Jogging

Être les yeux d’un coureur

Aperçu du travail d’un guide pour athlète non voyant

Courir sous la pluie est un plaisir, semblable à celui de sauter dans les flaques d’eau. Pour Nathalie Chartrand, jogger sous les averses intenses, comme elle l’a fait samedi matin, est aussi quasiment plus… sécuritaire. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas à craindre les vélos (plutôt rares par grosse pluie) sur la piste cyclable qui va de chez elle au parc Maisonneuve.

Emprunter les voies cyclables est souvent nécessaire quand on est une joggeuse aveugle, comme Nathalie. Le piteux état des trottoirs lui donne des sueurs froides (superflues lors d’averses…), même si elle court avec Josée Cuerrier. Depuis quelques semaines, la guide bénévole vient de la couronne nord pour leur entraînement hebdomadaire.

« Nathalie me tient le bras en courant, explique Josée. Il faut que je lui dise quand il y a des craques au sol, des branches, des pancartes… »

Courir et parler

Le guide doit parler et courir en même temps, à un rythme convenant à l’athlète non voyant. « Il doit être les yeux de la personne aveugle », décrit Nathalie, qui est la directrice générale de l’Association sportive des aveugles du Québec.

En compétition, les duos sont reliés par une corde tenue par les deux coureurs. Mais lors de joggings informels, la personne malvoyante tient simplement l’intérieur du bras de son guide.

La Presse a tenté l’expérience, guidant Nathalie autour du Stade olympique. Verdict : c’est plus épuisant intellectuellement que physiquement, puisqu’il faut repérer – et décrire adéquatement, suffisamment à l’avance – les nombreux obstacles croisés. Avant de les contourner, idéalement en douceur.

« Il faut courir avec son guide au moins une fois par semaine, conseille Nathalie, qui cherche des bénévoles assidus [notamment sur la Rive-Sud] à jumeler avec des coureurs. Plus tu cours ensemble, plus tu développes une complicité. »

Découvrir et voyager

C’est depuis 2010 que Nathalie court. Devenue aveugle à 20 ans, elle a d’abord pratiqué le goalball (un sport d’équipe avec ballon sonore), remportant des médailles de bronze et d’or aux Jeux paralympiques de Barcelone et de Sydney, en 1992 et en 2000.

« C’est le sport qui m’a fait “ressortir”. Ça m’a donné une raison de sortir de chez moi, avec mon chien-guide. »

— Nathalie Chartrand

Après avoir cessé la compétition, elle a eu envie de se remettre au sport, sans pression. La course à pied avec guide – parfaite pour cette amatrice de sport d’équipe – l’a séduite. Ce qu’elle aime du jogging ? « Comment on se sent après ! s’exclame-t-elle. Pendant la course, ça peut aussi être agréable. La semaine prochaine, je m’en vais chez des amis à Toronto. Je vais aller courir le long du lac Ontario. Je vais découvrir le terrain, ce que vous faites en auto, avec vos yeux. Je vais sentir les odeurs et entendre le coin-coin des canards et des cygnes. »

Course-Lumière

Envie de tenter l’expérience de la course dans la pénombre ? L’Association sportive des aveugles du Québec s’associe aux magasins MEC pour organiser la Course-Lumière, le samedi 9 septembre à 20 h. Au parc Maisonneuve, il sera alors possible de courir 5, 10 ou 15 km à la noirceur, en compagnie de coureurs semi-voyants, non voyants et de leurs guides.

Une des dernières occasions de courir avant que le sol soit jonché de feuilles mortes, « aussi glissantes que des peaux de banane », observe Nathalie.

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