cette élection, la première ministre lui a confié un mandat : expliquer la nouvelle loi 13 aux jeunes. « On va faire de la sensibilisation durant toute la campagne, explique le président de la Commission jeunesse, Frédéric St-Jean. On est une caravane de quatre personnes et on visite deux institutions par jour. On explique la loi, on dit aux jeunes quelles pièces d’identité ils doivent présenter pour voter
le 7 avril, on fait vraiment de l’éducation. Notre objectif est de dépasser le taux de participation
de 2012 qui était de 62 % chez les 18-24 ans. »

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« Belette vibrante »

En 1994, Jacques Parizeau, chef du Parti québécois, révélait son nom de totem scout,
« belette vibrante » à l’émission Politiquement direct animée par Geneviève Borne
sur les ondes de Musique Plus. À l’époque, un sondage CROP indiquait que 58 %
des jeunes se disaient intéressés par la politique.

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« On est 2 millions, faut voter ! »

En 2012, en collaboration avec l’Institut du nouveau monde, le directeur général
des élections du Québec a élaboré une campagne de trois vidéos mettant
en vedette des personnalités québécoises qui invitaient les jeunes à voter.

http://www.youtube.com/watch?v=Opek30RIJO4

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Engagez-vous !

Le groupe L’apathie c’est plate est une initiative citoyenne pour encourager
la participation des jeunes à voter aux élections et à s’engager dans la vie civique.

http : //www.apathyisboring.com/fr

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Traîtres chez nous

C’est le thème de la campagne menée par l’Association pour une solidarité
syndicale étudiante (ASSÉ) contre le Parti québécois. Le site web manif3avril.org
annonce une manifestation pour le 3 avril prochain. « Il est plus facile de mobiliser
les jeunes contre quelque chose que pour », note le politologue Bernard Fournier.

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Capsules humoristiques

Le Projet 4 septembre était une série de cinq capsules humoristiques conçues par trois jeunes hommes pour inciter les jeunes à aller voter à l’élection du 4 septembre 2012. Les trois comparses réalisent maintenant Jeudi 16 heures, des capsules diffusées sur les ondes de Télé-Québec.

http://www.youtube.com/user/projet4septembre

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